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Vanitas vanitatum

52 08 18

Il faut reprendre l'avion. Surtout après en avoir vu un avec toute sa cargaison de viande. Mais le ciel a changé : c'est vers St-Petersbourg que nous prenons notre envol. Dans le salon de conférence se pressent de nombreux touristes : des employés très stylés, en tenue Transaero, nous abreuvent d'indications, sur la vitesse, le fuselage, la météo. Mais sans le vouloir j'envoie du pied une grosse bouteille d'eau minérale rouler jusqu'à eux. « Laissez ! astaïvtié ! Le stewart la replace sur la moquette. Nous apprenons que l'avion partira le lendemain. Notre hôtel se trouve dans le VIIe  près la Tour-Maubourg. Et c'est dans cette chambre à 140€ que mon épouse choisit de tomber malade, paniquée par l'accident des Antillais vol 708 West Caribbean 160 d'un coup. J'aurais tant aimé voir St-Pétersbourg. Arielle se tord sur le lit, je gueule « Paris VIIe ! Paris VII! » Existe-t-il des hommes qui ont peur de l'avion ? oui, même des footballeurs. Arbre déjeté dga.JPG

 

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À St-Pett nous louons en ville une petite datcha de jardin collectif. Un plombier polonais nous bloque les deux toilettes à la fois. Il étale en pleine table de salon tout son matériel, pinces à emboiture, pînce à glissement, toute la panoplie. Il est jeune, peut-être étudiant. La communication se fait en mauvais allemand. Son assistant surgit tout de go et nous réclame de la vodka « deVarsovie », woudka Warszawa - je comprends bien, mais où le propriétaire a-t-il planqué la bouteille ? 64 02 03 J'occupe sa maison, il me la confie, oubliant l'essentiel : sa cave. Ressortons. Observons autour de nous. Le voisin ne possède plus qu'un champ labouré à la place de son gazon. Des hommes sont venus la nuit, pou rtout retourner, tout saccager. Devant notre porte de cour, un triangle d'herbe foulée aux pieds, aux pneus de tracteur, commence à se creuser comme un sexe, dans un vacarme de trépan. Nous n 'avons plus d'espace à nous, et cet abruti réclame de la vodka. Dans la rue, derrière le chantier, défile un cortège de femmes. Elles chantent L'hymne à la joie : Freude schöner Götterfunken… L'une d'elle me désigne pour la suite, « fille de l'Élysée », mais les syllabes sortant de ma bouche me semblent n'avoir plus qu'un lointain rapport avec la langue de Schiller - Mēs ieejam uguns imbibed du letton ! du letton ! ,
Debesu, tava svētnīca ! C'est Arielle cette fois, juste contre mon ventre, qui entonne un cantique catholique en me labourant le dos de ses ongles, sous la bénédiction d'un prêtre polonais qui s'est introduit à travers le chantier puis la porte ouverte : To jest rewolucja, brat! Mon frère ! Il est au bout de son français.

Il ne s'aperçoit pas qu'elle a transformé les pieuses paroles en obscénités discordantes, mais le pressent dans les étincelles soudain profanes de ses yeux. Je l'entends grommeler ne nous énervons pas, les paroles deviennent ceci, à mon adresse : “C'est fou ce que je retiens comme sentiments agressifs.” Les murs qui nous contiennent ont pris des teintes grises de badigeon ecclésiastique. Et sous les vacarmes, un petit filet s'écoule, comme il arrive aux bruits minuscules : notre chat d'intérieur, que nous avions amenés avec nous, pisse n'importe où, car je m'en souviens bien à présent, j'ai oublié de lui racheter sa bonne litière absorbante.

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