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  • Je vous demande instamment

    Reconnaissance d'une mère.JPG

    Je demande instamment aux deux personnes qui suivent (mystérieusement) mon blog de ne pas m'abandonner, car je les conduirai où coulent le lait et le miel. Sans blague. Les blogs intitulés Romnestras ont disparu, ou Fronfron55, itou, s'étant fondus l'un dans l'autre, suite à des protocoles non pas de Sion mais éditoriaux, Hauts et Forts. N'oubliez pas que je suis un génie connu par le monde entier jusqu'à la fin de ma rue. J'habite en Aquitaine (de cheval ; que celui qui a des oreilles entende. J'adore Dino et Shirley. Je ne crois pas qu'il y ait d'un côté "les idiots" et de l'autre "les intelligents", mais je crois que nous transportons tous en nous des trains de marchandises de connerie et d'obstacles, et un tout petit plateau d'intelligence comme une hostie en monstration.

    Il faut faire attention de ne pas abîmer, précipiter dans l'abîme, le petit morceau d'hostie consacré. Si je parle trop de moi, parlez-moi trop de vous, car il faut absolument que les mineurs qui descendent dans le puits s'adressent la parole sur la plate-forme en bois retenue par des chaînes. D'autres paroles viandront ( JOLI le lapsus ordinatoris : viendront)...  Soyons fiers, soyons nous, et démerdons nous. Demerden Sie sich. Je vous quitte, c'est l'heure de notre Sertraline, pour dépression légère.

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  • Prière et viol

    62 03 31
     Seigneur prends pitié de ma prophétie, et garde-moi caché. Il m'est donné en mon vieil âge de répande ce que j'ignore, et sans savoir ce que j'attends, de cette lutte avec la Hyène et le Chacal. Seigneur (j''appelle Cela "Seigneur"), que rien ne m'échappe de toi. Ô Vieillards de mon temps, vous qui m'avez poussé, nourri, combattu, ignoré, prêtez l'oreille à mes désirs vaincus, non terrassés. Nous reviendrons nous autres, combien vivants.
    LE VIOL DANS LES PISSOTIERES        62 06 02
        Il est une fois un petit garçon. C'est moi. Il se fait violer dans les pissotières. Puis il se reboutonne, s'enfuit pour ne pas être dépecé. L'assassin court toujours. L'assassin tue son père et sa mère, se repent et devient saint Hubert. Un cerfff  apparaît au sommet d'une colline, les bois illuminés portant le Christ en croix, Hubert part dans les cieux avec le Christ au cul et un andouiller dans l'anus. Il rencontre là-haut saint Christophe, tenant sur son dos l'enfant Jésus. Il y a donc deux Jésus. Mais le sien lui affirme que saint Christophe n'a jamais existé, que l'on retrouve cette légende du géant dans toutes les mythologies indo-européennes et mexicaines.
        Saint Christophe alors se transforme en poussière et son christ enfant aussi. Saintze Philomène non plus n'a pas existé. Le petit garçon redescend sur terre pour se faire violer dans les pissotières. C'est encore plus sordide, il y a pris goût. A son tout il tue père et mère, et tout ce qu'il aime-déteste, car il sait qu'il s'agit du même verbe. Et alors. Le voilà bien avancé. IL faut qu'iil bouge, qui'il parcoure les cimetières pour apprendre des noms bizarres : Famille Despoires-Gatey, Famille Taillefumier, Ulysse Tripette, Maria Dizzighelli, morte accidentellement avant-guerre, avec une extraordinaire chevelure bouclée, comme une avalanche, et un sourire éclatant : ovaires, viol, automobile ?
        Plot d'Uzerche.JPGLa langue italienne est bien bizarre, avec un z, un h... Ses parents répondent de mauvaise humeur, comme à chaque fois qu'ils ne peuvent fournir d'hésitation. Ce cimetière est sa hantise. Depuis, ses grands-parents, au fond à gauche, ont disparu, personne ne vient plus entretenir la tombe. Les autres grands-parents (on en a quatre, personne n'y pense jamais) reposent désormais sous un croisement d'allées, car le devis de réparation proposait une somme pharamineuse. Il a tout laissé tomber, personne ne sont plus où sont les os. Pourtant le dernier décès ne remonte pas loin, en 76. Plot d'Uzerche.JPG
        Sa mère pendant les funérailles n'avait cessé de hurler de façon répugnante. Puis elle était repartie avec son mari. Puis il avait fallu revenir, afin de récupérer Dieu sait quelle affaire oubliée. Ils s'étaient fait accueillir, la deuxième fois, avec une froideur écoeurante. Pour expier tous ces ridicules, le petit garçon s'était fait violer une troisième fois, mais en changeant de pissotière. Son anus commençait à bien se dilater, il recevait de véritables colosse, qui heureusement possèdent de petites bites. C'"était l'odeur de glande anale qui souvent lui soulevait le coeur dès qu'il ôtait son slip. Il se dit qu'il y avait sans doute autre chose à faire dans cette vie que de se faire enculer sans grand plaisir : habitude n'est pas jouissance;
        Il se chercha donc un compagnon doux et tendre, qui le caresserait avant de la lui mettre, sans même que ce dernier point devienne obligatoire. Un homme qui lui apprendrait à vivre, ce que n'avait pas fait son propre père, trop occupé à geindre sur sa femme, celle de l'enterrement. Ainsi passait la vie dans la douceur et dans l'pprentissage. A son tour, adulte, le petit garçon appelé Georges devint violeur. Mais cette fois, il se fit prendre : les toilettes étaient vastes publiques et souterraines. Tous les soirs, des vieux venaient se faire sucer, moyennant finances. Quelle idée de faire cela dans une petite ville du Rhône, propice aux ragots !
        Le coup de filet fut terrible. Les policiers violèrent tout le monde, jeunes et vieux, y compris avec leurs matraques. Puis Georges passa par la case prison, servant de vide-couillesz à un Arabe et un Arménien. Il tua le gardien et s'évada, se maria en cachant son passé, car il n'est rien de plus facile. Peu de femmes se penchent sur les silences d'un homme. Assez curieusement, il continuait de bander avec une femme, en pensant à d'autres hommes. Puis il n'y pensa plus, et les formes féminines lui suffirent amplement, il était devenu un homme. Alors s'écoula une existence paisible, avec ses vergetures, ses vide-sein et ses tables à langer ; trois enfants, Georgette, Alice et Frédérique au féminin.

  • Patrons et clients à Rome

    De nos jours on y met les formes, du moins en Europe, mais cela ressemble encore à bien des choses actuelles. Cela s'appelle du "clientélisme", voire du "népotisme". Adoncques un beau jour, les cortèges de nos deux zigotos se croisent, leurs arrière-gardes s'insultent, puis se tabassent quelque peu, et voici les deux troupes qui reviennent sur elles-mêmes, et la castame devient générale. Le vilain Clodius et le gentil Milon se retrouvent face à face, écumant de rage, et se foutent sur la gueule en personne. C'est le gentil Milon qui tape le plus fort, et la bande à Clodius emporte le cadavre sanglant (en un seul mot) du méchant Clodius, le brûle devant le Sénat en bois inflammable et y fout le feu.
        Vous voyez que nous n'avons pas encore brûlé la chambre des dix putains euh des Députés. Emeutes, hurlements, les braves gens restent chez eux et chient. Pompée, maître de Rome tout de même convoque le Grand Tribunal en Chef, et Cicéron, qui aime bien Pompée le républicain, mais admire le vilain César jusqu'ici très lointain, se met à plaider. A ses yeux, Milon a débarrassé l'Etat d'un brigand, lequel se serait bien vu consul autrement dit chef en chef, faisant et défaisant les lois au profit de sa seule personne. Milon, quant à lui, n'a usé que du droit de se défendre. Il fait le fier, d'ailleurs, ce qui indispose les juges. Les faits sont relatés, précis, pittoresques.
        Les protagonistes sont hissés jusqu'aux nues, ou traînés dans la boue merdeuse. On recherche tous les antécédents de Milon, qui sont foison : illégalités, délits, vols, débauches et autres assassinats. Milon n'est que douceur, angélisme et vertu. Il doit être considéré comme un héros, bienfaiteur de l'Etat, et c'est vrai : il ne reste plus qu'un fouteur de merde sur deux. Alors, c'est la grande envolée lyrique, la péroraison, où l'on rameute tous les dieux de l'Olympe et tous les grands principes, droits de l'homme, égalité des chances, amour de l'autre et de sa kalachnikov et tout le toutim, ce qui nous rappelle vaguement quelque chose. Ecoutez la péroraison, avec ce qui précède : chapitre XXIV, § 92 - "Mais en voilà assez sur la cause, et même trop peut-être hors de la cause. Que reste-t-il à faire ?"  La cause est entendue n'est-ce pas, il n'y a plus qu'à faire ronfler de belles phrases, en agitant harmonieusement sa toge de citoyen.  
        Auparavant, chinois, Cicéron s'était récrié sur l'incendie du Sénat, templum sanctitatis, "sanctuaire de sainteté", comme le traduit maladroitement le traducteur, "de grandeur, de sagesse, siège du conseil public, haut-lieu de la cité, autel des alliés, port de refuge de toutes les nations, demeure concédée par le peuple tout entier au seul ordre sénatorial, nous l'avons vu incendié, détruit, souillé ; et cela ne fut pas l'ouvrage d'une multitude aveugle - ce qui serait déjà lamentable - mais un seul homme en est l'auteur." N'en jetez plus, la cour est pleine! Qui pourrit encore dire cela du Sénat ou du Palais-Bourbon sans déclencher des tonnerres de rires ?
        Rappelons qu'à Rome, c'était non pas le roi mais le peuple qui était souverain par la grâce DES DIEUX. Ces derniers intervenaient dans la vie politique, par des présages, bons ou mauvais. Et malheur à qui méprisait  les avis des dieux ! "Et celui qui a ét apaable de tant d'audace, tantum ausus sit, comme brûleur de cadavre au service d'un mort, que n'aurait-il pas osé comme porte-enseigne de Clodius vivant !" On embrasait le bûcher en détournant les yeux. Le brûleur de cadavre, le tustor, était en ce cas non pas un prêtre mais un émeutier, vil instrument de Clodius.C'est donc, indirectement, Clodius son maître qui a foutu le feu, même après sa mort, au sacro-saint Sénat, véritable autel de la démocratie romaine !
       Les casemates.JPG Sacrilège. Lèse-majesté. Carrément. "Il a choisi la curié pour y jeter son corps, pour que Clodius l'incendiât mort, après l'avoir bouleversée de son vivant" - le maître et le simple exécutant ne sont pas ici distingués : "Et il y a des gens pour se lamenter à propos de la voie Appienne, quand ils  ne disent rien de la curie et pour penser que lorsqu'il respirait encore on aurait pu défendre le Forum contre lui, quand la curie  n'a pu se défendre contre son cadavre!" - la curie, c'est le bâtiment où se tenaient les séances du Sénat. La voie Appienne, c'est là que le méchant Clodius s'est fait assassiner. Deux poids deux mesures : on s'indigne de l'assassinat sur cette grande avenue, maais on ne s'indigne pas sur l'incendie du temple de la nation. De même ces temps-ci, le monde s'est indigné d'un exécuté, en oubliant totalement les 46 autres exécutés avec lui. L'indignation à sens unique n'a jamais cessé de régner. Nous croyons-nous si différents ? Admirez d'autre part comme l'image littéraire prend le pas sur l'argumentation, qui devient faiblissime ? Opposer les dégâts provoqués par un mort aux dégâts provoqués par un vivant ? Rien à voir, au point de vue de la logique : il aurait mieux valu aloirs le laisser en vie, ce méchant Clodius, ainsi, il aurait causé moins de dégât. Argument nul, appel à l'émotion au détriment du raisonnement. Nous  ne faisons plus cela, n'est-ce pas...
        Et Cicéron d'enfoncer le clou : "Rappelez-le, rappelez-le, si vous le pouvez, si potestis, d'entre les morts ; briserez-vous les violences d'un vivant, quand vous avez grand peine à contenir les fureurs d'un homme sans sépulture ?" - en effet, il n'a pas été brûlé selon les règles liturgiques ! Il reviendra vous tirer par les pieds comme une âme infernale !  Horreur et putréfaction ! "Avez-vous donc contenu ces hommes qui ont couru à la curie, ad curiam cucurrerunt, avec des torches, au temple de Castir avec des faux et se sont répandus dans tout le Forum avec des épées ?" Le Forum, c'était la grand-place où se traitaient de bouche à oreille toutes les grandes affaires de l'Etat, un peu comme les couloirs de l'Assmblée dirions-nous. "Vous avez vu massacrez le peuple romain, disperser à coups d'épée l'assemblée qui écoutait en silence, audiretur silentio le tribun de la plèbe Marcus Célius, valeureux serviteur de l'Etat, inébranlable champion de la cause qu'il soutient, tout dévoué àla volonté à la cause des gens de bien et à l'autorité du Sénat, et qui témoigne à Milon, dans la réprobation dont il est l'objet, comme dans son exceptionnelle fortune, une héroïque, une incroyable fidélité." C'est trop, c'est trop.
        Les notes en bas de page nous informent sur un mot qui ne figure pas dans le manuscrit H, de Cologne, et c'est en avoir assez dit sur le trublion Titus Annius Milon, qui rappela Cicéron de l'exil, ce qui expliue bien des choses, lui-même pour finir exilé à Marseille d'où il reviendra pour se faire tuer dans une révolte contre César. Moralité, ne vous mêlez pas de politique, dès qu'elle se fait à coups de poignards. Enfin si le coeur vous en dit...

  • Tolstoï est grand

    Pour apporter le réconfort à ses lecteurs, il faut non seulement lui présenter de grands et beaux exemples, mais aussi des exemples à détester, comme le fait aussi de son côté Dostoïevski. "Mensonge de la femme, qui affecte le dévouement et calcule comment elle vivra, lorsque le mari sera mort. Universel mensonge, auquel s'oppose, seule, la vérité d'un domestique compatissant, qui ne cherche pas à cacher au mourant son état et l'aide fraternellement. Ivant Iliitch, "plein d'une pitié infinie pour lui-même", pleure son isolement et l'égoïsme des hommes ; il souffre horriblement, jusqu'au jour où il s'aperçoit que sa vie passée a été un mensonge, et que ce mensonge, il peut le réparer. Aussitôt, tout s'éclaire, - une heure avant sa mort. Il ne pense plus à lui, il pense aux siens, il s'apitoie sur eux ; il doit mourir et les débarrasser de lui.
        - Où es-tu donc, douleur ? - La voilà... Et bien, tu n'as qu'à persister. - Et la mort, où est-elle ?... - Il ne la trouva plus. Au lieu de la mort, il y avait la lumière. - "C'est fini", dit quelqu'un. - Il entendit ces paroles et se les répéta. - "La mort n'existe plus, se dit-il.
        Ce rayon de lumière ne se montre même plus dans La sonate à Kreutzer. (Note 1 - c'est la Sonate pour piano et violon n° 9, dédiée par Beethoven au violoniste français Rodolphe Kreutzer ; cette sonate est jouée par un des personnages principaux de l'ouvrage, d'où le titre de cette longue nouvelle, ou de ce court roman). "La première traduction exacte de cette oeuvre en français a été publiée par M. J.W. Bienstock, dans le Mercure de France (mars et avril 1912)." Traduction de la Pléiade en 1960 par Sylvie Luneau, et de monsieur Michel Aucouturier en 2010. "C'est une oeuvre féroce, lâchée contre la société, comme une bête blessée, qui se venge de ce qu'elle a souffert. N'oublions pas qu'elle est la confession d'une brute humaine, qui vient de tuer, et que le virus de la jalousie infecte. Tolstoï s'efface derrière son personnage, et sans doute, on retrouve ses idées, montées de ton, dans ces invectives enragées contre l'hypocrisie générale : hypocrisie de l'éducation des femmes, de l'amour, du mariage - cette "prostitution domestique", - du monde, de la science, des médecins, - ces "semeurs de crimes". - eh bien, moi qui prenait ça pour les opinions mêmes de Tolstoï, il va falloir que j'en rabatte, au temps pour moi.
        Noter que Tolstoï en avait autant contre les scientifiques "je sais tout" que contre les artistes qui se prennent pour des artistes. "Mais son héros l'entraîne à une brutalité d'expressions, à une violence d'images charnelles, - toutes les ardeurs d'un corps luxurieux, - et par réaction, toutes les fureurs de l'ascétisme, la peur haineuse des passions, la malédiction à la vie jetée par un moine du Moyen Âge, brûlé de sensualité. Après avoir écrit son livre, Tolstoï lui-même fut épouvanté : "Je ne prévoyais pas du tout, dit-il dans sa Postface à La Sonate à  Kreutzer, "qu'une logique rigoureuse me conduirait en écrivant cette oeuvre, où je suis venu." Note 1 : "La traduction française de cette Postface par M. Halpérine-Kaminsky a paru sous le titre : Des relations entre les sexes,dans le volume "Plaisirs vicieux" -  Mes propres conclusions m'ont d'abord terrifié, je ne voulais pas les croire, mais je ne le pouvais pas... J'ai dû les accepter. Le Cher, sans doute.JPG
        Il devait, en effet, reprendre, sous une forme sereine, les cris farouches du meurtrier Posdnichev contre l'amour et le mariage :
        Celui qui regarde la femme - surtout sa femme - avec sensualité, commet déjà l'adultère avec elle.
        Quand les passions auront disparu, alors l'humanité n'aura plus de raison d'être, elle aura exécuté la Loi ; l'union des êtres sera accomplie. La Création, ajouterai-je, sera résorbée : expansion, contraction, expansion - et si l'Univers n'était qu'un sphincter ? "Il montrera, en s'appuyant sur l'Evangile selon saint Matthieu, que "l'idéal chrétien n'est pas le mariage, qu'il ne peut exister de mariage chrétien, que le mariage, au point de vue chrétien, n'est pas un élément de progrès, mais de déchéance, que l'amour, ainsi que tout ce qui le précède et le suit, est un obstacle au véritable idéal humain..." - nous dirions plutôt déhumanisé, en tout cas antichrétien.
        C'est ainsi que Tolstoï, comme tous ceux qui croient, de la droite à la gauche, nous présente un tableau théorique à la fois libérateur, exaltant - et parfaitement rétrograde. Lisez donc ses romans, et ne fouillez pas trop dans l'arrière-cuisine du grand Tolstoï, car c'est ainsi qu'il est grand : Tolstoï balchoï. 

  • Tolstoï de Romain Rolland

        Romain Rolland s'évertue à parcourir ces méandres, explicitant comme il peut les revirements, les contradictions, les énormes sottises du Russe qui n'avait pas beaucoup voyagé, faisait un recueil de poésies françaises en recopiant toutes les pages 28 des livres à sa disposition (je n'invente rien, c'est d'ailleurs extraordinaire d'insolence), et parfois, c'est agaçant : le génie Tolstoï a toujours raison. Forcément, il écrit Guerre et paix, La mort d'Ivan Iliitch qui est un chef-d'oeuvre absolu sans la moindre fioriture : le cancéreux agonise trois jours et trois nuits en ne reprenant son souffle que pour crier de douleur, si bien que toute la famille l'a relégué dans la pièce la plus reculée de toute sa vaste maison... on ne sort pas indemne de La mort d'Ivan Iliitch.
        Ce dernier ne trouve de soulagement que dans un paysan, à son service, qui se relève la nuit pour lui soulever les jambes au-dessus du matelas, seul soulagement possible pour l'agonisant, qui éprouve alors des élans de fraternité. Si tu écris, si tu composes,  si tu dessines, sans avoir plus ou moins conscience de ta fraternité avec les hommes, en te sentant supérieur, tu rates ton coup, tu manques à ta mission, que Dieu ou n'importe quoi t'ont donné par faveur spéciale. Tolstoï émancipa ses serfs, qui se méfièrent de crainte de se faire rouler. Il rendit sa femme dingue de jalousie, la chargeant de plus de recopier ses oeuvres en méprisant ce qu'elle composait elle-même.
        Ce fut un homme, Mann und Mensch, empêtré dans ses missions contradictoires, sublime et crétin, écartelé entre l'individu et le collectif, entre le grand Un-Tout-seul et le grand Un-tout-le-monde. Romain Rolland, nous allons le voir, cite souvent l'auteur dont il retrace la biographie, autant interne qu'externe  "Enfin, l'expiation volontaire. Nikita, acompagné de son père, le vieux Akim, entre, déchaussé, au milieu d'une noce. Il s'agenouille, il demande pardon à tous, il s'acuse de tous les crimes. Le vieux Akim l'encourage, le regarde avec un sourire de douleur extatique :
        Dieu ! oh ! le voilà, Dieu !
      

    Vue de babord arrière.JPG

     Ce qui donne au drame une saveur spéciale, c'est sa langue paysanne.
        "J'ai dépouillé mes calepins de notes pour écrire La puissance des ténèbres", disait Tolstoï à M. Paul Boyer.  
        Ces images imprévues, jaillies de l'âme lyrique et railleuse du peuple russe, ont une verve et une vigueur auprès desquelles toutes les images littéraires semblent pâles." Distinguons cependant les expressions paysannes d'un peuple enraciné en lui-même du langage rudimentaire de certains éléments banlieusards. Question : la pauvreté culturelle peut être considérée comme le terreau d'une culture ? vous avez quatre heures, je ramasse les copies à midi. "Tolstoï s'en délecte ; on sent que l'artiste s'amuse, en écrivant son drame, à noter ces expressions et ces pensées, dont le comique ne lui échappe point (1. Il s'en faut que la création de ce drame angoissant ait été pour Tolstoï une peine. Il écrit à Ténéromo : "Je vis bien et joyeusement. J'ai travaillé tout ce temps à mon drame (La puissance des ténèbres.) Il est achevé." (Janvier 1887, Corresp. inédit., p. 159.) - oui, une pièce de théâtre, qui apparemment ne brille pas par sa subtilité - "tandis que l'apôtre se délecte des ténèbres de l'âme.

        "Tout en observant le peuple et en laissant tomber dans sa nuit un rayon de la lumière d'en haut, Tolstoï consacrait à la nuit plus sombre encore des classes riches et bourgeoises deux romans tragiques. On sent que la forme du théâtre domine, à cette époque, sa pensée artistique. La mort d'Ivan Iliitch et La sonate à Kreutzer sont toutes deux de vrais drames intérieurs, resserrés, concentrés ; et dans La sonate c'est le héros du drame qui le raconte lui-même.
        La mort d'Ivan Iliitch (1884-1886) est une des oeuvres russes qui ont le plus remué le public français. Je notai, au début de cette étude, comment j'avais été le témoin du saisissement causé par ces pages à des lecteurs bourgeois de la province française, qui semblaient indifférents à l'art. C'est que l'oeuvre met en scène, avec une vérité troublante, un type de ces hommes moyens, fonctionnaires consciencieux, vides de religion, d'idéal, et presque de pensée, qui s'absorbent dans leurs fonctions, dans leur vie machinale, jusqu'à l'heure de la mort, où ils s'aperçoivent avec effroi qu'ils n'ont pas vécu. Ivan Iliitch est le représentant de cette bourgeoisie européenne de 1880, ui lit Zola, va entendre Sarah Bernhardt, et, sans avoir aucune foi, n'est même pas irréligieuse : car elle ne se donne la peine ni de croire ni de  ne pas croire, - elle n'y pense jamais." Et nous avons ajouté en marge "Les autres non plus" ; oui, mais nous avons besoin d'exemples relatifs précis : nos générations ne ressemblent pas du tout, malgré tout, à ces gens de cette époque-là.
        Un peu, mais pas tout à fait. Poursuivons :
        "Par la violence du réquisitoire, tour à tour âpre et presque bouffon, contre le monde et surtout contre le mariage, La mort d'Ivan Iliitch ouvre une série d'oeuvres nouvelles ; elle annonce les peintures plus farouches encore de La sonate à Kreutzer et de Résurrection. Vide lamentable et risible de cette vie (comme il y en a des milliers, des milliers), avec ses ambitions grotesques, ses pauvres satisfactions d'amour-propre, qui ne font guère plaisir, - "toujours plus que passer la soirée en tête-à-tête avec sa femme", - les déboires de carrière, les passe-droits qui aigrissent, le vrai bonheur : le whist. Et cette vie ridicule est perdue pour une cause plus ridicule encore, en tombant d'une échelle, un jour qu'Ivan a voulu accrocher un rideau à la fenêtre du salon. Mensonge de la vie. Mensonge de la maladie. Mensonge du médecin bien portant, qui  ne pense qu'à lui-même."