Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Livre - Page 2

  • Pompée the Biker avait un phare sale

    Que de grandiloquences ! Ving-sept ans, puis mourir ! Lucain promettait, il entassait de belles et grandes images boursouflées, les digressions démesurées, mais nous ne savons plus, nous autres, nous représenter en vers ce qui remonterait à cent ans, comme la Guerre Quatorze. Nous n'avons plus de guerres civiles, une simple épuration de 45 à 50 ne sachant nous en tenir lieu. Moi qui m'émerveille d'une queue d'oiseau sur ma vitre. Des soldats osèrent se révolter contre César, lui représentant un peu tard il est vrai les douleurs que c'étaient de tuer d'autres Romains ; surtout, il était interdit, il était indécent de piller. César se piqua. D'après Lucain, il répondit avec raideur. Lucain en tenait pour Pompée, mais il n'avait plus que Néron.

    Escalier de Tulle  dga.JPGCent ans après. Il composait la Pharsale, qui fut en -48 le plus sanglant massacre des guerres civiles '(parfois la gent humanoïde s'excite, et puis on fait la paix). Pour l'instant, la soldatesque renâcle, puis recourbe l'échine, tend son glaive et sa gorge au Chef-Chef. Il régnait dans le milieu romain et particulièrement militaire un culte de la mort : une bravade. Puisqu'elle est inévitable, courons au-devant d'elle. Ainsi faisaient les Amérindiens. Admirons à présent la figure du chef, dans la traduction de M. Bourgery, sous de Gaulle : "Lui-même, tranquille et sans soldats, gagne Rome tremblante, déjà instruite à servir un citoyen en toge". La République est morte, plusieurs décennie de fratricide en ont réglé le sort.

    Avec un guerrier, pensez donc, ce sera bien facile. Qu'il ne se protège même pas renforce sa domination (il n'en sera pas toujours ainsi). Ipse petit trepidam... Romam. Notre vers crépite. Pétarade. "...et, pour céder apparemment aux prières du peuple, il aborda, dictateur, l'honneur suprême" : d'abord, préciser qu'on était nommé dictateur, à Rome, pour six mois, renouvelables une seule fois, quand l'ennemi menaçait mortellement la patrie. Faisons d'abord comme un caca notre commentaire sur les tressaillements d'anus du peuple de tous les temps, ravi de se taper un bon gros tyran. Je ne peux même pas supporter l'invitation d'un ami, je lui coupe le téléphone. Comme le besoin d'exaltation collective est fort chez un humain !

    Voilà, c'est fait. Le lieu commun est passé. Une note en revanche, pertinente, en bas de page 150, nous ramène à nos devoirs d'historiens : "Passage fort obscur et qui n'a pas été jusqu'ici très bien élucidé". En effet, que peut-il bien y avoir de supérieur à la fonction de "dictateur" ? César "marqua sur les fastes l'année joyeuse où il fut consul". Il faudrait donc que les consuls, qui, après tout, nommaient les dictateurs, fussent supérieurs, en toute logique, à ces derniers ? Les historiens déjà n'étaient pas très dociles aux injonctions chronologiques ; alors, un poète... Autre lieu commun : la raison n'est pas la chose du monde "la mieux partagée". Mais plutôt l'enthousiasme des foules en délire.

    Les tribunes du foot représentent bien mieux l'humanité, en pire. Et la raison se contente souvent de symboles, d'insignes : telles ces haches "ausoniennes", portées par les licteurs sur leurs épaules. Supérieures, par conséquent, aux épées du guerrier. Car les épées rappelaient le pouvoir militaire, purement militaire, celui de tuer l'ennemi, alors que les haches des licteurs se rapportaient au pouvoir civil, celui de la toge et du droit, celui qui ne condamne jamais à la décapitation sans avoir scrupuleusement respecté le Droit. Le bouleversement de cet Etat de droit prend naissance à "cet âge", depuis lequel "nous prodiguons hypocritement à nos maîtres" toutes sortes de noms, de symboles verbaux" : sourde révolte contre un empereur désormais, appelé Néron.

    Il a fallu cent ans à peu près pour passer de César au dinguissime Néron. C'est pour des allusions de cette sorte que Lucain rejoignit son oncle, Sénèque, dans le suicide obligatoire. César voulut, lui le premier, "avoir en main tous les droits du fer" : le fer civil de la hache, le fer militaire du glaive. Et le pouvoir civil venait des dieux, de la Raison : "il ajouta les faisceaux aux aigles", Addidit et fasces aquilis"...

  • Tu me tues, Cydide

    Il s'agit de la traduction de Roussel, plus fluide. Ce texte de Thucydide se lit lentement. Sinon ça coule tout seul, c'est dégueulasse. La couverture de ce livre de poche « Classique » présente une redoutable simplicité. Les motifs s'en détachent sur fond blanc. Au sommet, un liseré pourpre pâle, bien net, et une bande blanche, nette au-dessus, rugueuse au dessous. Un tracé vert cyanéen en effet, comme tracé au pinceau, laisse une trace capricieuse mais sans trop, dans un souci de reconstitution cnosssienne, et déroule vers le bas trois boucles pointues en forme de vagues dextrogyres.

    Cela donne sur le blanc, et à l'endroit cette fois, trois creux de vagues symétriques, mais qui pourraient aussi bien représenter à leur tour des vagues qui se lèvent, empanachées d'écume. Donc, le creux et le relief s'intervertissent en fonction du regard. Il me semble que cette frise était adoptée à Cnossos, du moins ce qu'Evans a pu en épargner. En bas de la couverture, le même phénomène se reproduit, en bleu profond tirant sur le violet. C'est le bleu qui monte, cette fois, celui de la mer Égée par exemple, et le blanc, le vide, le ciel, ce qu'on voudra, qui occupe la position supérieure.

    Nous voyons à quel point le réalisme et le symbolisme se chevauchent, pour un résultat ornemental aquatique particulièrement adapté, et prégnant. Harmonieusement disposés, les signes graphiques, par leur raideur honnête, contrastent avec les caprices de la nature maritime : THUCYDIDE, plus bas « La Guerre du Péloponnèse » avec deux « n » comme en grec ancien, Tome 2, et dans l'espace entre deux vagues, l'écusson rectangulaire arrondi du Livre de Poche Classique, ce que l'on appelle à présent un « logo », en bas à gauche. L'auteur est en noir, le titre en pourpre clair ainsi que le bandeau du haut.

    La muraille dga.JPG

    La mise en page est sobre, et tout se terminerait là, s'il n'y avait ce petit rond noir au motif blanc et figuratif. Il n'a pas pour vocation d'exciter l'observation, mais de faire intervenir l'humain et le divin dans l'ordonnancement plus ou moins géométrisé de la nature maritime. C'est un cercle, un « tondo », comme on dira au XVIe de nos siècles. De part et d'autre d'une lance verticale, un prêtre en robe, à droite, et un guerrier en jupette hellène à gauche.

    Le soldat, courbé, les genoux fléchis, semble recevoir une couronne glorieuse, avec l'humilité qui convient ; son front est ceint d'un bandeau blanc. À ses pieds, au sol, son bouclier bombé. Le prêtre,barbu, détourne le regard et présente son profil droit. Son bras tend la couronne, et l'autre, le gauche, se replie à l'horizontale, en retrait. En 1964, le crédit iconographique ne figurait pas encore sur le volume. Nous supposons que ce vase existe, d'où le metteur en page a tiré ce détail, réaménagé en cercle. Nous saurions alors pourquoi le prêtre détourne le regard, maintenant de son poignet gauche un bâton sacramental qui vient croiser en oblique, devant le bouclier posé, la lance verticale. Le guerrier incliné tient de la main droite un triangle blanc qui serait peut-être un pan du grand manteau de prêtre. Rappel de l'Iiade, sans aucun doute.

  • L'antisémitisme au lycée

    “ Comment ne pas l'excuser lorsqu'on songe à l'alarme profonde où vivait sa pensée ?”

    Autre extrait instructif comme vous le voyez : y paraissent à la fois la sympathie complice du jeune homme de bonne famille pour les respectables prélats de l'Eglise catholique, dont nul ne parvient à se détacher sans peine dans la suite de sa vie ; le côté traditionnellement destructeur du juif qui ne croit à rien, qui analyse sans pitié, qui rejette tout ce qui est pourri, qui remet tout en cause, qui se complait à ses douleurs et aime à les retrouver chez les autres. Ces traits semblent plutôt se rapporter à l'adolescence des grands nerveux, finement observés, qu'aux caractéristiques de Dieu sait quelle “race”. Mais les fantasme du juif intellectuel destructeur ont la vie dure. Tout n'est qu'un jeu pour Silbermann, prétexte à littérature. C'est d'ailleurs ce que je pense aussi. Et comme à cette méfiance du brave fils de France, fille aînée de l'Eglise, se marie de façon faisandée les élans de sa pitié...

    Il revient dge.JPGDire “pauvre juif” est finalement aussi insultant que de dire “sale juif”. C'est même plus grave. Plus insidieux. Plus protecteur, condescendant, et dans condescendant il y a descendant. Mieux vaut encore se faire cracher à la gueule que de se faire plaindre et dorloter. Nous pourrions même dire qu'aux forces prétendument décomposantes de l'analyse intellectuelle et littéraire s'opposent les forces réellement, elles, décomposantes, de la “pitié dangereuse” et malsaine : la pitié du narrateur. Ce qui n'empêche pas le personnage de Silbermann de dégager toujours un profond malaise, de remettre en question par ses propos et par sa seule présence tout ce qu'il touche, tout ce qu'il approche.

    Mais en tant qu'homme, pas en tant que juif. Puis-je même dire que Silbermann fait tout ce qu'il peut, cassant, maladroit, exhibant sa supériorité, pour être persécuté ? C'est ainsi que l'on rejette sur les victimes la cause de la persécution, comme nous le disions plus haut. Danger supplémentaire de la lecture de cet ouvrage. Le personnage est antipathique. D'où le lâche soulagement qui étreint le jeune narrateur quand Silbermann a été expulsé, et que tout est devenu normal, français, catholique, blanc, beau, masculin asexué – ici, Jacques de

     

     

     

     

    COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LECTURES “LUMIERES, LUMIERES”

    LACRETELLE “SILBERMANN” 2045 01 23 19

     

     

     

     

    Lacretelle atteint carrément le niveau désormais nauséabond de Montherlant, de Michel Tournier, mais ne remplaçons pas un racisme par un autre, disons que la chose moi aussi cette fois me met mal à l'aise : “ Et soudain, sans un coup de tonnerre, dans l'air entièrement calme, de grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber. J'allais m'abriter contre un mur, sous un échafaudage qui était en saillie. Les élèves de Saint-Xavier s'éparpillèrent dans la rue. Quelques-uns, des plus jeunes, qui portaient encore l'uniforme de l'école, la courte veste bleue et la casquette ornée d'un ruban de velours, se mirent à courir et, par jeu, levant les bras, criant sous l'ondée bienfaisante, adressant des louanges au ciel.

    “ Je les regardai, à l'étroit dans mon coin, et haussai les épaules. En raison de mon caractère volontiers secret ou d'une éducation un peu puritaine, j'avais toujours considéré la libre expansion de la joie comme une manifestation choquante et niaise. Et cependant, il y avait tant d'ingénuité et de gentillesse dans les mouvements et les mines de ces garçons, ils me parurent avec une telle évidence plus heureux que je ne l'étais, que l'envie me vint de me mêler à eux et de recevoir le même baptême délicieux...

    “ A ce moment, quelqu'un, qui tête baissée se protégeait contre la pluie, vint se réfugier )à côté de moi. Sous l'abri, la tête se releva ; et je reconnue Philippe Robin. En me voyant, il eut une expression gênée, rougit et esquissa un sourire. Sans rien dire, je m'écartai un peu pour lui faire place. Et comme je faisais ce mouvement je découvris derrière nous un dessin sur le mur. C'était une caricature au fusain représentant grossièrement Silbermann”.

    “ Je vous laisse deviner comment on a pu tracer une telle caricature. Les deux jeunes gens de la même classe sociale se réconcilieront sur ces traits grossiers.

  • Diderot de retour de Russie

    63 12 02

    En ce jour qui serait plus tard l'anniversaire d'Austerlitz, nous rejoignons l'aimable mais si tièdement aimé Diderot, de retour de sa catherinade de Russie, en fin de parcours épistolaire avec celle qu'il n'appelle plus guère désormais que « Melle de Volland ». Elle s'est lassée de cette correspondance, esclave qu'elle s'était faite de sa mère et de sa sœur la saphique. Nous savons tout cela désormais, et Diderot, qui n'a plus que 10 ans à vivre (lequel d'entre nous peut en dire autant) se repose, après un voyage de retour où sa calèche a failli sombrer dans les eaux de la Néva. J’ai vu Euler, nous dit-il, le bon et respectable Euler, plusieurs fois : c’est l’auteur des livres dont votre neveu a besoin. Nous n'avons fait que lire, sans trop nous informer.

    Consul et proconsuls dga.JPGLes personnages, célèbres ou obscurs, se sont succédé dans une vie pleine de mouvement et de bonne bouffe, « la douceur de vivre » selon Taille-Rang, car telle est la bonne prononciation. Euler était un mathématicien suisse et croyant, qui devait mourir à Saint-Petersbourg un an avant Diderot, où tout le gratin de cour parlait un français parfait. Il était aussi membre de l'académie des sciences de Berlin. C'est à cela que sert l'encyclopédie informatique, si honnie par nos sorbonnicoles. Mais du neveu, point de nouvelles : Diderot s'adresse désormais à « Mesdames et bonnes amies », pour un usage public de la lettre. C'en est fini des tendres confidences, il rend compte de son existence, et n'a écrit que trois ou quatre fois de St-Petersbourg.

    Il est vrai que ses lettres ne devaient pas échapper à la censure tsariste. « Ne vous attendez », disait-il « qu'à des générosités ». Cependant ne mettons pas en doute sa sincérité lorsqu'il affirme être arrivé comme un esclave de pays libre dans un pays d'esclaves, où lui-même se sentit on ne peut plus libre. Sa Majesté le recevait librement chaque jour entre 3 et 5, parfois 6. Diderot n'a pas profité de sa position pour faire fortune, pour ne pas attirer les foudres d'une cour de jaloux. Il a demandé le paiement de son voyage de retour, ainsi qu'un accompagnement militaire, ce qui lui fut accordé. Plus tard, les rapports de Custine, canonnier pédé, jetèrent sur l'empire de Russie un regard bien plus dur et impitoyable.

    Diderot n'a vu que le côté doré des choses. Il fut choyé, chouchouté, apprécié. Puis il revint en France pour travailler, sa grande passion. J’espère qu’il sera satisfait. Le neveu. Quel neveu ? Il eût fallu se documenter, savoir de qui parlait Diderot en sa correspondance, mais je ne fais jamais que tremper le bout de mes pennes dans les flots, tel un majestueux albatros… Euler fut un physicien extrêmement prolixe, et le livre de poche n'était pas dans les mœurs du temps. Mais Diderot, véritable carrefour, ne manquait jamais d'un vaste réseau de solidarités : La princesse de Galitzin en avait fait son affaire avant mon départ, et depuis mon arrivée, le prince Henri s’en est chargé. Du beau monde comme on voit. L'Encyclopédie, assurément, contribua aux connaissances universelles, préparant la Révolution ; mais Diderot n'en eut pas conscience, pas plus que nous n'en avons de l'an 2032, 2079 nouveau style.

    Aussi maria-t-il sa fille avec un noble bien aisé, afin qu'elle ne manquât de rien, car l'amour s'enracine plus ferme dans la prospérité. Il vivait dans un réseau social et dans une activité vitale dont le retiré du monde que nous sommes peut à peine se rendre compte. Il délègue, il se justifie - Vous me direz : Pourquoi se reposer sur d’autres de ce qu’on peut faire soi-même ? C’est que l’édition d’un des volumes publiés à Pétersbourg est épuisée, et que l’édition de l’autre volume s’est faite à Berlin, où je n’ai pas voulu passer, quoique j’y fusse invité par le roi. Il fallait se déplacer soi-même.

    Le corps était partie prenante. Les voitures versaient, les rivières gelaient bien ou gelaient mal. Seul un tout petit nombre d'érudits, appréciés par les dirigeants, s'offraient ou se refusaient, en toute liberté. C'était une époque où les souverains avaient de l'instruction, voire de la culture. Où jamais rester deux années pleines sans rien lire n'aurait été apprécié. Diderot est fatigué, Louis XV va mourir, car soixante- quatre ans, c'est déjà bien avancé. Ce n’est pas l’eau de la Néva qui m’a fait mal, c’est une double attaque d’inflammation d’entrailles en allant ; ce sont des coliques et un mal effroyable de poitrine causés par la rigueur du froid à Pétersbourg, pendant mon séjour ; c’est une chute dans un bac à Mittau, à mon retour, qui ont pensé me tuer ; mais la douleur de la chute et les autres accidents se sont dissipés ; et si votre santé était à peu près aussi bonne que la mienne, je serais fort content de vous. De nos jours nous risquons, mais si peu, les attentats.

    En ce temps-là, tout voyage était périlleux. St-Pétersbourg La Haye (d'où parvient cette lettre) prenait plusieurs semaines, et les remuements de carrosses chahutaient les entrailles de Monsieur, qui nous épargne rarement l'état de ses digestions, selles incluses. La mort menaçait de toute part, et la santé faisait l'objet d'une attention justifiée, là où maintenant les mortels se la jouent obsession coquette. Une toux dégénérait vite, Descartes fut achevé par Stockholm, et Mitau, alias Jelgava, manqua Denis de peu. C'est en Courlande. Vous voyez la Lettonie, capitale Riga ? La COLLIGNON LECTURES

    DIDEROT LETTRES A SOPHIE VOLLAND 62 11 07 //12 16 // 63 02 27// 12 02 22

     

     

     

    grosse presqu'île qui dépasse, c'est la Courlande. Et la plaine plus à l'est, c'est la Livonie. Tout de même autre chose que d'écorcher le letton. Un drame en Livonie fut écrit par Jules Verne. Quelle joie de se vautrer dans l'érudition de surface, genre Jeu des mille euros. Mais selon l'époque, la Livonie engloba aussi la Courlande. Passionnant ! Ardievas ! «au revoir », en letton…

  • Unbreak ly heart

     

    Unbreak my heart, c'est un néologisme. « Intraduisible ». « Dé-brise mon coeur », ou « répare mon coeur », « recolle mon coeur ». Aussi la traductrice, Marie-Christine Tricottet, ne l'a-t-elle pas traduit. Notre tâche se limite à décrire la couverture. Encore faut-il en déchiffrer le motif par l'examen de ses indications. Le titre est surmonté d'un sous-titre, ce qui serait alors un surtitrage : Rêves volés, en minuscules blanches sur fond noir. Ce fond noir est le contre-jour d'un jeune profil masculin, tendrement incliné vers un profil féminin. Il sera donc question d'un amour hétérosexuel.

    Juste au-dessous, en grosses majuscules blanches, le radical BREAK, « briser » en français, toujours sur le même profil indistinct. Mais il est précédé du préfixe anglais « UN- », en vert bleu, qui le détache de la racine et souligne ceci : avant d'être plus ou moins « réparé », « restauré », le coeur s'est fait briser (ne dit-on pas « un coeur brisé »,  a broken heart . Il restera toujours une brisure, une cicatrice, au travers de ce coeur. Le titre se complète, à la ligne au-dessous, par le pronom « ME », toujours en vert bleu, mais sous la majuscule B, en décalage esthétique, suivi du chiffre « 3 ». L'autrice, Lexi Ryan, est à la quatrième ligne, en majuscules plus modestes. Nous apprenons ainsi qu'il s'agit du troisième volume d'une trilogie, un « préquel » (mot nouveau : lorsqu'une histoire, et sa suite, connaissent un certain succès, l'éditeur suppose à juste titre que le lecteur sera curieux de connaître l'avant-propos de ce récit.

    Touffe et bouleaux dga.JPGOn en a fait de même pour Le seigneur des anneaux, et pour d'autres histoires je suppose. Mais un avertissement nous rassure en avant-propos : nous pouvons lire ce volume séparément des autres, sans être tenus à lire les deux premiers. Tout en haut de la page et sur le front noir du profil masculin, dont les lignes souples suivent une diagonale « N-O / S-E », tiens ! « le nez », le lecteur lit « « DERNIER VOLET DE LA TRILOGIE », ce qui s'emploie couramment, car toute histoire d'amour, toute romance diraient les Américains, participe plus ou moins, mais plutôt moins que plus, de la tragédie grecque antique. Pour ce qui est du « volet », nous nous référerons plutôt à des triptyques, tels qu'il s'en voit au-dessus des autels chrétiens…

    Mais cette « romance » est une NEW ROMANCE, à l'angle supérieur droit, lisible en majuscules banches sur fond vert, à lire de bas en haut. Ce n'est pas tout : « La passion peut transformer les rêves en réalité ! » - le point d'exclamation est dans le texte, censé attirer la clientèle. Cette clientèle sera sentimentale ou ne sera pas. Elle aura acheté un livre de la collection « Hugo + Roman », le « + » ne se lisant pas à haute voix : c'est un logo, un rectangulet blanc sur un bâtonnet vert. L'information de la page de titre est complète, insistante. La phrase ou exergue, d'une conviction naïve, se détache en vert sur la douce mâchoire estompée d'un profil féminin ; la mention de la collection, sur le blanc du fond de photo. Entre les deux profils en effet se détache un fond blanc brisé, montrant les fronts (ornés de petites mèches blondes pour la femme et noires à contre-jour pour l'homme), et, plus bas, séparant les lèvres entr'ouvertes des amoureux, plus ouvertes chez la femme aux belles incisives (la femme peut mordre dans son plaisir), très tendres chez l'homme et légèrement inclinées vers le bas : l'homme est plus grand, la femme tend sa bouche marquée de stries. THE END.