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Le Singe Vert - Page 42

  • Col d'Osquich et langue grecque


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        Le col d'Osquich est un tout petit seuil de montagne, juste avant de descendre sur St-Jean de Luz. Nous y avons dormi plusieurs fois, sans télévision, avec belle vue sur moutons dès l'ouverture matinale des volets. J'offre cette prose au peuple. Chambre calme, propice aux meilleurs rêves. Celui-ci se déroulait en Gascogne, à Andernos, plus haut, sur la côte du Bassin. Il faut connaître Andernos hors-saison, privilège dont nous avons souvent joui : la vie s'y déroule insouciante, pour ceux qui n'ont point de soucis. Parfois même, à marée haute, on s'y baigne encore. Nous étions une poignée d'intellectuels, comme on avait coutume de dire en ce temps-là, où le mot n'était pas encore une insulte. Le pont fleuri.JPG
        Entre nous régnait l'entente, et parfois l'entraide. Nous étions des camarades qui s'estimaient, indépendamment de toute abondance de diplômes. Le programme ce soir-là comporte l'écoute en public de Maurice Ravel, natif de Ciboure ; trois fois le même morceau, différemment interprété, soumis à nos suffrages ; la première version, anonyme comme il se doit, n'est pas très fameuse. Dans le studio radiophonique siègent évidemment l'équipe de critiques appréciés par nous autres, et nous les écoutons religieusement, ou bien nous insurgeons contre leurs injustices pointilleuses. Or ce jour-là, les auditeurs de France-Musique, depuis remplacée par le trop fameux Radio-Solfège, prirent connaissance d'une nouvelle catastrophique : avant même le second extrait, entra dans le studio un partenaire catastrophé : le disquaire, espèce en voix de disparition, venait de mourir. C'était lui qui prêtait ses disques, il portait des cheveux blancs bouclés, il n'avait pas 60 ans.  Aussitôt, à l'invitation des présentateurs (qui interrompent leur émission, la remplaçant par une bande magnétique), nous sortons de notre hôtel pour affluer à sa boutique, à deux pas d'ici : une liquidation aura lieu, car les disquaires n'ont plus de successeurs ; peut-être en reniflant plus ou moins pourrons-nous profiter de vinyles à bas prix, car ils n'avaient pas encore atteint ce regain de réputation ni cette augmentation de prix d'à présent : le vrai son atmosphérique, c'est sur les vinyles qu'on l'obtient.
        Plus au fond, le disquaire et sa femme vendaient également des livres, sur de vieilles étagères. J'étais allé sur la tombe de cette épouse, nommée Véra Frantz, squelettique, liquidée en trois jours par un atroce blocage de vessie ; elle avait écrit une œuvre extraordinaire sur le narcissisme féminin, y compris la masturbation dans ce qu'elle a de plus compulsif. Je ne sais plus s'il s'agissait vraiment de reins ou de poumons. Mais les cancers ont de ces sautes d'humeurs... des métastases, c'est bien cela ? Ravel souffrit d'un « ramollisement du cerveau », plus exactement de l' « atrophie de l'hémisphère gauche ». Oui, les meilleurs s'en vont : le disquaire, avant lui Véra Frantz, avant elle Ravel (1937).
        Nous sommes gonflés de rage et de larmes. Une dizaine de personnes se pressent à présent dans l'étroite boutique. L'ardeur acquisitrice fait vite place à l'émotion. Il nous faut de l'air, les groupes se recomposent, peut-être, sûrement même, les présentateurs de la radio se trouvent-ils là parmi nous. Nous sommes quelques-uns à nous diriger vers la jetée d'Andernos, hélas reconstruite. La mer a bien baissé, mais c'est très souvent basse mer en fond de bassin, et « haute boue »... Cela permet de consolider l'extrémité de la jetée, où subsiste toujours un peu d'eau. Des ouvriers sont là, qui consolident sa charpente, par-dessous. L'un de nous s'adresse à eux dans leur langue, la grecque démotique.
        En ce temps-là, savoir le grec, ancien ou moderne, n'était pas puni d'amende pour « élitisme dommageable aux principes républicains d'égalité » ; de même, les charpentiers connaissaient Ravel, et furent affligés de ce décès qu'on leur apprenait. Véra s'était éteinte à domicile, alors qu'on appelait justement l'ambulance ; peut-être meurt-on mieux chez soi. Elle était souriante sur son lit, et toute vêtue de bleu. Puis nous arpentons la plage. Mon meilleur ami extrait
    du sable un Magnum vide, de vin et de message ; et gratte nerveusement de l'ongle un reste d'étiquette étroitement collé ; désormais la cohérence de notre vie sera désorganisée sans remède et je fonds en larmes intérieure. Hommage à notre disquaire, Elie Chouraqui, homonyme du producteur français.
        Autour de l'embarcadère, les ouvriers à présent renflouent une vieille embarcation de bois, au dernier stade de la vétusté, dont on pourra juste sauver, au mieux, trois ou quatre voliges

  • André Maurois "Terre promise"

        Nous avons lu cela cent fois : pour mémoire, Anna Karénine, chef-d'œuvre, La fontaine Médicis de Kessel, pas trop mal, Mort, où est ta victoire de l'ineffable catholique Daniel-Rops, et pour sombrer dans le ridicule de feuilleton « Bonnes Soirées », Les murmures de Satan par Michel de St-Pierre, et j'en passe, j'en passe. L'histoire, la biographie, carrément, d'une jeune fille bourgeoise et romantique (Madame Bovary, Une vie de Maupassant pour nous hausser à nouveau), qui s'amourache du premier homme velu venu, le trouve épouvantablement terne dans l'existence, et adroit comme une trompe d'éléphant au lit, mais je fais injure à nos amis pachyderme. Il faudrait mentionner aussi en bonne place Tess d'Urberville de Thomas Hardy, laquelle assassine son mari qui lui a demandé une fois de trop « Alors, toujours malheureuse » ? - quand on est gaffeur, on est gaffeur.
      Le petit seuil coquet.JPG  On est un homme, quoi : vous savez, comme disait Bretecher, comme une femme, mais avec pas de seins, et une petite tripe qui pendouille. Bref, c'est fou ce qu'on nous aime dans les romans pour femmes, et Terre promise d'André Maurois, de l'Académie française, ne fait pas exception à la règle : c'est la guerre des sexes, du moins dans la grande bourgeoisie croyante, où les femmes n'ont rien d'autre à faire que de passer derrière leurs boniches pour leur reprocher de n'avoir pas su mettre la table ou repasser le linge. Il y a des variantes, mais il est bien entendu que les femmes sont victimes de la muflerie masculine, qu'elles vivent sur terre un enfer de banalité, jusqu'à ce qu'elles rencontrent « le bon », qui se trouve comme par hasard déjà maqué, ou inaccessible, ou mort.
        Ces dames n'ont pas tort, car nous sommes largement aussi chiants qu'elles, et n'avons qu'une idée en tête au niveau de la braguette : celle d'introduire dans la charmante corolle féminine « cette horrible chose que vous avez là », comme disait je crois la comtesse de Chimay, gouine et belge (une cumularde). Et, selon Marlène Dietrich, « c'est toujours l'histoire d'un homme qui veut mettre son machin dans une femme, qui ne veut pas ». Ce qu'il faut, vu le besoin immense que les hommes ont des femmes, incapables qu'ils sont de réfréner leurs instincts (c'est ce que dit sa mère à sa fille Claire dans le roman de Maurois), il faut leur tenir la dragée haute, et « qui donne ses lèvres est perdue », je cite encore.   
        Claire est la fille du général Forgeaud, qui mourra en 14-18, et possède son banc d'œuvre à St-Machin-sur-Chose (Larbaud), avec son nom dans le cuivre sur le prie-Dieu. La petite fille avec laquelle nous faisons connaissance, plus tard, sera affublée d'une gouvernante anglaise qui considère les hommes comme des créatures répugnantes, je cite, et l'acte d'amour comme une chose
    COLLIGNON        LECTURES  « LUMIERES, LUMIERES »
    MAUROIS        « Terre promise »    (60 02 05)  61 04 28             98



    absolutely disgusting.  La question est de savoir si je ne vais pas finir par confondre toutes ces histoires. Terre promise, j'en ignorais encore tout voici dix-huit mois. La composition en remonte à 1945. Une petite fille de 6 ans récite ses prières, mais on ne consent pas à lui expliquer « le fruit de vos entrailles », « qui ne regarde pas les petites filles ». En revanche, la nourrice lui chante le roi Renaud, qui revient de guerre « avec ses tripes dans ses mains » d'où le verbe « se tripoter toutes tripes ôtées ». La fillette imagine des choses sales et sanglantes, elle n'a pas tort. Ce gâchis éducatif  s'opérait encore entre les deux guerres, ou avant la première.
        Je crois bien qu'il se perpètre encore de nos jours. Observons deux facilité dont les Maurois n'avaient pas conscience : d'une part, la surreprésentation du milieu très bourgeois, où l'on se vouvoyait de parents à enfants et réciproquement. Cette surreprésentation régnait déjà au XIXe siècle, farci de faux barons et de marquises d'opérette, sans omettre princes ni princesses, encombrant aussi tous nos classiques. Nous pourrions de nos jours les remplacer par des profs et des journalistes, voire des écrivains, fortement concurrencés tous par les pégreleux, vagabonds et toxicos de tous ordres. Le second cliché, dont hélas personne encore ne s'avise, consiste à conférer aux enfants ou ados des rôles essentiels, comme s'il n'y avait que la formation indélébile du futur adulte qui méritât qu'on s'y attardât.
        De fait, les écrivains, les cinéastes ont raison : il faut  un personnage déchargé de tout travail mécanique ou aliénant, comme un rentier, ou une adolescente en proie aux tourments, nourrie par ses parents. La concurrence vient, ces derniers temps, des hommes mûrs et des vieillards. Mais chez Maurois, nous aurons, très traditionnellement (nous sortons de la dernière guerre) une fillette de six ans disions-nous, qui ne sera ni martyrisée ni attouchée, ce qui tient du miracle par rapport aux obsessions du XXIe siècle. « Le dimanche, Claire était réveillée par les cloches dont le bruit joyeux montait du village ». Vie douce et teinte d'ecclésiastisme, où les forces spirituelles faisaient encore douce autorité.
        Vie aristocratique ou grande bourgeoise, dominant le village de sa gentilhommière. Existence traditionnelle, où pourront s'épanouir les méandres archiusés des amours douloureuses. Pour l'instant, l'enfant se réjouit de la bonne lumière, des attentions de la bonne et du devoir de la messe. Puis viendra le curé. « En ouvrant les yeux elle voyait sur une chaise, près de son lit, sa robe de velours [à elle] qu'avait préparée Léontine. » Très prévisible, très féminin ; la bonne porte un prénom de bonne, qui figurait déjà dans mon premier livre de lecture.


     « Sous les fenêtres, sur le gravier de l'allée, on entendait piétiner les chevaux qu'attelait le vieux Larnaudie, jardinier la semaine, cocher le dimanche. » Milieu riche, mais modeste... Nous avons droit une fois de plus, one more time, aux voluptés de l'âge tendre, supposé perméable à toutes les sensations, voir Enfance de Sarraute. Lointain écho de plus du narrateur de Proust, lorsqu'il s'éveille au-dessus des flots de Cabourg. Confirmation du rang social élevé : la possession de chevaux qui ne soient pas de labour, mais nécessitent une fonction de cocher. Personnel stylé, respectueux. Il porte des identités de peuple, Léontine, qui coiffait une petite fille dans mon premier livre de lecture, et Larnaudie, qui fleure bon son Sud-Ouest mauriacien.
        Nous ne serons pas dépaysé, malgré notre méconnaissance évidente de ce milieu, si souvent mis en scène. Passons au petit déjeuner, sans parents ? « Dès que sa fille avait eu six ans, la Comtesse Forgeaud avait décidé de l'emmener à la grand-messe. »  Noblesse d'Empire, sans particule, gagnée près des forges, du moins dans le patronyme, Forgeaud. La Comtesse sera hautaine, attirera l'admiration de sa fille, et toutes les culpabilités qui immanquablement s'en suivent. La fillette fera l'apprentissage ainsi non seulement de Dieu, qu'il faut prier chaque soir même sans tout comprendre, mais de la distinction, des habits à mettre ou à ne pas mettre, des personnes du monde à saluer, des manants à considérer dans la condescendance.

  • Tiens, si que je ferais du sport ?

    " Mamaaaaan ! pourquoi tu fais pas du sport ?  - Quehoi ? je ne suis pas assez en train de me trimballer dans toute la maison à balayer, nettoyer, récurer, faire la cuisine, et tout ça debout du matin au soir, il faudrait en plus que je fasse du sport ? J'n'en fais peut-être pas assez comme ça, de sport ?" Ca va, ça va, je disais ça comme ça. Tu ne sauras pas que le fils du fermier ne sait pas se laver le gland, sinon tu vas demander comment ça se fait que je sache ça et tu vas encore m'engueuler. Si que je referais du sport mennant, je me péterais deux aortes et trois phalangettes, c'est pas la peine. Alors je sors dans le jardin, dans les mauvaises herbes tout abandonnées, je pisse juste pour voir et je me la secoue par-dessus l'épaule, ça fait du sport. Et puis je pète en fléchissant les genoux, comme le grand-père dans le film de Tarzan, tu sais, le fils de la jongueueueul qui r'vient tout ébouriffé comme un singe vu que c'est un Lord; Ah putain on s'amuse dans la vie, paraît que c'est fini, KATYYYYY, C'EST FINIIIII ah non merde pas Katy CAPRIIII ben trop tard la gaféfette. C'est une tart'eud' par chez nous, après la gnôle eul vendredi soir avec eul'Glôde on se tape une gaféfette avec une piza pôme de téa, c'est vachement bong la piza pôme de téa, putaing cong. Toi connaître le sketch de Luis Mariano ? Il s'envoie un travelo bois de Boulogne et il lui passe la min par devant "Woh putamadre, qué yé l'ai transpercé fan de pute"... Bon ben c'est pas tout ça faut que j'aille bosser parce que je SENS que je VAIS DIRE  des conneries. Oh cong... 

    Le petit chat putaing vous le trouverez dans la rue à Tulle en Corrèze. C'est pas difficile c'est juste en dessous de St-Merd-les-Oussines. Ca veut dire saint Médard bande de cong. Hé je vous ai bien eu, vous avez crehu qu'c'était la Sainte-Merde ou queut'chose comme ça eh bé vous l'avez dans le fion KHAKHAKHA. Le petit chat et l'écuelle.JPG

  • Développement nocturne


        Tout de même, c'est un peu angoissant ; mais cette angoisse est toujours plus féconde que la peur d'un auditoire insolent. Nous nous ferons très bien à ce monde intérieur, matriciel, mais prometteur : toute matrice est une promesse. Peut-être tout déjà, dans notre dos, s'est-il effacé ; au lieu de cette masse turbulente et inconsistante, nous trouverions, débarrassée de toute cloison, la lumière du soleil. Nous nous promènerions ; mais lorsqu'il nous faudrait rejoindre nos vagins pierreux, comment nous retrouver, après un tel éblouissement ? Les prisonniers de Platon ne doivent-ils pas se réaccommoder la vue après leur excursion au pays de la Vérité ?  Nous demeurons donc dans nos loges rocheuses : la nuit porte conseil.  
        Au fond de ces grottes, et non pas derrière nous, s'est révélé alors un élargisssement baigné de lumière africaine : une belle savane dans l'aube, où je marchais main dans la main avec ma compagne, Arielle, émerveillés tous deux. Ici une girafe, là une hyène, animaud respectueux. C'est aussi le pays des lions : prenons garde. Mais un lion, dans cette clarté, dans cette beauté, ne pourrait lui-même échapper à la grâce ; il ne nous nuirait pas. Il nous laisserait passer, nous ayant repérés dans son champ visuel et olfactif, mais sans daigner tourner les yeux ni le mufle dans notre direction. L'épreuve d'ailleurs s'attiédit. Le paysage insensiblement se remet à correspondre à l'Europe. Nous parvenons, main dans la main, le long d'un mur de cimetière, bienvenu, juste derrière lequel repose mon propre grand-père : il s'appelait Gaston, et je lui laisse son nom réel, populaire et royal. Sa tombe est magnifique : personne jusqu'ici je crois ne s'est avisé de sculpter sur une stèle deux profils jumeaux d'un défunt ; le premier le représente en son jeune temps, avec une abondante chevelure, le second, plus dégagé du front, dans une autre fraction de cercle (les deux circonférences empiétant légèrement l'une sur l'autre), en pleine maturité.
        Comment mieux exprimer la cohérence d'une vie, sur la pierre même de la mort ?  Une touche électrique figure sur la dalle : nous la pressons, et la voix d'un guide nous explique ce que fut sa vie. Cette coutume américaine, à présent tombée en désuétude, nous réconforte, Arielle et moi. Une voix d'outre-tombe, qui  n'est pas celle de Gaston lui-même, nous certifie que nos épreuves n'ont pas été vaines, et nous laisse sur notre faim. Nous aurions aimé en savoir plus encore sur cet enseveli, qui par-dessous le sol nos transmet la vie. Cætera desiderantur ! 

    Le fronton.JPG

     

  • Façade en contre-plongée

        Un toit bleu clair lustré barre toute la photographie en bas. Il s'agit d'une voiture, char indispensable au sentiment de la liberté de chaque individu en ces temps-là, début du troisième Millénaire. Au-dessus, à peu de distance, s'élève une façade progressivement éclaircie vers le haut, vraisemblablement bordelaise, car en ce temps-là, Votre Servant avait coutume de répertorier les voies de sa métropole. Tout ce que j'écris procède de ce ton solennel : "J'écris pour dans mille ans / Et je prends date". 2005 ? Peut-être. Le recul de cette rue ne permet pas de vue panoramique. Il  fallu cabrer pas mal ma caméra. Trois niveaux : deux portails en bas, ou peut-être fenêtre à gauche et portail à droite : lours meneaux, barreaux recevant ou non la lumière, surmontés de ces petits sexes bouclés destinés à recevoir le numéro dans la rue.
        Le pilier de séparation est formé de ces longues pierres jadis blanches en large usage dans l'architecture bordelaise du XVIIIe s.  Nous en comptons huit, la plus basse bouffée par l'infâme métal automobilistique, la plus haute présentant quatre légères draperies retombantes. Au-dessus règne un rebord de séparation, qui porte un nom spécifique, oublié. Pendouillent là quatre têtes de lion minuscules et semblables, de part et d'autres des linteaux vaguement courbés, divisés en sept blocs esquissant un arc. Le numéro de rue dans son médaillon su superpose au moëllon central. Le premier étage ou second niveau (les Russes diraient "deuxième étage") est finement souligné par le tuyau de la gouttière, à gauche.
      

    La toupie d'ardoise.JPG

     Mais très vite l'oeil est attiré par les colonnettes, quatre groupes de deux, chaque paire flanquant la fenêtre haute. A gauche, les volets bordelais à petites jalousies, sont à demi-repliés. Ils s'entrouvrent en désordre. On les rassemble pour ouvrir, on les déploie pour ouvrir. A droite, tout est bien rangé. La fenêtre est moderne : nous sentons le souci de l'isolation, la solidité du bois ou du métal central, où ne filtre aucun courant d'air. Les pilastres jumeaux de chaque ouverture présentent à leur genou une fausse séparation de faux corinthien, et portent sur le chapiteau du haut la tête de lion, dans un triangle à angles ronds, la crinière arrangée quatre fois en cheveux de femmes dessinant des motifs luxuriants.
        Entre les deux fenêtres, au-dessus des longues pierres du rez-de-chaussée, c'est un motif républicain en forme de caducée, bas-relief surchargé barrée d'un bandeau zigzaguant, avec devise, trophée en bouquet, dont la meilleure comparaison serait encore la couverture brochée des fameux Almanachs Vermot, en vente partout dès le mois de novembre. Entre le bas de ces deux deux fenêtres et la ligne de séparation avec le rez-de-chaussée court une frise ornée par deux séries d'hexagones oblongs dans le sens vertical, creusés au centre, bordés de plinthes saillantes en pierre, désespérément vides, en quête de sobriété, ce qui est raté, car à la luxuriance en série correspond une nudité sans attrait.
        An centre, bien entendu, deux faux ressauts, trois pierres carrées ostensiblement jointoyées. Le troisième niveau ou deuxième étage français ne saurait que reproduire l'intermédiaire, mêmes pilastres, même motif allégorique central au même endroit. Et l'angle de prise de vue ne permettait pas d'excéder la frise supérieure. Daube architecturale, mais devant laquelle nous ne pouvons que nous extasier, au vu des platitudes dont nous abreuvent à présent les désespérantes productions de notre siècle. Je n'ai pas le talent de Léon Bloy, mais je vous emmerde.