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Textes publiés - Page 3

  • Poussière persistante

    1844. Celui qui combat trop longtemps contre le dragon devient dragon lui-même.

    Friedrich NIETZSCHE

     

    1845. Tu n'as d'audace que dans la tête, le moindre bout de honte te fait fuir comme un épouvantail à corbeaux.

     

    CI-DESSOUS LES LUMIERES MAGIQUES D'AJACCIO

    sagesse,maldonne,désespérer

    Michel DARD

    Juan Maldonne - 3è partie Présages ch. XII L'appartement d'une amie

     

    1846. Le nazisme, ce n'est pas du passé. Il couve, comme un feu sournois. Il suffit d'en tisonner quelques cendres...

    Francis MAYOR

    Un film fasciné par le nazisme (Portier de nuit de Liliana Cavani - Rubrique “Cinéma” du Télérama n° 1264 du 6 au 12 – 04 – 1974

     

    1847. (v. 1682) Il faut neuf mois pour faire un homme, et un seul jour pour le tuer.

    André MALRAUX

    La Condition humaine

     

     

     

    1848. Il est difficile d'être un homme. Mais pas plus en approfondissant sa communion qu'en cultivant sa différence.

    André MALRAUX

    Le Temps du mépris

     

    1849. L'action, même celle de construire un pont, brise des bonheurs.

    Antoine de SAINT-EXUPERY

    Vol de nuit

     

    1850. La grandeur d'un métier est, avant tout, d'unir des hommes.

    id. Terre des hommes

     

    1851. Lassitude. La vie est un champ de bataille où les rêves qui tombent sont relevés par d'autres rêves, jusqu'à la nuit finale qui couche ensemble tous les rêves.

    Michel DARD

    Juan Maldonne

    4è partie La connaissance de l'amour

    ch. III Retour de la prison – Une lettre à Marie

     

    1852. La prière est possible sans que l'on ait quelqu'un à prier.

    id. ibid.

     

    1853. Si l'on fait peur à l'homme, l'Autre en efet, celui que tu appelles l'Ennemi, devient le maître.

    id. ibid. ch. IX A l'aube chez Bradès - “Croyez-vous au démon ?” - Les jumeaux

     

    1854. Le temps vient où il faudra que l'homme soit rudement orgueilleux pour ne pas désespérer.

    id. ibid. ch. XIV – L'ouragan – Un rôdeur mystérieux

  • Plus tard, dans le siècle

    29 avril 2022

     

    Je ne parle bien que de moi. Arielle portraiture à l'atelier une jeune femme. Je reste seul pour garder Giulia. Tout y passerait, du coq à l'âne, en une interminable récapitulation. Un document paraît-il. Qui n'intéresserait personne. Renoncer à écrire est si dur ! C'est là que se situe la dignité. Les pages s'allongeraient à l'infini. Comme un long chemin creux défoncé par les tracteurs. Je sentis alors une bouffée pince-cœur de mes amours de 18 ans. Je voulais combler mes étapes. C'était mon noviciat. Maggy s'asseyait volontiers sous un arbre, « pour rêver à son ombre ». Nous nos promenions loin de tous, de prairie en fourré, et toujours chastement.

    Même je me souviens qu'elle refusait de desserrer les dents pour nous embrasser. Ma langue butait contre ses incisives. Je n'ai jamais rien osé de plus que la serrer tout habillée dans l'herbe contre moi. C'est elle, et non mon père seulement, que je cherche dans les odeurs d'herbe foulée, dans les brindilles que je tourne entre mes dents. Les promenades avec mon père datent de plus loin. Et ce frémissement de la résurrection que j'ai senti dans le chemin, c'éait Maggy qui me l'avait donné, le souvenir de Maggy, et non celui de mon père. Tout cela n'intéresse que moi. Qui peut le dire. Qui relit ces interminables confessions enfouies dans les commodes de famille. Combien de vies de femmes, en particulier.

    Je suis une femme. Ou bien, une quinquagénaire. « Tu parles comme à 50 ans » Qui a bien pu me donner cette âme défleurie… Qui m'a placé dans l'âme cette plainte perpétuelle,Cet apitoiement sans relâche. Sans avoir pu connaître Henri Miller ni Charon. J'ai serré la main de Béjart sur les marches du Grand Théâtre de Bordeaux. Nous avons frôlé le grand monde Arielle et moi. Nous avions 22 ans. Puis les névroses ont exigé leur tribut. Celle d'Arielle, et la mienne. Ainsi donc cette femme, ce modèle est venue. Elle s'est poliment penchée sur le petit lit où reposait dans la pénombre l'ombre de Sonia. Je suis seul à présent dans le foutoir intitulé « salon », parmi le feutrement intermittent des voitures, et du frottement de mes chaussettes sur le radiateur éteint.

    garde,Giulia,été

    Ariel est descendue chercher le transistor : le tourne-disque a grillé. Vie délibérément choisie, médiocre choisie. Médiocre universel, œuvre géniale. Le parfum terne que chacun souhaite. Humains enfouis, humains à plaindre. Somnolents, bâillant. Si je tenais le marteau-piqueur, je n'écrirais pas. Qu'est-ce qu'un « personnage » ? est-ce que je me ressens ? Niveau gratte-peau. Pleurez, doux alcyons, pleurez – à mon commandement : ouin-in-in-in – j'entends là-haut des airs d'opéra, un chien à quelques rues… Je ne m'appartiens pas – le passé m'appartient. Ce n'est pas moi, empaqueté. Ma mémoire. Je suis responsable. Moment délicieux. Vérifier la fermeture de la porte – pas d'idées nouvelles. En plein été je porte un pull léger.

     

  • Le ravi de la crèche

    "D'où tu parles, toi ?" Cette injonction stupide de 1968, permettant de disqualifier d'emblée le fils de patron ou d'encenser non moins d'emblée le Noir ou la Femme, quoi que l'une ou l'autre puissent dire, m'avait toujours semblé d'une agressivité sectaire. Emmanuel Carrère la trouve très légitime : il est bon de connaitre celui qui parle, sans pour autant tirer de conclusions hâtives. Emmanuel Carrère ne va donc pas jusqu'à blâmer ou louanger tel ou tel sous prétexte qu'il a telles ou telles origines sociales et culturelles. Et pourtant, nous l'avons fait : l'auteur du Royaume, paru en 14 aux éditions P.O.L., est le fils de Mme Carrère d'Encausse, de l'Académie Française, qui a prédit que l'URSS s'effondrerait à l'exception des pays Baltes, et qui s'est trompée bien des fois dans ses prédictions.

    En tant que fils, Emmanuel n'a pu connaître aucune difficulté à faire publier son livre. Son livre est donc nécessairement mauvais, entaché d'une sorte de péché originel. Grief inepte évidemment. Second : "la monotonie la plus grande, celle de la véhémence affectée..." Ce grief provient de Mme de Staël, fille du ministre Necker, voir plus haut. Donc, je joue "fille de" contre "fils de". Seconde ineptie. "Je ne veux pas me faire lobotomiser" : note en marge. Et d'autres notes, tout au long de ce long livre (600 pages et plus) où le lecteur rétif râle contre la croyance chrétienne. L'itinéraire de l'auteur consiste en une foi ardente jusqu'à plus de vingt ans, puis en une désaffection, puis en un retour sur soi : "Comment se fait-il que j'aie perdu la foi, est-il possible de la retrouver, examinons les textes." Il étale donc sous les yeux du lecteur récalcitrant son itinéraire personnel, allant jusqu'à nous décrire ses délires pornographico-vidéastes ce qui m'a bien plu - mais "hors sujet". A présent, je reprends les procédés de l'auteur, j'étale mes tripes, mais comme ce sont les miennes, j'estime cela très bien et très honnête.

    Il faudrait savoir. Une seconde lecture au moins partielle, plus calme, rejette les phrases rageuses figurant dans les marges, et découvre, ou feint de découvrir, une écriture moderne, scrupuleuse, documentée, imaginative dans les endroits où les sources deviennent floues ou elliptiques, mais sans exagérer non plus la reconstitution. Le ton est personnel, pressant, convaincu, perplexe, rien n'est caché des hésitations de l'auteur, les sources sont mentionnées sans notes exaspérantes en bas de page : Emmanuel Carrère est un excellent pédagogue, retarde ses conclusions, emboite un sujet dans un autre, retombe sur ses pieds, nous entraîne avec patience et passion sur le chemin cahoteux de sa découverte, de ce qu'il faut bien appeler son itinéraire spirituel.

    carrère,croyance,PaulAlors les griefs s'effacent, les notes du lecteur paraissent sans objet, car il a résisté de toutes ses forces à la grâce de l'écrivain pour ne pas retomber dans le christianisme niais du ravi de la crèche. L'auteur est énervant, il s'extasie sur des légendes, un peu comme si nous voulions retrouver "en vrai" les femmes sautées par Jupiter ou l'emplacement exact de l'Enfer de Dante. Emmanuel, lui, y a cru, croit encore au caractère historique de toute cette histoire évangélique, propose de voir en Jésus, comme Renan, non pas bien sur le fils de Dieu, mais un homme exceptionnel qui aurait vraiment existé, aurait vraiment prêché, miracles mis à part.

    Carrère ne croit plus, mais il a remplacé la foi par l'enthousiasme, l'admiration bêlante et virile en face de tant de lumières : il cherche sincèrement qui était le véritable Donald, qui était le véritable Mickey. Il s'extasie sur les conneries de Pluto, Dingo et Rantanplan. Alors forcément, ça agace. C'est qu'il ne redemande qu'à y croire, ce con. Mais il faut lui reconnaitre toutefois un vrai talent de persuasion et de reconstitution. Il compare sans cesse les faits de cette époque avec ceux de maintenant, rapproche l'extension de la culture latine de celle des Américains, compare les cercles de chrétiens aux clubs de yoga ou de relaxation jusque dans les petites villes : on s'exerce à la méditation sans pour autant croire aux dieux tibétains ni faire tourner les moulins de prières.

    Comme tous les convaincus, il relate les légendes, comme celle de Saül devenu Paul après une illumination sur le chemin de Damas, ou celle du Christ ressuscité ("comment cela s'est-il pu faire, et avons-nous des preuves"), ce qui est agaçant. Accordons-lui le bénéfice de la bonne foi, et parlons du Juif Paul, qui exista réellement, ainsi que son disciple Timothée, et dame Lydie, qu'il rencontra en Thrace, car les premières communautés chrétiennes se composaient presque seulement de femmes :

    "Une ville comme Philippes est peuplée pour moitié de Macédoniens de souche, pour moitié de colons romains. Sans doute y a-t-il peu de Juifs, car il n'y a pas de synagogue. Il existe en revanche un petit groupe qui se réunit hors les murs, au bord d'une rivière, pour célébrer informellement le sabbat. Ses membres ne sont pas juifs, ils n'ont qu'une idée très vague de la Torah. Je me les représente comme ces amateurs de yoga ou de taï-chi qui, dans une petite ville où il n'y a pas de professeur, s'arrangent pour pratiquer quand même, avec un livre, des vidéos, ou sous l'autorité du seul qui, parmi eux, a suivi ailleurs quelques cours ou participé à un stage." Précisons que la ville de Philippes se situait entre l'actuelle Bulgarie et la mer Egée au sud. Les derniers républicains romains y avaient été vaincus en 42 avant J.C. "Ce genre de groupe, en général, est majoritairement féminin et, si hétérodoxe que ce soit s'agissant d'une religion où le service ne peut être célébré qu'en présence d'au moins dix hommes, c'est le cas de celui de Philippes : Luc, dans son récit, ne mentionne que des femmes. Il est possible qu'il les connaisse déjà, qu'il ait déjà participé à leurs réunions et qu'il sache ce qu'il fait en leur amenant ses trois nouveaux amis".

  • Vanitas vanitatum

    52 08 18

    Il faut reprendre l'avion. Surtout après en avoir vu un avec toute sa cargaison de viande. Mais le ciel a changé : c'est vers St-Petersbourg que nous prenons notre envol. Dans le salon de conférence se pressent de nombreux touristes : des employés très stylés, en tenue Transaero, nous abreuvent d'indications, sur la vitesse, le fuselage, la météo. Mais sans le vouloir j'envoie du pied une grosse bouteille d'eau minérale rouler jusqu'à eux. « Laissez ! astaïvtié ! Le stewart la replace sur la moquette. Nous apprenons que l'avion partira le lendemain. Notre hôtel se trouve dans le VIIe  près la Tour-Maubourg. Et c'est dans cette chambre à 140€ que mon épouse choisit de tomber malade, paniquée par l'accident des Antillais vol 708 West Caribbean 160 d'un coup. J'aurais tant aimé voir St-Pétersbourg. Arielle se tord sur le lit, je gueule « Paris VIIe ! Paris VII! » Existe-t-il des hommes qui ont peur de l'avion ? oui, même des footballeurs. Arbre déjeté dga.JPG

     

    52 08 22

    À St-Pett nous louons en ville une petite datcha de jardin collectif. Un plombier polonais nous bloque les deux toilettes à la fois. Il étale en pleine table de salon tout son matériel, pinces à emboiture, pînce à glissement, toute la panoplie. Il est jeune, peut-être étudiant. La communication se fait en mauvais allemand. Son assistant surgit tout de go et nous réclame de la vodka « deVarsovie », woudka Warszawa - je comprends bien, mais où le propriétaire a-t-il planqué la bouteille ? 64 02 03 J'occupe sa maison, il me la confie, oubliant l'essentiel : sa cave. Ressortons. Observons autour de nous. Le voisin ne possède plus qu'un champ labouré à la place de son gazon. Des hommes sont venus la nuit, pou rtout retourner, tout saccager. Devant notre porte de cour, un triangle d'herbe foulée aux pieds, aux pneus de tracteur, commence à se creuser comme un sexe, dans un vacarme de trépan. Nous n 'avons plus d'espace à nous, et cet abruti réclame de la vodka. Dans la rue, derrière le chantier, défile un cortège de femmes. Elles chantent L'hymne à la joie : Freude schöner Götterfunken… L'une d'elle me désigne pour la suite, « fille de l'Élysée », mais les syllabes sortant de ma bouche me semblent n'avoir plus qu'un lointain rapport avec la langue de Schiller - Mēs ieejam uguns imbibed du letton ! du letton ! ,
    Debesu, tava svētnīca ! C'est Arielle cette fois, juste contre mon ventre, qui entonne un cantique catholique en me labourant le dos de ses ongles, sous la bénédiction d'un prêtre polonais qui s'est introduit à travers le chantier puis la porte ouverte : To jest rewolucja, brat! Mon frère ! Il est au bout de son français.

    Il ne s'aperçoit pas qu'elle a transformé les pieuses paroles en obscénités discordantes, mais le pressent dans les étincelles soudain profanes de ses yeux. Je l'entends grommeler ne nous énervons pas, les paroles deviennent ceci, à mon adresse : “C'est fou ce que je retiens comme sentiments agressifs.” Les murs qui nous contiennent ont pris des teintes grises de badigeon ecclésiastique. Et sous les vacarmes, un petit filet s'écoule, comme il arrive aux bruits minuscules : notre chat d'intérieur, que nous avions amenés avec nous, pisse n'importe où, car je m'en souviens bien à présent, j'ai oublié de lui racheter sa bonne litière absorbante.

  • Dernières lignes

    J'ai voulu que ma vie s'arrête. Un torrent désormais nous sépare.

    Sentier dans les Landes dga.JPG

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    Tu me demandes, amie, ce que je veux. Car je t'ai touchée en mon dernier courrier. Ce que je voudrais ne m'est venu que par lente capillarité, par lente remontée : je ne veux que te voir, te contempler, te baiser et souffrir. Nul ne déclencherait le moindre mouvement, tu serais en mon cœur, sans plus, parfois dans ma couche, puis nous nous en irions, chacun de notre part, souffrant de séparer, attendant la prochaine ramentaison, sans autre issue que cette souffrance et cette frénésie de réconfort et de serrage mutuel. C'est cette souffrance voluptueuse et sans autre projet que l'éternité que je voudrais te proposer ; t'offrir comme si rien d'autre n'existait que de délicieusement souffrir de manque et de présence ? Je ne veux que souffrir et jouir avec toi, dans l'éternité immobile. Tu es ce que l'on voit après la mort. Juge après cela s'il te convient de m'approcher encore, dans la fascination à jamais sans issue. Ce n'est pas que je ne t'aime pas : c'est que je ne vis plus. Je t'aime . Le monde n'existe pas. Le monde n'est que toi. Cela ne fait pas ton affaire. Éoigne-toi de moi et vis. Je garde l'Histoire Espérance.

    XXX 64 09 01 XXX