Un petit coup de Nietzsche
NIETZSCHE « LE GAI SAVOIR »
...goût de l'égalité et de la soumission qui a dû régner dans l'âme de tous leurs
constructeurs. Mais ici, à chaque tournant, c'est un nouvel homme qu'on rencontre,
un homme qui sait la mer, l'aventure, l'Orient, un homme qu'impatiente comme une
sorte d'ennui la loi, le voisin, et qui mesure d'un œil d'envie tout ce qui est vieux, tout
ce qui est déjà bâti. Il voudrait, du moins en pensée (ingénieuse rouerie de
l'imagination, reconstruire à neuf tout cela, y mettre sa main, son esprit, ne fût-ce que
pour cet instant d'un après-midi de soleil où son âme insatisfaite et mélancolique
éprouve une fois l'atteinte de la satiété, et où son œil ne doit plus voir que des choses qui lui appar-
tiennent à l'exclusion de tout élément étranger ».
Et le chapitre 292 s'intitule Aux prêcheurs de morale ».
Nous le voyons, c'est un mélange, où l'on trouve aussi bien des considérations sur les
reconstitutions de mentalités historiques, des considérations sur les climats et la sociologie, que
des nostalgies d'architectures du passé, ou des cris de révolte. Tout ce mélange agaçant qui
constitue Nietzsche. Ainsi, sur « le poids » :
« ...Ne te jetterais-tu pas à terre, grinçant des dents et maudissant le démon ? À moins que
tu n'aies déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu ; je n'ai jamais ouï
nulle parole aussi divine ! »
« Si cette pensée prenait barre sur toi, elle te transformerait peut-être, et peut-être t'anéanti-
rait ; tu te demanderais à propos de tout : « Veux-tu cela ? le reveux-tu ? une fois ? toujours ? à
l'infini ? » et cette question pèserait sur toi d'un poids décisif et terrible ! Ou alors, ah ! comme il
faudrait que tu l'aimes toi-même et que tu aimes la vie pour ne plus désirer autre chose que cette
suprême et éternelle confirmation ! «
Et le chapitre suivant porte le titre « Incipit tragoedia »,