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Le Singe Vert - Page 36

  • Ca se traîne

    Les bras levés.JPGCa se traîne sur mon blog. C'est fou le nombre de gens qui se trimballent après la "reconnaissance". Il faut simplement "tenir le coup jusqu'au bout", montrer qu'on "est un homme" et autres foutaises Je me souviens d'un colosse en je ne sais plus quelle année qui entrait dans le bureau de tabac en annonçant "J'ai un cancer généralisé". Vachement de gêne. Je voulus lui dire quelque chose de bien senti. Tout ce que je trouvasse, c'estoit "Faut tenir le coup". Alors il s'est redressé  "Oh mais pour le moral, ça marche à fond !" Ah, j'étais content de mon égoïsme. Après ça je suis reparti à l'hôtel où j'avais fui le domicile aussi con que jugal. Depuis j'y suis retourné, 50 ans de mariage en juillet, merci beau-papa d'avoir organisé tout au rabais par avarice. Ah, au fait, je ne sais que me plaindre, c'est ma raison de vivre sur cette terre. Quoi, tu boudes, ingrat ? A bientôt, le manque de gens, the lack of people, may le Seigneur be good avec you et cum spiritu tuo.

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  • La baise et la tête

    L'exposition du Pont-Tournant : qui viendrait voir cela, dans le hall d'attente d'un petit théâtre ? Du coup, ayant vu et estimé ma femme, Djanem penser qu'elle “ne saurait pas lui faire ça”, et c'est encore une occasion de ne pas faire l'amour. Mon héros peut faire l'amour avec sa femme légitime, seulement, cela l'épuise, il s'arrête en chemin. Or 22 éjaculations par mois protègent d'un cancer de la prostate. Qu'y a-t-il de plus épuisant : baiser 21 fois dans un seul mois, ou passer 10 ans à crever de chimio ? Car on crève DE chimio.

     

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    Crises de jalousie, menaces d'abandon (pour cause de Carine) à tous les entretiens (j'ai moi aussi mes obsessions). Jérémiades d'autant plus cruelles qu'elles demeurent à jamais infondées, quand on sait que les femmes, pour moi, n'ont pas de désirs ; plus précisément, n'ont pas de désir pour moi. Plus précisément encore, ne l'extériorisent pas. Voyez Carine : elle me repousserait aussi, du haut de sa situation d'employée de la Sécu, et je n'ai pas envie de reprendre le parcours du combattant depuis le début. Les femmes (“celles que je connais”) me semblent toujours extrêmement difficiles à “obtenir”, alors qu'elles se voient toutes, sans exception, affables, d'accès facile, parfaitement abordables, disponibles, fraîches et tout.

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    En réalité, revêches et rébarbatives. L'une d'elles n'a-t-elle pas osé écrire : « Il faudrait libérer les hommes de leur addiction au sexe » - le seul moyen serait de leur couper les couilles. En réalité, j'ai couché avec Te-Anaa. Mais je n'aime pas lorsqu'elle fait sur moi, accroupie, les yeux fermés. Ni qu'elle se soit coupé les cheveux, ressemblant ainsi de façon désastreuse à Jacques Higelin, vedette de la chanson masculine et largement septuagénaire ; pour compléter, gauchiste et démagogue. Se levant de son siège de plateau télé pour exciter le public à l'applaudir, lui, ce qui couvre les arguments de sa partie adverse. Te-Anaa n'est pas ainsi. Elle accepte mes arguments avec lucidité, pour avoir longtemps vécu.

    Pour l'instant, elle ne m'écrit plus, se tournant vers un autre homme, un vieux, un solide, un vrai. Je n'aimerais pas rencontrer tous ces hommes. Bertrand lui-même : comme il se fragilise dès qu'il croit entrevoir une complicité entre Te-Anaa et moi !

     

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    Djanem, jadis, au temps de son adoration pure, ne voulait plus redescendre de ma voiture et me serrait de toutes ses forces entre ses bras. Se mettait irrémédiablement en retard. Si je voulais quitter son automobile personnelle, même jeu. Combien de fois ne suis-je pas rentré chez moi en retard, sous des prétextes divers ! Nous sommes allés très vite. Nous avions l'âge de brûler nos étapes.

  • Bal et télévision

    -Tiens-toi à mon épaule que je te descende scarabée vert à ras du sol Chacun suffoque sous le musc et la poudre et les couples se raréfient, bouches alourdies, mains aux poches. La lumière se tamise et le froid descend, Jeanne courbée de dos soutenue par le Vierge à la taille, reste le son sourd des cordes dissonantes, elle parvient au bord d'une gravière d'eau froide où elle tombe, et son ombre a coulé dans un creux de miroir. La Naine pousse un cri, les lèvres des hommes se sont confondues et Marciau perd connaissance.

     

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    Brive et quatre murs. Marciau tombe fréquemment dans d'éprouvantes rêveries et la Soupov serre les dents, le nez vers les genoux. La Naine a demandé le programme du soir. Soupov se penche et reçoit le coussin dans le dos. Premières notes sur l'écran aveugle. Les survivantes s'installent en geignant comme des vieux ponts. Maintenant que la Jeanne est morte on va pouvoir regarder la télé tranquille. Sur l'écran, la famine, les squelettes : "Les faits sont là. C'est à vous d'agir, et vite." La Soupov se frictionne le dos - toute une vie d'encaustique - hanches, vertèbres. "Ils sont des milliers qui réclament votre aide.

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    "Ces images se passent de commentaires. - Marciau, as-tu bien refermé le gaz?" - soudain Pierre Pipe encadre à l'écran sa grosse gueule d'ange - les joues peut-être un peu moins rondes, le teint moins vernis. Alors toutes ont cessé geindre. Tout un passé, toute une vie de guerre et de privation – et chargeant son soupir de toute l'affliction qu'elle a pu concentrer, Soupov s'est écriée : Mon Dieu qu'il a maigri !

  • Namouna de Troyat

    "Une femme est comme votre ombre :

    courez après, elle vous fuit ; fuyez-la,

    elle court après vous."

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    Telle est l'épigraphe placée par Musset en tête de son vaste poème galant Namouna. C'est aussi le titre d'un roman d'Henri Troyat, né en 1911, qu'il publia en 99 à plus de 85 ans. Ceci exlique peut-être le manque de conviction avec lequel nous avons abordé ce roman. Il ne fait pas partie de ses cycles, Viou, le Moscovite ou Gospoda zanaïet - Dieu sait - quelles "Eygletières". Le citoyen Tarassov s'est en effet longuement épanché dans une polygraphie peu ou prou incontinente, et finit dans la peau d'un Académicien. Dans Namouna, nous sentons la fatigue. Un nommé Petitberthier, fils de son père garagiste de luxe, épouse Alix, fille de bonne famille et d'une grande brûlée.

    Il a toujours obéi à son père, sans y voir le moindre problème : papa a toujours raison. Il a examiné la fiancée de son fils, et lui a conseillé de régulariser la situation, lui-même en faisant autant à septante ans. Le fils, celui qui dit je, a 38 ans et en paraît 50 : il est temps, après maints vagabondages, de faire une fin. Rien d'affriolant, rien de bien passionné, tout est coincé, jusque dans le style, qui brille par son académisme, justement. Or, voici que sa femme, Alix, épousée enceinte et victime ensuite d'une fausse couche, ce qui sent le piège involontaire - disons que c'est la destinée, de telles choses arrivent - s'entiche en voyage de noces d'une chien de belle race, qu'elle appelle Namouna, et d'un autre chien, mâle, appelé Méphisto.

    Les revenus familiaux (le père a ses bureaux Avenue de la Grande-Armée, derrière l'Etoile) permettant l'acquisition de chiens de race, voici notre jeune famille avec un couple reproducteur : première portée, deuxième, croisements incestueux entre chiens, premiers concours, premières récompenses. L'appartement d'Alix et de son époux, en région provençale, devient peu à peu un élevage, prestigieux, qui accumule récompenses et trophées: concours de beauté canine, de conformité à la race, alors qu'il n'existe pas de races comme vous le savez tous : juste la race des chiens. Jerrycane, comme disent les garagistes du XVIe.

    L'époux, qui n'a jamais eu envie de faire grand-chose (les fils de riches sont bien malheureux) se voit bombardé de fonctions fictives et bien rémunérées. Sa femme désormais s'ébroue au sein d'une multitude de chiens puants, soignés, pomponnés vétérinarisés à mort, collectionne les trophées dans de grandes vitrines, adore ses petits chouchous de toutous, et le couple va comme une galère lourdement chargée. Puis le mari, qui s'est rasé la barbe, explose: à la suite d'une visite de son père, il jette à la face de son épouse qu'il n'est plus rien du tout, juste un vice-sous-secrétaire adjoint, que toute intimité est bouffée par les cabots, qu'il retourne à Paris chez son père (un petit studio tout simple avenue de la Grande Armée).

    Le dénouement ne se fait pas attendre, notre homme s'ennuie, demande deux chiens, Namouna et Méphisto, qui le lèchent abondamment, jouent dans le Bois de Boulogne, puis dépérissent : il faut les rapatrier en Provence auprès de leur prolifique descendance, et le héros revient la queue basse, confit de passivité, repentant, aimant, ayant enfin compris la bienfaisance, et ce sont là les derniers mots, de "la chaleur animale", sous-titre de cette sous-production intitulée Namouna. Il faut bien que les vieillards écrivent jusqu'au bout, et du Troyat, ça se vend (mort en 2007 à 96 ans). Que dire ? Les personnages sont esquissés. Père dominateur, fils obéissant, qui se contente de relaisser pousser sa barbe en se séparant (très momentanément) de sa femme, rappelant, en plus riche, le "professeur de cheval" dont il est question chez Nourissier (En avant, calme et droit).

    Autant dire qu'il manque singulièrement de relief. Comme le roman,bien maigrelet, sans a parte socio- ni psychologique : juste narratif. La femme, Alix, croquée elle aussi en quelques lignes, serait conventionnelle sans sa passion dévorante pour l'espèce canine, spécialement la race - oh pardon - des petits lévriers italiens ou "levrettes d'Italie" : il faut découvrir le bon créneau, et s'y tenir, tel est le secret de la vente. Le Club Français du Petit Lévrier Italien, CFPLI, est, depuis 1960, le seul établissement français habilité à promouvoir cette race, oh pardon. Cela implique une cotisation, des contrôles, une réglementation, un style de vie, des relations triées sur le volet, une obsession étrangère par définition à ceux qui ne la partagent pas. Mais comme le dit le narrateur, peu importe l'enjeu de votre passion, pourvu que vous en ayez une. Celle de l'élevage canin ou félin ne vous a sans doute jamais effleurés.

  • Le bal fantastique des Vieilles

    Les serviteurs en guêtres et perruques circulent sans se heurter.

    Et bien que les orchestres se soient tus les couples tournent encore robe à robe en froissant les étoffes - le chef se tournant bras levés, Ménestrel baisse la tête et le galop se forme - fortissimo chassé-chassé - sous les lustres ; mais les Huit hommes et femmes assis à l'écart se parlent par gestes au milieu du vacarme Je m'appelle Gabriel s'écrie le Puceau ; Ménestrel se cramponne au fauteuil, un genou plié : Te souviens-tu de nos nuits ? ce bal, je l'ai monté pour toi - Soupov tend à bout de bras sa main grasse à baiser sans soulever ses hanches - une marquise à collier de cristal salue en cliquetant et la Mort qui la suit porte un loup au mufle doré tes yeux sont morts Hélène il est trop tôt – Pousse-moi, vire dit Soupov je veux danser - tous autour d'elle se sont retournés.

    Belles couleurs.JPGMénestrel se relève et la retourne encore - Hélène rit, s'agrippe aux accoudoirs de ses doigts bagués - tous les saluent, anonymes, en noir, Ménestrel se dérobe et trace à présent de longs cercles sur d'autres valses à longs relents de Sibelius, la basse gronde au premier temps comme un seau plein d'eau ; Gretel et l'Ours relevés se font face, l'Ours lève une patte après l'autre et

     

    ANNE, TOUJOURS PAS VIEILLE

     

    découvre les dents - le rythme est à son goût. Une flamme morne stagne dans ses yeux ; sous les lèvres de Gretel se pressent les mots qu'il aurait fallu dire - et l'animal pose les pattes jusque sur son dos. Alors ils oscillent tous deux, appuyés sur le cœur comme deux matelots par gros temps.

    Il la touche tout bas du bout de son museau et la valse épaissit l'atmosphère où halète Soupov sous ses seins sur son trône à pivot, et le Niçois montre à la Naine aux verres embués les plis indéfroissables de ses pattes noires petite dame en vert, tu sais ce que je sais. - Représentant dit-elle j'ai jeté ton évêque au feu - Buvons encore sa veste ouverte à deux battants propose des rangées superposées de fioles j'ai de tout - je suis un orgueilleux Marciau rit aux tintements du verre cétoine bien-aimée dit-il catin trop verte,c'est toi qui mourras en dernier, Soupov étire son ultime port de bras – l'Ours exhibe le liseré de ses gencives et le puceau empeste sa mortelle haleine - C'est tout ce sperme répond-il qui me remonte aux dents - Ménestrel la toise avec condescendance.

    L'Ours roucoule. L'orchestre bat de tous ses archets. Les flacons passent de mains en mains sans qu'aucun ne se brise à terre. Les Quatre Cavalières, chacune à sa hauteur, se sont servies à même son torse. L'orchestre alors debout, fortissimo, attaque le Rigaudon de Rameau. Les couples bavent et boivent. Soupov tombe à terre, l'Ours la pousse du pied dans un angle, Gretel crieT'as plus rien sous ton habit, représentant ? qui hisse la Naine - plus haut, plus haut ! que je voie toutes leurs perruques ! Le nez tavelé du Puceau coule et Jeanne se débat. Soupov remise seule en selle tourne à grands coups de ses bras sous les jabots, Ménestrel secoue deux flaches d'Eristoff à bouts de bras, ses jambes rouges étincellent en tout lieu

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