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  • Hips

        Enterrement de Jacques Chirac, "Maire de Tulle", foule considérable à la cathédrale. Suis dans une abside avec mon père, qui explique la façon dont il avait dû se tourner lors de funérailles précédentes pour que son discours soit bien entendu de tous entre les colonnettes. Je m'absente, car ce sera long, et gagne les hauteurs. L'assieds, pour écrire, à une table de bistrot rural. Des chasseurs qui passent me recommandent de rester assis, car je voulais leur céder la place. D'autres, des jeunes gens cette fois, s'azssoient près de moi. Ils me disent que très peu d'oeuvres sont éditées, je renchéris. Je redescends en ville avec l'un d'eux et jette négligemment à terre une peau de banane et une pellicule d eplastique en ricanant sur l'écologie.
        Mon accompagnateur sait bien qu'on etnerre Chirac, dans un énorme cercueil somptueux, mais ne s'en inquiète pas outre mesure. FINIS SOMNII.

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        Débarquant seul du train à Bergerac (Anne est restée dans le wagon), je m'aperçois que toute la ville est engloutie dans une obscurité absolumen totale et qui n'a rien de naturel. Il me faut traverser la ville pour arriver chez mes parents. Ce sera  une véritable cours d'obstacles. Pour commencer, je m'emmêle dans une laisse de chien, aux deux bouts de laquelle s'agitent un cabot et une maîtresse, d'une cinquantaine d'années. Elle me confirme la panne, tandis que nous nous emberlificotons, au point que je ne sais même plus si je suis cette femme, la laisse ou le chien. C'était tout simplement Anne qui se levait dans le noir à la cuisine. 

  • Blog Fronfron 55

    Chère Madame Adèle, (quel bordel !)

    Il se trouve que je parraine un nombre certain de zbliguiblig zblogoblogs, pas très accessibles. Je suis le "tchallènnndje" de "J'arrête de râler". C'est dur, même sans bracelet (celui qu'on change de poignet chaque fois qu'on râle). Le but est de cesser de râler pendant 21 jours consécutifs, le temps pour une poule de se faire cuire un oeuf à la sauce trou du cul. Si l'on râle dans le fond de son coeur, sans parler, ça ne compte pas. Mais si JE JE JE  râle par écrit, ça compte ? Sacrée Californienne. Il faut aussi se taire, comme disait Dulles (Foster), ce qui permet d'éviter des paroles vexantes, comme ça, juste pour meubler. Ce qui donne des silences parfois gênants. Mais comme disait une amie, "Pourquoi toujours se parler, se parler, quand on est ensemble ? le vrai (la vraie) ami(e) est la personne qui permet le silence en oubliant de s'ennuyer".

     

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  • Pro Milone, du blog Fronfron55, sans point commun avec le FN ni avec la Meuse

    Chers et adorables bambins et bines, copains et pines, citoyens et hyènes, oubliez dergrueneAffe, oubliez le singe vert, c'est à nouveau Collignon Bernard, alias Berlignon Connard, qui vous cause. Parce que pour récupérer les blogs antérieurs, je peux toujours m'astiquer. Voici un texte sur le Pro Milone de Cicéron, élitiste, car le latin ne sert à rien. La musique non plus, d'ailleurs. Prenez connaissance, et contactez-moi si vous voulez.


      Marqueterie.JPG  Toujours le Pro Milone. Vieux compagnon de ma première agrég. Lu le passage des cortèges de femmes que je traduisais par troupeaux, au grand dam navré de l'examinateur. Cette histoire de cortèges qui se croisent et puis s'attaquent par la queue me plaisait bien. On la retrouve en particulier dans le film appelé Gandhi. Les roueries, les malonnêtetés de Cicéron aussi, qui tente de faire passer son client pour un ange. Sans trop y croire. Même chose pour Cælius. L'Antiquité me désarçonne toujours autant. Les raisonnements  y sont retors, jusqu'au vicieux (voir à ce sujet les excellentes Tablettes d'Albucius, par Quignard) : là se trouvent mises à mal nos façons de penser, de juger, de condamner, devenues si naturelles, si « allant de soi ».
        Chez Albucius, c'est toujours celui qui a le plus de torts, qui s'est montré le plus sombrement cruel, qui gagne ; et l'innocent, à notre sens contemporain, perd son procès. Les femmes ne votent pas, les esclaves non plus, et l'on prend les auspices, autrement dit l'on consulte le vol des oiseaux, avant les comices curiates. Tous les ans j'enfreignais les consignes inspectoriales, assénant des « cours de civilisation » à mes élèves, qui en redemandaient très bien. Vingt ou trente ans durant j'ai rabâché le Mallet-Isaac sur Rome. A présent cela s'estompe : comices centuriates, comices tributes – toujours est-il que la crise d'épilepsie, l'orage ou l'éternuement à gauche suspendaient les discussions, invalidaient les votes. Etranges réunions.  ...[A]vec des mains ensanglantées – la note 1 précise que les élections prenaient ainsi le caractère d'un acte religieux. Les Romains vivaient à même les dieux.
         Sur le plancher des dieux. Divinisant la politique. Sans cette sauce morale qui aujourd'hui pourrit tout. La morale, c'était de ne pas contrarier les dieux ; ce n'étaient pas les préjugés de l'opinion publique et des sondages. Cela tombait à mon avis beaucoup plus juste. ...étalant et avouant un crime et un forfait. Il y avait du moins du décalage, du jeu ; avec les pesants chrétiens, le ciel désormais coïncide avec l'imbécillité morale. Tout coincé. J'étouffe.

    Ou bien le jésuitisme, l'accommodement avec le ciel, “en prendre et en laisser” : guère mieux. A Rome la politique était un jeu de vie et de mort. Cent ans de révolution. Imagine-t-on cela ?     Cent ans de trahisons et de mots d'ordre personnels, et pour seul idéal, restaurer un passé imaginaire, largement idéalisé, fantasmé, de “purs républicains”. La Révolution française établissait l'avenir. Tout en rétablissant, comme de juste, l'homme d'avant, le Bon Sauvage. L'ordre n'est pas mon fait. Rien ne vaut le nourricier foutoir. J'explique, j'explique  encore. A supposer qu'il existe un raisonnement juste, il est toujours le même, il n'y en a qu'un. Il démontrera toujours en dernière instance que nous ne sommes que poussière et qu'il ne vaut pas le coup de vivre. A moins qu'il ne démontre le contraire. Inutile de raisonner. Comme c'est peu croyable de sa part, mais comme c'est vraisemblable de la part de Clodius : ça m'étonnerait.
        Cicéron transforme le coupable en innocent. Avocats, sophistes. Bonnbe égalité matématique. Et l'on ne se décide, in fine, qu'en fonction d'un mélange de bon sens et de circulations de lymphes. Le mot humain n'est qu'un élément du verbiage universel : cours des ruisseaux, musiques, oraisons de Bossuet. Branle du monde. “...qui se flattait de régner en maître dès que Milon aurait été tué ! Mais rien alors déjà ne pouvait sauver la République romaine. Mystère de l'évolution des régimes humains. L'opinion qui “bascule à droite”. Finkielkraut désormais plus plausible que Todd. A gauche, le plan. A droite, l'instinct. Ce ne sont pas les opinions qui basculent à droite, mais les circonstances.
        A gauche on pense que tout s'arrangera... d'ici vingt ans. D'ici là, fleurissez, attentats ! ...Tant de statistiques et de raisonnements fumeux ! Enlevez-nos les attentats ; nous vous tiendrons quitte du reste. Et ceci encore, qui est le point capital : qui ne sait que le plus grand attrait du crime, c'est l'espoir de l'impunité ? Non, Cicéron : c'est désormais la gloire du martyre... (autre raisonnement de l'Antiquité : “Mais, chers jurés, mon client ne peut avoir tué sa fiancée : en effet, il l'aimait !” hahaha...) Or lequel des deux (Clodius ou Milon) a eu cet espoir ? (l'espoir de l'impunité) - réponse : les deux. Milon qui, aujourd'hui même, est accusé pour une action glorieuse ou du moins nécessaire ? C'est qu'il aurait eu bien fait de tuer pour un peu, le client de Cicéron !
        Légitime défense ! Ah mais ! ...ou Clodius qui avait un tel mépris pour les tribunaux et les sanctions judiciaires qu'il ne trouvait aucun plaisir à ce qui est permis par la nature ou autorisé par les lois ? Une telle affirmation outrancière ne susciterait plus de nos jours que des haussements d'épaules. Nous savons bien aujourd'hui que l'homme est complexe, et qu'il ne suffit pas de le démolir à l'aide d'une belle consécutive (“à ce point d'audace (de folie) que...”). Mais à quoi bon raisonner, à quoi bon discuter davantage ? poursuit Cicéron.  Assurément. L'avocat plaide. On l'appelle, en argot, “le baveux”. “A quoi bon parler ? Qu'est-ce qu'on veut que je dise ?
        Le plus étonnant, c'est qu'il reste encore tant de pages, tant de §§, et que Cicéron ait encore tant de choses à dire : C'est à toi, Quintus Petilius, que je m'adresse, comme à un citoyen vertueux, à un homme de cœur – c'est toi, M(arcus) Caton, que j'appelle en témoignage - vous qu'une providence divine m'a donnés pour juges – et de loin, les informations. J'abandonne. Ou bien je me construis dans mon cerveau des phrases afin de conserver la maîtrise des penséesi. Ou bien je me concentre,  détaillant mes gestes. Et je répète :”Ma vie fut très unie, très cohérente,  fidèle à moi-même”. Cicéron le fut. Sincère défenseur de la République et du Sénat.
        Sincèrement navré de la situation où Rome était tombée, avant la prise du pouvoir par Jules César. Nous parlons de violence ? Mais en - 52, tandis que César conquérait la Gaule et qu'un petit village de Gaulois etc., Rome était à feu et à sang, les bandes de Clodius ET les bandes de Milon se cassaient la gueule en pleine ville et à  la campagne, non pour des convictions politiques, mais pour des raisons claniques : il y avait d'un côté la bande à Clodius, avec ses mercenaires grassement payés, et la bande à Milon, avec ses mercenaires non moins grassement payés. On persuadait les mercenaires et ceux qui les suivaient, bêêêe, bêêêe, de quelques grands discours sur la justice, la liberté ou autres faridondaines, et tous de  se foutre sur la gueule en incendiant maisons, palais et bâtiments publics.


  • Bruno de Cessole, Réfractaires


    BRUNO DE CESSOLE LE DEFILE DES REFRACTAIRES
      

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     Bruno de Cessole, illustre inconnu pour les exilés du cerveau, convoque devant nous Le défilé des réfractaires, par ordre alphabétique, provoquant des voisinages pour le moins incongrus, tels ceux de l'Assemblée nationale à sa première session : nous évoquerons Céline, Cendrars, Chateaubriand et Cioran. Nous nous demanderons ce qu'ils ont de commu, à part la lettre C, dans leur inspiration, dans leurs convictions, dans leurs formes, dans leur refus de la société, voire tout cela ensemble, car il n'est rien de plus terne que l'ordre et le classement. Ainsi pourrons-nous divaguer. Réfractaires à quoi ? À l'ordre établi. En quoi ? En matière littéraire. D'abord, il est étrange de chercher dans l'acte d'écrire des traces d'opposition : l'acte d'écrire, en lui-même, quelque révolté qu'il soit, ne mène qu'à un petit tas de feuilles soigneusement reliées, en vente sur des étagères.
        Les véritables réfractaires, sans l'avoir choisi d'ailleurs, seraient plutôt à rechercher du côté des assassins, des putes et des clochards. Ensuite ils se lamentent, ils hurlent, ils découvrent qu'ils sont réfractaires, irrécupérables. L'acte d'écrire, de bien écrire, de vouloir bien écrire, relève de la foi, d'une transcendance, d'une croyance, d'un idéal, d'une insulte au matérialisme. Toute démarche artistique, littéraire, picturale, chorégraphique, implique un saut dans l'absolu, une révolte viscérale contre le matérialisme. Mais le clochard, la pute et l'assassin se coltinent le matériel dans sa dimension la plus brutale. Donc, chez nous, impasse du raisonnement, superficialité : nous serions donc réfractaires au rationnel.
        Attaquons d'un autre côté : Céline, avant de basculer dans l'abjection et le génie, n'était qu'un médecin planqué, menant à travers toute l'Europe et les Etats-Unis des cohortes de confrères en vue de tournées internationales sur l'hygiène dans les hôpitaux. Il entraînait les autres, dans un tourbillon qui les épuisait, les étourdissait de son baratin de bonimenteur, capable d'organiser à lui seul des entreprises gigantesques de représentant de commerce : ça, un réfractaire ? Barnum et son cirque, oui ! Comment d'ailleurs le Voyage au bout de la nuit a-t-il pu surgir d'un esprit aussi mondain et commercial est un mystère aussi grand, mais jamais abordé, que celui, rebattu et Rebatet, de son fascisme antisémite.     
        Cendrars, au bras vertical arraché planté dans le sol de toutes ses griffes, s'était retrouvé, en 1912, trois ans auparavant, copain avec l'inévitable Cocteau, Soutine, Max Jacob et tout ce qui comptait parmi les Montparnos : comment se fait-ce ? S'agit-il d'une mafia des excellents, d'une Pléiade miraculeuse, ou d'un gang qui se soutient de membre à membre ? Et si vous faites vous BERNARD COLLIGNON    LECTURES     « LUMIERES, LUMIERES »
    de CESSOLE            « LE DEFILE DES REFRACTAIRES »        60 02 19     64



    aussi partie d'un innombrable réseau, comment se fait-il que votre nom ne soit jamais destiné à briller au pinacle des glorioles du siècle ? Chateaubriand ? Vous plaisantez, j'espère ? Introduit dans la société mondaine de son temps, paradant parmi les marquis et les femmes du monde, acceptant d'être ministre et ambassadeur, adulé de tous, attirant sur lui toutes les attentions et prenant des poses, lui, réfractaire ? Cioran, désespéré fasciste et roumain (quel cumulard...), ne croyant à rien d'autre qu'aux bons tirages de ses livres, puis petit vieux affable toujours prêt à sourire et rendant service ?
        Vous l'aurez compris, ce n'est pas dans l'attitude sociale qu'il faut chercher la révolte parmi nos glorieux lascars. Ils ont cependant en commun, disons-le, l'imposture, et la posture (je ne vous parle pas de Claudel, gros plein de soupe réfractaire à sa sœur, de Jean d'Ormesson, pas réfractaire du tout à la télévision, de Michel Déon, réfractaire au moindre talent, et autres petits plaisantins contemporains perclus d'adaptation sociale ; Péguy, oui, respect ; Bloy, oui, respect (et non pas Bloïe, ignares de la rue Bertolet). Nos héros nos ont fait croire à des voyages qu'ils auraient faits, à des persécutions qu'ils auraient subies (après la guerre, oui, monsieur Céline, mais pas avant), de leurs profonds désespoirs mais en public : Chateaubriand, disait je crois Mme de Staël, se retirerait volontiers dans une île déserte, à condition qu'elle se trouvât au milieu de la Seine en plein Paris...   
        Alors, une originalité littéraire irréductible ? Les trois petits points de Céline, piqués non pas  chez Verlaine, cher Bruno de Cessole, mais chez René-Louis Laforgue, peu importe : avoir mis l'émotion, la secousse, l'électrochoc du langage parlé dans la phrase écrite, d'accord. Le docteur Destouches n'écrit pas « comme un bébé », monsieur S. de Nanterre, mais dans une langue inimitable, incomparable, impossible à proférer à voix haute, car c'est l'écho interne puissamment écrit d'un langage oral reconstitué, comme l'écho du poème dans nos oreilles internes. Un point pour Céline, vilipendé par les académiciens, imité puis massacré par d'innombrables suiveurs ou épigones ce qui veut dire la même chose chez les cuistres.  
        Cendrars, aux longues phrases essoufflées du Transsibérien, si plat dans L'Or, mais tout de même, dans la droite ligne du Bateau ivre, à écouter d'urgence en cassette par Vicki Messica, génie méconnu : voyez Google. K.O. les Claude Farrère et autres Francis de Miomandre. K.O. les guides bleus ou du routard. Chateaubriand, à lire à haute voix ou sous les voûtes, celles d'une église ou celles de son crâne ; le sommet par excellence de la langue française, meilleur que Rousseau même, n'ayant trouvé nul digne successeur stylistique avant Nerval, qui lui doit beaucoup, et Flaubert, qui BERNARD COLLIGNON    LECTURES     « LUMIERES, LUMIERES »
    de CESSOLE            « LE DEFILE DES REFRACTAIRES »        60 02 19     65



    ne lui doit pas grand-chose. Cioran m'agace plus : son style est si précieux, si redondant, si exaltateur du rien que l'on ne s'étonne pas de n'en rien retirer. Il est salubre, s'il est bref, mais il lui faut toujours, trop souvent du moins, ajouter la petite phrase, la petite expression en trop qui vient tout gâcher, comme pour bien nous démontrer que nous n'avions pas très bien compris : dommage. Mais quel est l'écrivain qui n'est pas, à ce compte, original, dérangeant, réfractaire, et n'est-il pas déjà réfractaire au néant que toute chose existe, au secours le poisson se noie. Rabattons-nous alors sur l'auteur Bruno de Cessole, qui aligne comme à la parade, justement, son Défilé des réfractaires, exercice d'admiration, ce qui normalement ne devrait pas leur aller.
        Il est fatal, en dépit de l'estime sincère qu'il éprouve, de retrouver les mêmes procédés, les mêmes péroraisons plus ou moins ronflantes, les mêmes déroulements de phrases sans autre génie que celui de la langue. Il est fâcheux mais inévitable de n'avoir dans sa ligne de mire que des auteurs francophones. Il était à prévoir aussi que seuls nos trois derniers siècles, et surtout le dernier, concentreraient les réfractaires. Qui se souvient de l'éternellement jeune d'Assoucy, compagnon de vagabondage de Molière, qui refusa de le suivre à Paris pour faire la roue devant le Roi-Soleil ? Qui peut encore nous réciter ses vers ? Et toujours cet affreux dilemme : réfractaire, pour de vrai, ou bien, célèbre, et réfractaire en toc ?

  • Impasse sans issue d'où l'on ne peut sortir

    Nécessité de transpositions ? en aucun cas. Ce livre ne sera jamais édité ni lu. Que m'importe ? Je le dédie au Gouffre. Solution cependant : transposer petit à petit.

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    DEDICACE
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    COMPOSITION en tache d'huile, car les éléments surviennent en désordre. Voici des éléments d'itinéraire.
    Impasse Marguerite-Marie : la sainte du même nom, Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) fut l'inspiratrice de la Vénération du Sacré-Coeur. "Ô vénérable pompe aspirante, ô vénérable pompe refoulante" s'exclame l'impie. En vérité l'impasse présente une succession d'étroits pignons accolés laissat supposer l'une de ces structures architecturales socialistes jusqu'au déhut du XXe s.  Tous les pavillons comportent deux logements étroits contigus, un par versant de toit sur toute leur profondeur. Cela se présente comme un long couloir, aboutissant à une chambre en face d'une salle d'eau. Très vaginal. Au bout, dehors, butant sur un mur d'enceinte, un carré de jardin broussailleux d'où l'on entend tout de l'un à l'autre.
        Ladite impasse, dépourvue de tout revêtement, râpe les semelles, tandis que les chats, défiants, s'arrêtent net, vous fixent, surtout le gros roux, puis détalent sous les barrières à claire-voie des lopins de légumes. Ces jardins allongés dévotement semés de salades et de haricots révèlent un petit peuple obscur et disposé à toute délation. Naguère encore se répandait la fable d'une rédemption par la classe ouvrière ; je n'ai jamais croisé ici, Impasse Marguerite, âme qui vive. Les occupants se cachent, et se plaignent par téléphone des caprices nocturnes de mon pianiste. C'est lui que je visite à intervalles réguliers.
        Le fond de l'impasse, herbu, permet le demi-tour d'un véhicule, ce que j'évite  : c'est un résidu champêtre avec un vague préau de bois devant lequel je pisse et sous lequel rouille encore une automobile indéfinissable. Bien s'essuyer les mains sur le pantalon. Presser la sonnette blanche à deux tons, très américaine, très incongrue. Serrer la main de Benoît, essoufflé, enrobé, voix neuroleptique. Intérieur étroit, pino droit, épinette, table ronde encombrée de papiers, partitions, soucoupes de noix de cajou. Suffocations de vieil encens dans l'air vicié, rideaux crème interceptant le jour. L'unique visite d'Arielle s'est passée à ouvrir, à refermer sans cesse cette étroite ouverture, par où Benoît craignait que ne s'introduisît "le petit chat du voisin" - inutile de mentionner l'intérêt nul qu'avait manifesté ma jeune femme à la musique...

    POUR LE SCULPTEUR, QU'IL ME CONTACTE, JE ME FERAI UN PLAISIR DE LE NOMMER.