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L'antisémitisme au lycée

“ Comment ne pas l'excuser lorsqu'on songe à l'alarme profonde où vivait sa pensée ?”

Autre extrait instructif comme vous le voyez : y paraissent à la fois la sympathie complice du jeune homme de bonne famille pour les respectables prélats de l'Eglise catholique, dont nul ne parvient à se détacher sans peine dans la suite de sa vie ; le côté traditionnellement destructeur du juif qui ne croit à rien, qui analyse sans pitié, qui rejette tout ce qui est pourri, qui remet tout en cause, qui se complait à ses douleurs et aime à les retrouver chez les autres. Ces traits semblent plutôt se rapporter à l'adolescence des grands nerveux, finement observés, qu'aux caractéristiques de Dieu sait quelle “race”. Mais les fantasme du juif intellectuel destructeur ont la vie dure. Tout n'est qu'un jeu pour Silbermann, prétexte à littérature. C'est d'ailleurs ce que je pense aussi. Et comme à cette méfiance du brave fils de France, fille aînée de l'Eglise, se marie de façon faisandée les élans de sa pitié...

Il revient dge.JPGDire “pauvre juif” est finalement aussi insultant que de dire “sale juif”. C'est même plus grave. Plus insidieux. Plus protecteur, condescendant, et dans condescendant il y a descendant. Mieux vaut encore se faire cracher à la gueule que de se faire plaindre et dorloter. Nous pourrions même dire qu'aux forces prétendument décomposantes de l'analyse intellectuelle et littéraire s'opposent les forces réellement, elles, décomposantes, de la “pitié dangereuse” et malsaine : la pitié du narrateur. Ce qui n'empêche pas le personnage de Silbermann de dégager toujours un profond malaise, de remettre en question par ses propos et par sa seule présence tout ce qu'il touche, tout ce qu'il approche.

Mais en tant qu'homme, pas en tant que juif. Puis-je même dire que Silbermann fait tout ce qu'il peut, cassant, maladroit, exhibant sa supériorité, pour être persécuté ? C'est ainsi que l'on rejette sur les victimes la cause de la persécution, comme nous le disions plus haut. Danger supplémentaire de la lecture de cet ouvrage. Le personnage est antipathique. D'où le lâche soulagement qui étreint le jeune narrateur quand Silbermann a été expulsé, et que tout est devenu normal, français, catholique, blanc, beau, masculin asexué – ici, Jacques de

 

 

 

 

COLLIGNON HARDT VANDEKEEN LECTURES “LUMIERES, LUMIERES”

LACRETELLE “SILBERMANN” 2045 01 23 19

 

 

 

 

Lacretelle atteint carrément le niveau désormais nauséabond de Montherlant, de Michel Tournier, mais ne remplaçons pas un racisme par un autre, disons que la chose moi aussi cette fois me met mal à l'aise : “ Et soudain, sans un coup de tonnerre, dans l'air entièrement calme, de grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber. J'allais m'abriter contre un mur, sous un échafaudage qui était en saillie. Les élèves de Saint-Xavier s'éparpillèrent dans la rue. Quelques-uns, des plus jeunes, qui portaient encore l'uniforme de l'école, la courte veste bleue et la casquette ornée d'un ruban de velours, se mirent à courir et, par jeu, levant les bras, criant sous l'ondée bienfaisante, adressant des louanges au ciel.

“ Je les regardai, à l'étroit dans mon coin, et haussai les épaules. En raison de mon caractère volontiers secret ou d'une éducation un peu puritaine, j'avais toujours considéré la libre expansion de la joie comme une manifestation choquante et niaise. Et cependant, il y avait tant d'ingénuité et de gentillesse dans les mouvements et les mines de ces garçons, ils me parurent avec une telle évidence plus heureux que je ne l'étais, que l'envie me vint de me mêler à eux et de recevoir le même baptême délicieux...

“ A ce moment, quelqu'un, qui tête baissée se protégeait contre la pluie, vint se réfugier )à côté de moi. Sous l'abri, la tête se releva ; et je reconnue Philippe Robin. En me voyant, il eut une expression gênée, rougit et esquissa un sourire. Sans rien dire, je m'écartai un peu pour lui faire place. Et comme je faisais ce mouvement je découvris derrière nous un dessin sur le mur. C'était une caricature au fusain représentant grossièrement Silbermann”.

“ Je vous laisse deviner comment on a pu tracer une telle caricature. Les deux jeunes gens de la même classe sociale se réconcilieront sur ces traits grossiers.

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