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  • Croisière gastronomique

        J'aurais horreur des croisières, et plus encore gastronomiques. Il est pourtant bien sympathique, l'artiste en cuisine Michel Roth, à la tête de 10 Meilleurs Ouvriers de France, sur le Lyrial. Navigation de Venise à Dubrovnlk et retour, du 25 au 30 août 2016. Tout cela figure sur le carton publicitaire du Point n°2247. C'est un homme jeune, disons la quarantaine (quelle époque..), dûment toqué de blanc (le haut du bonnet dépassant le cadre), brun, le front forcément surbaissé, la face large, caucasienne et avenante, le sourire endenté, le regard direct et franc. C'est ainsi qu'un chef cuisinier doit se présenter, avenant, compétent, accessible, et c'est ainsi qu'il se présente : un cordon bleu, mais aussi blanc et rouge, se tresse élégamment sur le blanc de son tablier de professionnel haut de gamme.
        Ce collier tricolore se retrouve au sommet du rectangle de présentation, sur la ganse de la toque plissée. Notre palais ne sera pas déçu : la Croisière Gastronomique en est à sa "3e EDITION", avec la même équipe de maîtres-queux. Le Lyrial naviguera de façon "époustouflante" "au sein des Bouches de Kotor", alias Cattaro ; mais pour attirer une clientèle aisée ("A PARTIR DE 3 290€ / pers."), donc amatrice de stabilité et de tradition, rien ne vaut, juste à côté du cuistot-chef, blanc sur fond gris perle, une vue de gondoles pontées bleu ciel et dont les trois proues (feri de prova en vénitien) se dressent, blanches et parallèles, sur le côté gauche de cette vignette.
        

    Pélerin de Saint-Jacques.JPG

    Le cadrage "face-épaules" ici laisse place à une vue générale de 28mm sur 20, qui réussit à étager six plans parallèles : en premier les proues, donc, puis les pontages, les poupes surélevées d'où officie le gondolier (nous en apercevons trois de plus en perspective). Ensuite, entre elles, un bras de lagune bleu clair, un autre appontement peut-être, bordé de piliers d'estacades (les détails s'amenuisent, mais nous distinguons, à l'arrière-plan, diverses constructions en hauteur, clochers ou campaniles). Cela forme donc un quadrillage, aux verticales et horizontales judicieusement équilibrées, de façon à ne pas encager le regard. Comment résister à ce programme enchanteur, de nos pupilles à nos papilles...

  • Le don du corps

    Lieux communs
        Mon père, athée convaincu, voulait faire don de son corps à la science. Il y renonça, ar tout de même, la procédure est un peu rude : une camionnette réfrigérée vient vous enlever, la faculté vous place en glacière jusqu'au jour où dans un amphithéâtre, sans autre forme de procès, vous faites l'objet d'une dissection  partielle (par des étudiants) ou totale avant de finir, comme un vulgaire déchet que vous êtes, en four crématoire, en compagnie des bras et jambes résultant d'amputations. Ce qu'il ne savait pas, mon pauvre instituteur de père, c'est qu'il fallait payer pour cette faveur, et pas qu'un peu : privilège de classe ! En général, ce ne sont plus que des clochards plus ou moins anonymes que l'on dissèque.

    L'arbre tordu au milieu.JPG


        Il existe d'autre part de nombreux fac-simile parfaitement démontables pour les étudiants. Mais rien ne vaut la dissection elle-même, dès la deuxième ou troisième année de médecine.  

    Recherches
        Ce don est estimé nécessaire à la recherche médicale (connaissance tridimensionnelle de l'anatomie, essais de nouveaux modèles de prothèses). 2500 à 3000 personnes par an font en moyenne cette démarche en France, soit 0,5% de tous les décès. (62 10 22)

    Voici la façon de procéder.

          Il faut pour cela s'adresser à la faculté de médecine la plus proche (il existe 28 centres de dons) qui recueillera votre précieuse dépouille dans les 48h suivant votre décès, car c'est bien vous qui disparaîtrez, petit à petit, sous le scalpel, parfois jusqu'au dernier os. Les étudiants travaillent le plus souvent sur des corps embaumés, tandis que les praticiens s'exercent sur des corps récents ou, si l'on peut dire, "décongelés". Une tenue et des propos décents doivent être respectés, malgré la tension que cela peut entraîner.
        S'il reste, à la suite de nombreuses expériences, quelque chose du défunt, il est impossible de le présenter aux familles. On procède alors à une incinération, ou inhumation, aux frais de ladite faculté de médecine. Les corps ne sont donc jamais rendus aux familles, sauf, rarement, sous forme d'urne remplie de cendres, plusieurs mois après, parfois un an.  Ajoutez à cela qu'il n'y a pas de cérémonie mortuaire du tout. Parfois, juste une minute de silence avant les Travaux Pratiques. C'est très dur. "On fait don de son corps à Dieu, pas à la science" disait même un prêtre.
        Avertissez donc vos familles longtemps à l'avance, pour éviter les conflits. Des lieux de recueillement existent, en particulier au Père-Lachaise et à Thiais, en banlieue. Les familles déplorent cette rareté. Mais elles n'ont aucun pouvoir, en particulier d'opposition : le don est affaire purement personnelle, et diffère totalement du don d'organes : la transplantation guérit en urgence, mais le don du corps oeuvre sur le long terme, pour e progrès de la médecine et de la chirurgie.  

        S'il existe un problème médico-légal (mort par accident de voiture, procédure criminelle par exemple), l'autopsie se fera dans ce cadre, excluant de ce fait le don du corps à des fins pédagogiques.

        Les dons de personnes mineures seraient interdits : étonnant, si l'on considère non pas la douleur des familles, mais le but pédagogique. Certains corps d'enfants atteints de maladies rares pourraient se révéler très riches en renseignements.

     Parfois vous seront facturés des frais de transport ou d'inscription, de 600 à 1000€, car chaque établissement possède ses propres règlements : donner son corps, ce n'est pas s'en débarrasser...
    A vous de décider. Vous pourrez toujours vous rétracter en écrivant au centre concerné, en déchirant votre carte de donateur, que vous devez  sinon porter sur vous en permanence.

  • Le surréalisme

    Rue de la Liberté à Talence.JPG

    BERNARD BENSERADE COLLIGNON
        Jamais on ne vit plus laide couverture. Télérama s'est toujours surpassé : on s'imagine à chaque fois que rien de plus laid ne pourra survenir. Faux. Cette fois-ci, la mesure est comble : un grand rectangle blanc, sommé de la mention « Télarama hors série », sur une feuille de papier grossièrement découpée, avec bandeau rouge indiquent une provenance d'emballage postal.  « 7,30 € » (c'est hors de prix, c'est moyennant de telles dépenses de prestige culturel que nous nous ruinons peu à peu et consciencieusement). Une pléthore d'indications écrites, « Sous le signe du rêve », toujours découpé, maintenu sur je ne sais par deux pinces à lettres rouges, au-dessus d'un débris mou de forme vaguement insulaire évoquant ces mystérieux plafond inflammable en  polyuréthène.     Regard méprisant et hagard d'André Breton affublé d'une paire de lèvres rougealèvrisées surdimensionnées, transformant le Pape en vieille pute surdentée. Barrant plus bas sur deux lignes inégales toute la couverture, l'inscription « LA REVOLUTION SURREALISTE », soit vingt-trois lettres découpées sous forme de fanions pendouillants, doublés de leurs ombres grises ; chaque lettre, irrégulièrement espacée des précèdentes ou suivantes, évoque le caractère subversif (« éminemment », cela va de soi) de la lettre anonyme composée d'éléments découpés. Fichée par une épingle à tête noire, ou rouge, ou blanche, ou bleue ; drapeau français ? non, car une épingle verte (quelle transgression !) met en relief le « A » occupant la place centrale de « SURREALISTE » -  simple effet de symétrie ; insistatif, puéril, surjoué.
        Sans oublier le label « France Culture », 7 euros trente (j'y tiens). Maintenant quelques objets, bien disparates. En haut à gauche, près de la première pince à linge rouge, un avant-bras bistre de poupée en celluloïd. On sait que leur dépeçage fut un grand thème du surréalisme, jusque chez Jean-Christophe Averty, excité du cheveu sur langue. Doigts courts, comme coupés du bout,  collés, impropres à la préhension. Une reproduction de monstre à-demi fœtal. A droite, aussi  tronqué, le boitier d'une montre (monstre) à chiffres romains, austère, en argent, comme en portait, au bout d'une chaîne, mon chef de gare de grand-père. Je vois très bien l'extrémité de la grande aiguille, ajourée comme une fibule terranovienne, le remontoir d'argent cranté, la chaîne repliée comme un serpent chronologique, le bord de page.
        Poursuivons par un entortillement de fil de fer blanc, autour du découpage, en  tout petit, d'un poisson rapporté sur une assiette. N'est pas Max Ernst qui veut, laborieux enfantillage. D'ailleurs, un dé en bois figure entre le panneau de « France Culture »et le code-barre, qui ne fait pas partie du décor et jure. Enfin nous nous en voudrions de ne pas mentionner, plombant l'angle inférieur droit de sa tonne de références, l'œil nécessairement « cacodylate », bleu à pupille noire, couleur purée de poireau énucléé, avec ces veinules harmonieusement disposées, maintenu par les doigts en bois d'un de ces modèles articulés servant aux peintres pour ébaucher leurs silhouettes humaines. Le tout nageant dans le papier glacé blanc cru, désordonné et douloureux, et nul voyant ceci n'achètera un magazine si mal foutu, sauce France Culture ou Télérama...

  • Rigardises obsessionnelles

    Mais pourquoi, cher collègue et néanmoins professeur de français, ne pas avoir mentionné que, tout de même, la discussion portait sur l'existence de Dieu ? C'était peut-être un point secondaire ? Sganarelle en habit de médecin, c'est-à-dire à l'époque de Molière, de charlatan, défendant l'existence de Dieu, c'était assimiler le prêtre au charlatan, n'est-ce rien que cela ? Don Juan riant de la sottise de son valet et attirant la sympathie du public en professant son athéisme, n'était-ce pas bien plus énorme et plus significatif que otutes les révoltes de valet du monde ?
        Si j'ai trouvé cette lacune chez quatre candidats qui me récitaient éperdument leur cours, ce n'est pas une coïncidence, mais les effets pervers de directives inspectoriales complètement stupides, qui visent à transformer l'explication française en exercice formel - les candidats mentionnaient gravement comme un fait de la plus haute importance que le valet vouvoyait le maître, tandis que le maître utilisait, je cite "la deuxième personne du singulier", qu'en ai-je à foutre, cher prof ? Dieu, vous dis-je, Dieu, Molière et sa folle audace, et non pas la grammaire.
        Et la conclusion était invariablement "Il faudra attendre le valet Dubois dans "les Fausses Confidences" de Marivaux pour qu'un valet se permette d'égaler et de dépasser son maître, alors qu'il eût fallu conclure sur de la métaphysique !
        Que dire aussi de ces explications sur Baudelaire,
    Mon enfant, ma soeur,

    Motos.JPG


    Songe à la douceur
    D'aller là-bas vivre ensemble...
    Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
    Luxe, calme et volupté


    BERNARD COLLIGNON  "LUMIERES, LUMIERES"     
    MICHEL OHL     "LA MER DANS POE"                    43 07 10     



    ne comportant pas la moindre, je dis pas la moindre allusion à la musique, à l'envoûtement baudelairien ? pas même au fait que ce texte est en vers, et quels vers !  des explications où l'on se contente de me dire que le refrain "résume ce qui précède" !  Quel con ce Baudelaire, de répéter trois fois la même chose ! Gâteux, sans doute.
         Gâteux aussi le prof qui faisant étudier en classe "Nuit rhénane" d'Apollinaire, où il est question de filles, d'or et de Rhin, n'a pas été foutu de mentionner le nom de Wagner à ses élèves ? Est-ce si difficile de faire un cours après s'être cultivé un peu, au-delà de la place du complément d'objet ?
        Ho ! collègues ! écoutez ma voix : quel est le but d'un prof de français : est-ce de disséquer savamment son petit texte en jargon universitaire de mes couilles, ou est-ce de donner à la jeunesse qui ne l'a plus le goût de la belle littérature,  et même le goût de lire ? Fût-ce Michel Ohl, car même s'il ne brigue foutre pas l'honneur de se retrouver au programme du bac, n'en est pas moins un excellent technicien plein d'âme à ras bord ? Moi je vous demande seulement de lire. Pour "La mer dans Poe", mettons que j'étais pisse-froid ce jour-là. Ca se lit par petites gorgées, vous verrez, ce n'est pas si nul, c'est même excellent, mais voilà, hein, bon.
         C'est intellectuel. Et ce n'est pas pour ça que je ne l'ai pas aimé. Parce que moi, j'aime les intellectuels. Sauf s'ils se cantonnent aux jeux de mots et à la scolastique étroite. Allez, ça leur passera. Ils ont le bagage pour ça. Et ceux qui disent du mal des intellos, bande de cons, je les mets à quatre pattes sur mon bureau, je leur écarte les cuisses, je me bouche le nez, et je... MUSIQUE

  • Nos disparus

    DISPARUS
    Banalités


        "Nos chers disparus..." Combien de fois ne fûmes-nous pas aussi hérissés par cet euphémisme, incluant aussi bien la vieille tante hargneuse que le dernier nourrisson noyé sous les larmes. "Ô mon père et ma mère, ô mes chers disparus" déclamait Pasteur l'imposteur, sincère fils pourtant. Mais il existe deux cas bien réels de disparition : celle du trou dans la destinée, avec organisation minutieuse. Plus de carte bleue, plus de dépôt bancaire, plus rien. Les majeurs ainsi disparaissent, en fugue du monde entier. 10 000  chaque année en France. Ce peut-être dû à une perte d'emploi, que l'on n'ose pas annoncer  ; à un dépit amoureux...
        A une diminution (ou une augmentation...) de la lucidité chez les personnes âgées. La police ne les recherche plus, le service public ayant été supprimé (encore un) ; bonne affaire pour les détectives privés !
        
    La croisière s'emmerde.JPG    Le deuxième cas concerne les disparitions de mineurs (et de majeurs jusqu'à 25 ans). Souvent les choses restent en l'état, l'enfant assassiné avant ou après viol voit sa chambre religieusement inchangée. Les avis de recherche se concentrent sur internet, s'affichent dans tous les commissariats. Il s'agit souvent de fugues. Plus rarement de meurtres. Des numéros d'urgence permettent d'informer la famille au moindre indice. Téléphoner pour rire (?) est d'une barbarie sévèrement punie.
        Ces disparitions se concentrent en région parisienne, dans la vallée de la Garonne ou dans le Sud-Est. Plus de 5 000 en 2014, nombre incroyable ; la plupart du temps, ce sont en effet des fugues : des jeunes filles par exemple, de 14 à 17 ans, souvent en compagnie d'un homme plus âgé. En France le numéro 116000 présente une qualité d'écoute et de soutien exceptionnelle mais à l'heure de la géolocalisation, il est pour le moins étonnant qu'il n'existe pas de numéro unique international, valable pour la planète entière.     
        L'Alerte Enlèvement",  depuis février 2006, donne elle aussi en Europe des résultats remarquables. Mais il demeure plus de mille disparitions "inquiétantes" par an. C'est particulièrement le cas pour les moins de 13 ans, présentant un handicap, soumis à un traitement médical strict, ou lorsque l'enfant a été vu, pour la dernière fois, avec un tiers, connu ou pis encore inconnu.

     Quant aux criminels, ils séquestrent, ou bien, s'ils tuent, cela se passe relativement vite. Combien d'autres ensevelis dans des caches introuvables, à moins que le corps n'ait été dissout dans l'acide, à la mafieuse, ce qui permet d'infliger au chef de la bande rivale une douleur plus grande encore que la mort. Le cas le plus fréquent est celui d'un des deux parents qui refuse de représenter l'enfant à son conjoint, voire l'enlève ; plusieurs années durant, ou définitivement. Dans le téléfilm en deux parties "Disparus", c'est la baby-sitter qui a enlevé l'enfant ; le même titre est aussi celui d'un livre anglais consacré aux victimes des camps de concentration ou d'extermination.
        Tout autre est en effet le cas des disparus, militaires ou civils,  de guerre. Pour les soldats, combien de cercueils vides ou garnis de divers débris plus ou moins identifiés. Combien de soldats inconnus. Pour 14-18, 300 000  soldats n'ont jamais été retrouvés. Les noms étaient inscrits au crayon sur des croix de bois ! Beaucoup sont encore sur place, à suposer qu'elle aient résisté aux  explosions...
        .
        Beaucoup de disparus résultent de catastrophes naturelles. Les disparus en mer ont droit à leur stèle, à leur tombeau même, à leur cercueil vide. On jette à ces derniers des fleurs, à même les vagues, on s'illusionne sur un corps dont la réapparition, même sous forme de fragment(s), permettrait un certain apaisement. Les disparus sous avalanches, ou lors de tremblements de terre ou autres catastrophes naturelles, ne peuvent être que morts : il est sans exemple qu'un individu ait profité de telles circonstances pour se dérober volontairement à son existence monotone...

        Le corps même est d'ailleurs, dans une certaine mesure, l'image morte de la disparition. "Ce n'est plus lui, ce n'est plus elle" Que cette enveloppe disparaisse au plus vite, sous terre ou dans les flammes. Un vieil incroyant m'a dit "Prochainement, je disparaîtrai". Ni Dieu ni Diable. "Mais où est-il, monsieur le curé ? où ?" Que pouvait bien répondre cet estimable prêtre...  Nous sommes tous de futurs disparus.
        D'un point e vue légal, tout absent ou disparu est réputé décédé, sa succession est ouverte. Le mot "disparu" concerne principalement celui dont le décès est certain mais dont le corps n'a pu être retrouvé. C'est le juge des tutelles qui doit constater cette absence (il faut non seulement que la personne se soit absentée, mais aussi qu'elle n'ait pas donné de nouvelles) ou cette disparition (dix ans pour une présomption, vingt pour une déclaration) ; si l'absent (ou éventuellement le disparu) reparaît, et que le conjoint se soit remarié (au moins dix ans de délai), l'ancien mariage demeure dissous, tout  délit de bigamie est exclus.
        Bien des cas de remariages prématurés sont inscrits dans les annales, tel celui du faux Martin Guerre, apparu en 1556 (l'autre avait abandonné sa famille en 1548), et pendu devant son prétendu domicile, après trois ans d'imposture.