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giulia

  • Plus tard, dans le siècle

    29 avril 2022

     

    Je ne parle bien que de moi. Arielle portraiture à l'atelier une jeune femme. Je reste seul pour garder Giulia. Tout y passerait, du coq à l'âne, en une interminable récapitulation. Un document paraît-il. Qui n'intéresserait personne. Renoncer à écrire est si dur ! C'est là que se situe la dignité. Les pages s'allongeraient à l'infini. Comme un long chemin creux défoncé par les tracteurs. Je sentis alors une bouffée pince-cœur de mes amours de 18 ans. Je voulais combler mes étapes. C'était mon noviciat. Maggy s'asseyait volontiers sous un arbre, « pour rêver à son ombre ». Nous nos promenions loin de tous, de prairie en fourré, et toujours chastement.

    Même je me souviens qu'elle refusait de desserrer les dents pour nous embrasser. Ma langue butait contre ses incisives. Je n'ai jamais rien osé de plus que la serrer tout habillée dans l'herbe contre moi. C'est elle, et non mon père seulement, que je cherche dans les odeurs d'herbe foulée, dans les brindilles que je tourne entre mes dents. Les promenades avec mon père datent de plus loin. Et ce frémissement de la résurrection que j'ai senti dans le chemin, c'éait Maggy qui me l'avait donné, le souvenir de Maggy, et non celui de mon père. Tout cela n'intéresse que moi. Qui peut le dire. Qui relit ces interminables confessions enfouies dans les commodes de famille. Combien de vies de femmes, en particulier.

    Je suis une femme. Ou bien, une quinquagénaire. « Tu parles comme à 50 ans » Qui a bien pu me donner cette âme défleurie… Qui m'a placé dans l'âme cette plainte perpétuelle,Cet apitoiement sans relâche. Sans avoir pu connaître Henri Miller ni Charon. J'ai serré la main de Béjart sur les marches du Grand Théâtre de Bordeaux. Nous avons frôlé le grand monde Arielle et moi. Nous avions 22 ans. Puis les névroses ont exigé leur tribut. Celle d'Arielle, et la mienne. Ainsi donc cette femme, ce modèle est venue. Elle s'est poliment penchée sur le petit lit où reposait dans la pénombre l'ombre de Sonia. Je suis seul à présent dans le foutoir intitulé « salon », parmi le feutrement intermittent des voitures, et du frottement de mes chaussettes sur le radiateur éteint.

    garde,Giulia,été

    Ariel est descendue chercher le transistor : le tourne-disque a grillé. Vie délibérément choisie, médiocre choisie. Médiocre universel, œuvre géniale. Le parfum terne que chacun souhaite. Humains enfouis, humains à plaindre. Somnolents, bâillant. Si je tenais le marteau-piqueur, je n'écrirais pas. Qu'est-ce qu'un « personnage » ? est-ce que je me ressens ? Niveau gratte-peau. Pleurez, doux alcyons, pleurez – à mon commandement : ouin-in-in-in – j'entends là-haut des airs d'opéra, un chien à quelques rues… Je ne m'appartiens pas – le passé m'appartient. Ce n'est pas moi, empaqueté. Ma mémoire. Je suis responsable. Moment délicieux. Vérifier la fermeture de la porte – pas d'idées nouvelles. En plein été je porte un pull léger.