Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Voyage

  • Bourgeois et sa fille

    Bourgeois et sa fille P.JPG

  • St-Sernin de Toulouse, cong

     

    Toulouse n'est pas tout à fait illuminée : juste la Cathédrale St-Sernin, « avec effet de lune derrière le Clocher » me précise-t-on, avec majuscule à « clocher ». Sacrée Toulouse... C'est niais. La cathédrale manque de grandeur, je vais me faire assassiner. Il s'agit d'une carte-postale dans le goût années 80, avec effets de lumière partout, et traînées de feux de voiture par exposition prolongée. Le genre de truc qui correspond à mon goût de chiotte, de « chromo ». La cathédrale marque huit heures moins vingt. Elle est bistre et ocre, avec sa façade ultra-irrégulière. Le porche au tympan lisse, la rosace décalée par la perspective, sous uen autre ogive, et surtout ce toit incliné farfelu comme un béret sur l'oreille, qui tangente presque la retombée droite de l'ogive.

    Et un beffroi de brique se demandant ce qu'il fout là, des mâchicoulis sous l'horloge ronde (« 8 h moins 20 »), l'ombre portée d'un contrefort sur la façade, et à gauche, en retrait et en étagements, les contreforts de la nef s'enfonçant dans l'obscurité comme un défilé de fuyards. Au-dessus, un ciel artificiel de gaz moutarde, du vert, du bleu, du malsain, de la profondeur sous-marine, stade du glauque. A droite, un obélisque lumineux, des jets d'eau qui montent l'arroser, cela va du translucide au bistre, avec des barres plus sombres pour découper le tout. Plus haut vers la droite, dans une obscurité pour une fois naturelle, ce qui émouvrait le plus le cas échéant, ces deux fenêtres jumelles comme des yeux, derrière lesquelles un archevêque écoute la télévision.

    garonne,languedoc,pouffiasse

     

    Tout de guingois, un porche illuminé surmonté d'un drapeau français pendouillant. La mairie. Au sol, parcouru de la double traînée des voitures dans l'un et l'autre sens, du brun où pas un ne circule, j'entends à pied, un panneau « parking » blanc sur fond bleu à peine distinct, une atmosphère de printemps chaud. En été, à cette heure-ci, il ferait encore jour. C'est accueillant, cela manque d'unité, c'est la province, étrange, villageoise, secrète, énigmatique : que fait ce bâtiment médiéval au sein de cet espace contemporain, ces petits véhicules dans l'ombre... Et l'opérateur qui a éprouvé le besoin de trafiquer absolument tout, à moins que ce ne soit l'éclairagiste de Toulouse lui-même, pour complaire au mauvais goût du touriste.

    Après l'impression d'ensemble, je reviens sur les détails, espérant être interrompu par mon horaire, qui Dieu merci m'empêche de m'attarder sur quoi que ce soit. Le porche, donc. Une double porte de part et d'autre d'une pilier dont j'ai oublié le nom technique. On distingue les cinq ais verticaux, ce sont des planches, bande de cons. Le jeu d'ombres fait croire que les portes en questions, jumelles, sont entrebaîllées, mas pas d'office nocturne ce soir-là. Au-dessus, le tympan est parfaitement vide, pur comme un front de pucelle, aplani ma parole au badigeon, serti de trois voûssures superposées, la troisième se surmontant d'un gâble bien pointu, aux excroissances statuaires et végétales.

    Tout cela jaune doré. Le porche et ses trois voûssures s'encadre dans un rectangle plus haut que large, à l'appareillage régulier, cerné de deux pylônes terminés en pointe, sommé d'une espèce d'architrave percée de trous-trous. La rosace est ronde comme uen rosace, iln'y a rien à en dire, l'éclairage lui est défavorable, ces choses-là sont faites pour être contemplées de l'intérieur, le verre vu de dehors donnant 'limpression d'un envers d'aile de papillon ou de tain de glace. Un porchounet à gauche, un porchounet à droite. Sous celui de gauche, un grand qui descend, plat comme un emplacement de placards municipaux, un autre au niveau du sol avec un oculus, et le panneau de parking plutôt bien dissimulé : on n'y pense plus.

    L'ensemble de la rosace et des porches qui le flanquent, trois superposés à gauche, un à droite, s'encadre à son tour de deux verticales. A droite, c'est uen cheminée droite avec alternance de pierres claires, une longue, une courte, comme un angle de maison ordinaire. A gauche, même disposition éminemment banale et laïque. Et de l'un à l'autre de ces piliers incongrus, l'envolée d'une arche mi-romane mi-gothique, dont la voûte se prolonge directement, à droite, dans le pilier, tandis qu'à gauche l'on a eu visiblement besoin d'un raccord, d'un vaste emplâtrement permettant tant bien que mal le passage d'un arrondi à une verticale.

    Tout cela sent fortement le rafistolage d'éléments disparates au cours des siècles, et je vais me faire empaler par les Toulousains, qui aiment leur St-Sernin, si original, si pied-de-nez au classique, si typique du Languedoc d'ici...

     

  • Trois flèches de Paris

     

    C'est signé "Lap." Au recto, trois flèches de Paris : la place de la Concorde et son obélisque "dépareillé", de Louqsor ; la tour Eiffel, plus petite en perspective ; la colonne Vendôme, avec sa boule à pointe terminale. Belles érections, minérales, métalliques, sur un ciel gris brouillard. J'en suis à ne plus savoir où se situe la place Vendôme par rapport à celle de la Concorde. Les Parisiens grouillent au pied de leurs monuments sans plus leur accorder une pensée.

    Ils ne méritent pas leurs monuments. Je ne mérite plus Paris. A gauche donc, le prisme décroissant de l'obélisque, rogné au bout du gland par le rebord neutre de la carte postale. Le plus sombre, le plus énigmatique, le plus indifférent. Rien de rien ne s'en distingue. Sourd et aveugle. Non loin, par un effet de perspective, évasée du bas, la tour Eiffel, à partir de son premier étage : d'innombrables croisillons de bas résille, tant de fois vue, distante et secrète, un peu moins haute. La plus intéressante silhouette est ce sommet de la colonne Vendôme, bien moins connu. On y voit du relief, du modelé, une lumière à gauche, sur un méplat horizontal, des reliefs de part et d'autre, évoquant vaguement des profils de taureaux gargouilliques aux pattes avant repliées, qui sont plutôt des palmes. La ville et la campagne dga.JPG

    Par-dessus l'entablement, une assise circulaire, une tige en bobèche, un bourrelet, une sphère ou globe astral, cerné d'un anneau à son équateur ; le tout surmonté d'une pointe à casque prussien. Et c'est tout. Ces trois flèches sont à contre-jour, sur un ciel blafard ; la tour Eiffel tire davantage son épingle du jeu, vu sa translucidité. La photo ne vaut que par son habileté. Lex-monstre de ferraille est présenté comme sujet central, plus proche de Louqsor que de Vendôme. D'ailleurs cette colonne devrait porter la statue de l'empereur ; est-il possible qu'il n'en reste plus qu'un piton vierge ? Qui lui rentrait dans le soubassement ? Quel est le con qui a fauché l'Empereur ? Où est passée la grille, où s'accoudent les touristes ?

    Mais alors, mais alors, qu'est-ce que c'est que cette construction ? Consultons le plan de Paris. D'abord, la place Vendôme est à l'est de la Concorde. Or la vue est prise depuis cette dernière place, qui a vu décapiter Louis XVI. Ce sommet ne peut être les Invalides, au clocheton découpé. Eh bien merde.

  • Cathédrale de Bourges

    Bourges fut le séjour de mon premier amour. Unilatéral, non consommé. La cathédrale est un lieu sacré. De nuit, illuminée, vue de l'abside, qui est la tête du Christ, la tête de l'Homme, la tête de D.ieu selon la Cabbale. Vue vers le nord-ouest, id est en décalage, plu grosse du bout vers nous, l'arrière seul de la façade étant visible. Au-dessus, couvrant tout, la longue arête verte du toit, coupée d'un clocheton de contrefort.Ces contreforts à leur tout soutiennent des arcs-boutants. On ne procédait pas autrement, pour prévenir l'effondrement des murs. Ce qui donne à la nef ainsi projetée vers vous l'aspect d'une vaste birème, ou d'un très long insecte multipode. Corsica dga.JPG

    C'est l'aube. Le ciel pâlit. La petite construction du sud baigne déjà dans l'ocre fumeux d'un horizon de ville. Au-dessus c'est bleu blancchi, bleu pâle, puis de plus en plus foncé vers le noir. Mais nulle part le ciel n'est dans la nuit. En bas l'obscurité totale, indéchiffrable, et es troncs d'arbres entrelardés de blanc. Nous ignorons ce qu'est ce muret luminet, ceinture ou fausse enceinte. Des rabres, des végétations imprécises et griffues bordent tout au long le longue nef, l'arrondi de l'abside qui semble s'aplatir vers vous comme un nez de chien contre une caméra. Là se dressent les modestes toitons pointus couvrant les absidioles. Ici se dresse un haut poignard noir, contrefort vu de tranche, et c'et alors que nous comptons : quatre pour l'abside et de moins en moins haut vers le nord, mais tout n'est qu'illusion de perspective.

    On en devine sept autres diminuendo vers le porche, avec leurs paires de cornes ou montants de lyre, inutiles et désespéréments ornementaus – un petit porche en hauteur, deux petits piliers et deux colonettes, nous le voyons très bien à contre-ciel du virage nord-est. Ce sont des reduplications, des abîmes d'abîmes, avec un ygrec de purisme... Premier étage, six yeux visibles d'absides, plein jaune de projecteurs (on en voit trois voilés, lointains : à gauche, au centre plus haut, à droite un peu plus bas, triangle aplati structurant, mais nous ne le décelons qu'après coup. Géométrie pullulante à la gloire du Grand architecte. Correspondances innombrables et précises. Douze arcs-boutants, rames d'insectes, apôtres, lequel est de Judas, lequel de Thomas ? Étage des rosaces, des oculi en rang d'œillets de couturières, ainsi désignaient-elles leurs trous du cul stériles, une autre partie du corps définie comme "boutonnière", et par-dessus tout ça, la rambarde ajourée, le parapet protégeant le couvreur de la chute, avec ses clochetons à lui. Navire destiné à se ficher au ciel, de tout l'élan de ses aiguilles entravées dans le sol.

  • Cathédrale de Bourges

    Angle rose dga.JPG

    Bourges fut le séjour de mon premier amour. Unilatéral, non consommé. La cathédrale est un lieu sacré. De nuit, illuminée, vue de l'abside, qui est la tête du Christ, la tête de l'Homme, la tête de D.ieu selon la Cabbale. Vue vers le nord-ouest, id est en décalage, plu grosse du bout vers nous, l'arrière seul de la façade étant visible. Au-dessus, couvrant tout, la longue arête verte du toit, coupée d'un clocheton de contrefort.Ces contreforts à leur tout soutiennent des arcs-boutants. On ne procédait pas autrement, pour prévenir l'effondrement des murs. Ce qui donne à la nef ainsi projetée vers vous l'aspect d'une vaste birème, ou d'un très long insecte multipode.

    C'est l'aube. Le ciel pâlit. La petite construction du sud baigne déjà dans l'ocre fumeux d'un horizon de ville. Au-dessus c'est bleu blancchi, bleu pâle, puis de plus en plus foncé vers le noir. Mais nulle part le ciel n'est dans la nuit. En bas l'obscurité totale, indéchiffrable, et es troncs d'arbres entrelardés de blanc. Nous ignorons ce qu'est ce muret luminet, ceinture ou fausse enceinte. Des rabres, des végétations imprécises et griffues bordent tout au long le longue nef, l'arrondi de l'abside qui semble s'aplatir vers vous comme un nez de chien contre une caméra. Là se dressent les modestes toitons pointus couvrant les absidioles. Ici se dresse un haut poignard noir, contrefort vu de tranche, et c'et alors que nous comptons : quatre pour l'abside et de moins en moins haut vers le nord, mais tout n'est qu'illusion de perspective.

    On en devine sept autres diminuendo vers le porche, avec leurs paires de cornes ou montants de lyre, inutiles et désespérément ornementaux – un petit porche en hauteur, deux petits piliers et deux colonettes, nous le voyons très bien à contre-ciel du virage nord-est. Ce sont des reduplications, des abîmes d'abîmes, avec un ygrec de purisme... Premier étage, six yeux visibles d'absides, plein jaune de projecteurs (on en voit trois voilés, lointains : à gauche, au centre plus haut, à droite un peu plus bas, triangle aplati structurant, mais nous ne le décelons qu'après coup. Géométrie pullulante à la gloire du Grand architecte. Correspondances innombrables et précises. Douze arcs-boutants, rames d'insectes, apôtres, lequel est de Judas, lequel de Thomas ? Étage des rosaces, des oculi en rang d'œillets de couturières, ainsi désignaient-elles leurs trous du cul stériles, une autre partie du corps définie comme "boutonnière", et par-dessus tout ça, la rambarde ajourée, le parapet protégeant le couvreur de la chute, avec ses clochetons à lui. Navire destiné à se ficher au ciel, de tout l'élan de ses aiguilles entravées dans le sol.