Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Façade en contre-plongée

    Un toit bleu clair lustré barre toute la photographie en bas. Il s'agit d'une voiture, char indispensable au sentiment de la liberté de chaque individu en ces temps-là, début du troisième Millénaire. Au-dessus, à peu de distance, s'élève une façade progressivement éclaircie vers le haut, vraisemblablement bordelaise, car en ce temps-là, Votre Servant avait coutume de répertorier les voies de sa métropole. Tout ce que j'écris procède de ce ton solennel : "J'écris pour dans mille ans / Et je prends date". 2005 ? Peut-être. Le recul de cette rue ne permet pas de vue panoramique. Il  fallu cabrer pas mal ma caméra. Trois niveaux : deux portails en bas, ou peut-être fenêtre à gauche et portail à droite : lours meneaux, barreaux recevant ou non la lumière, surmontés de ces petits sexes bouclés destinés à recevoir le numéro dans la rue.
    Le pilier de séparation est formé de ces longues pierres jadis blanches en large usage dans l'architecture bordelaise du XVIIIe s.  Nous en comptons huit, la plus basse bouffée par l'infâme métal automobilistique, la plus haute présentant quatre légères draperies retombantes. Au-dessus règne un rebord de séparation, qui porte un nom spécifique, oublié. Pendouillent là quatre têtes de lion minuscules et semblables, de part et d'autres des linteaux vaguement courbés, divisés en sept blocs esquissant un arc. Le numéro de rue dans son médaillon su superpose au moëllon central. Le premier étage ou second niveau (les Russes diraient "deuxième étage") est finement souligné par le tuyau de la gouttière, à gauche.
  

La toupie d'ardoise.JPG

 Mais très vite l'oeil est attiré par les colonnettes, quatre groupes de deux, chaque paire flanquant la fenêtre haute. A gauche, les volets bordelais à petites jalousies, sont à demi-repliés. Ils s'entrouvrent en désordre. On les rassemble pour ouvrir, on les déploie pour ouvrir. A droite, tout est bien rangé. La fenêtre est moderne : nous sentons le souci de l'isolation, la solidité du bois ou du métal central, où ne filtre aucun courant d'air. Les pilastres jumeaux de chaque ouverture présentent à leur genou une fausse séparation de faux corinthien, et portent sur le chapiteau du haut la tête de lion, dans un triangle à angles ronds, la crinière arrangée quatre fois en cheveux de femmes dessinant des motifs luxuriants.
    Entre les deux fenêtres, au-dessus des longues pierres du rez-de-chaussée, c'est un motif républicain en forme de caducée, bas-relief surchargé barrée d'un bandeau zigzaguant, avec devise, trophée en bouquet, dont la meilleure comparaison serait encore la couverture brochée des fameux Almanachs Vermot, en vente partout dès le mois de novembre. Entre le bas de ces deux deux fenêtres et la ligne de séparation avec le rez-de-chaussée court une frise ornée par deux séries d'hexagones oblongs dans le sens vertical, creusés au centre, bordés de plinthes saillantes en pierre, désespérément vides, en quête de sobriété, ce qui est raté, car à la luxuriance en série correspond une nudité sans attrait.
    An centre, bien entendu, deux faux ressauts, trois pierres carrées ostensiblement jointoyées. Le troisième niveau ou deuxième étage français ne saurait que reproduire l'intermédiaire, mêmes pilastres, même motif allégorique central au même endroit. Et l'angle de prise de vue ne permettait pas d'excéder la frise supérieure. Daube architecturale, mais devant laquelle nous ne pouvons que nous extasier, au vu des platitudes dont nous abreuvent à présent les désespérantes productions de notre siècle. Je n'ai pas le talent de Léon Bloy, mais je vous emmerde.


    

Les commentaires sont fermés.