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Le Singe Vert - Page 4

  • St-Sernin de Toulouse, cong

     

    Toulouse n'est pas tout à fait illuminée : juste la Cathédrale St-Sernin, « avec effet de lune derrière le Clocher » me précise-t-on, avec majuscule à « clocher ». Sacrée Toulouse... C'est niais. La cathédrale manque de grandeur, je vais me faire assassiner. Il s'agit d'une carte-postale dans le goût années 80, avec effets de lumière partout, et traînées de feux de voiture par exposition prolongée. Le genre de truc qui correspond à mon goût de chiotte, de « chromo ». La cathédrale marque huit heures moins vingt. Elle est bistre et ocre, avec sa façade ultra-irrégulière. Le porche au tympan lisse, la rosace décalée par la perspective, sous uen autre ogive, et surtout ce toit incliné farfelu comme un béret sur l'oreille, qui tangente presque la retombée droite de l'ogive.

    Et un beffroi de brique se demandant ce qu'il fout là, des mâchicoulis sous l'horloge ronde (« 8 h moins 20 »), l'ombre portée d'un contrefort sur la façade, et à gauche, en retrait et en étagements, les contreforts de la nef s'enfonçant dans l'obscurité comme un défilé de fuyards. Au-dessus, un ciel artificiel de gaz moutarde, du vert, du bleu, du malsain, de la profondeur sous-marine, stade du glauque. A droite, un obélisque lumineux, des jets d'eau qui montent l'arroser, cela va du translucide au bistre, avec des barres plus sombres pour découper le tout. Plus haut vers la droite, dans une obscurité pour une fois naturelle, ce qui émouvrait le plus le cas échéant, ces deux fenêtres jumelles comme des yeux, derrière lesquelles un archevêque écoute la télévision.

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    Tout de guingois, un porche illuminé surmonté d'un drapeau français pendouillant. La mairie. Au sol, parcouru de la double traînée des voitures dans l'un et l'autre sens, du brun où pas un ne circule, j'entends à pied, un panneau « parking » blanc sur fond bleu à peine distinct, une atmosphère de printemps chaud. En été, à cette heure-ci, il ferait encore jour. C'est accueillant, cela manque d'unité, c'est la province, étrange, villageoise, secrète, énigmatique : que fait ce bâtiment médiéval au sein de cet espace contemporain, ces petits véhicules dans l'ombre... Et l'opérateur qui a éprouvé le besoin de trafiquer absolument tout, à moins que ce ne soit l'éclairagiste de Toulouse lui-même, pour complaire au mauvais goût du touriste.

    Après l'impression d'ensemble, je reviens sur les détails, espérant être interrompu par mon horaire, qui Dieu merci m'empêche de m'attarder sur quoi que ce soit. Le porche, donc. Une double porte de part et d'autre d'une pilier dont j'ai oublié le nom technique. On distingue les cinq ais verticaux, ce sont des planches, bande de cons. Le jeu d'ombres fait croire que les portes en questions, jumelles, sont entrebaîllées, mas pas d'office nocturne ce soir-là. Au-dessus, le tympan est parfaitement vide, pur comme un front de pucelle, aplani ma parole au badigeon, serti de trois voûssures superposées, la troisième se surmontant d'un gâble bien pointu, aux excroissances statuaires et végétales.

    Tout cela jaune doré. Le porche et ses trois voûssures s'encadre dans un rectangle plus haut que large, à l'appareillage régulier, cerné de deux pylônes terminés en pointe, sommé d'une espèce d'architrave percée de trous-trous. La rosace est ronde comme uen rosace, iln'y a rien à en dire, l'éclairage lui est défavorable, ces choses-là sont faites pour être contemplées de l'intérieur, le verre vu de dehors donnant 'limpression d'un envers d'aile de papillon ou de tain de glace. Un porchounet à gauche, un porchounet à droite. Sous celui de gauche, un grand qui descend, plat comme un emplacement de placards municipaux, un autre au niveau du sol avec un oculus, et le panneau de parking plutôt bien dissimulé : on n'y pense plus.

    L'ensemble de la rosace et des porches qui le flanquent, trois superposés à gauche, un à droite, s'encadre à son tour de deux verticales. A droite, c'est uen cheminée droite avec alternance de pierres claires, une longue, une courte, comme un angle de maison ordinaire. A gauche, même disposition éminemment banale et laïque. Et de l'un à l'autre de ces piliers incongrus, l'envolée d'une arche mi-romane mi-gothique, dont la voûte se prolonge directement, à droite, dans le pilier, tandis qu'à gauche l'on a eu visiblement besoin d'un raccord, d'un vaste emplâtrement permettant tant bien que mal le passage d'un arrondi à une verticale.

    Tout cela sent fortement le rafistolage d'éléments disparates au cours des siècles, et je vais me faire empaler par les Toulousains, qui aiment leur St-Sernin, si original, si pied-de-nez au classique, si typique du Languedoc d'ici...

     

  • Horloge, loupe, téléphone

    description,bureau,heureTout ce que j'écris sous la rubrique « Ce que je vois » est dédié à Xavier de Maistre, qui m'a enchanté de son Voyage autour de ma chambre, où ma frilosité m'a depuis longtemps consigné. Il ne s'agit que de décrire ces objets que j'ai sur mon bureau, sans pouvoir tricher : le fond d'écran reste masqué. L'écran lui-même a fait l'objet d'une évocation, avec ses « barres d'état » garnies de mystérieux hiéroglyphes : disquette, disquette et crayon, symbole inanalysable… Ici l'horloge de bureau, carré de quinze centimètres, une loupe offerte par une amie bien intentionnée, un téléphone dressé sur son socle comme un moa pascuan. L'horloge, de marque AKAI (« c'est écrit dessus », en blanc sur un rectangle rouge), se présente comme un carré de 15cm de côté, acier poli pur alliage, obtenu par Dieu sait quelles manipulations chimiques, merde d'agneau ou atmosphère de Vénus.

    La bande inférieure porte « AKAI », qui en japonais signifie « rouge ». La bande supérieure affiche une immaculation savamment rayée. Au milieu règne un rectangle noir, aux largeurs plus épaisses, au montants plus minces. En abîme encore (l' « y » n'est pas obligatoire ») un écran gris perlé foncé, où clignotent des symboles noirs plus ou moins énigmatique ; les deux points entre « 8 » et « 11 » indiquent des secondes un tant soit peu rapides. Les chiffres sont formés de cristaux en bâtonnets trapézoïdo-parallélogrammatiques, si j'ose ainsi m'exprimer. Sont indiqués dans deux structures en pistolets, emboîtés tête-bêche, le week day ou « jour de la semaine » (les Japonais supposent l'Occident tout entier anglophone), avec, à la verticale, les trois premières lettres de chacun de ces jours en anglais : MUN, TUE,WED, THU, FRI, SAT, et SUN en lettres rouges, akai moji de (l'informatick est magick) : toute la semaine s'illumine du dimanche à venir.

    C'est le THUR(SDAY, en noir, qui est encadré. Or nous sommes, précisément, le SUN(DAY), et je me garderais bien de rectifier, car la manipulation des changements nécessité un bon paquet de nerfs solides ; tant que les usagers meublent leur cerveau de manœuvres absconses, ils ne risquent pas de se perdre dans la sensibilité. En dessous, dans l'autre pistolet, COMFORT LEVEL. Si la température est satisfaisante, une émoticône paraît, bouche horizontale ou souriante ; si le petit bonhomme joufflu n'apparaît pas, c'est que mon COMFORT LEVEL est insuffisant : la temperatcheure, en effet, n'est que de 16.4 en Celsius (ce qui respecte ma civilisation latine : 61,7 en Fahrenheit). L'hioumidit'è atteint 50 %, les prévisions du temps annoncent des nuages avec éclaircies, et le temperature trend est, tout simplement, le temperature trend.

  • Les trois veaux d'Hercule

    Que d'onde a coulé sous les ponts… Édipe est mort et enterré, ses filles vont vers leur destin, Sénèque (est-ce lui) compose d'autres drames, dont l'atroce Thyeste, qui bouffa ses enfants sous forme de grillade, et les ensevelit dans son propre ventre : il ne le savait pas, ses enfants non plus. C'est son frère, son propre frère Atrée, qui lui a fourni ce festin, sans le moindre remords, et l'un des jeunes gens ainsi dévorés s'appelait Tantale, du nom de son grand-père aux Enfers… Le cœur lui remonte à la bouche, il maudit le ciel, la terre, son frère, mais pas Zeus, qui doit tonner partout, et punir ce qui ne peut être suffisamment puni. Tout est brutal, se termine d'un coup, dépasse à peine les onze cent vers. Les vers n'auront pas dévoré les morts : ils ont pour tombeau leur père Thyeste, vivant et hurlant.

    Je crois que je vomirais. Nous croyons que nous vomirions, hors d'haleine, faisant tout pour crever. De chair humaine tu ne mangeras pas. De tes propres enfants ne te nourriras pas. C'est la seule fois que l'on a traité ce sujet-là, le plus horrible. Hercule sur l'Œta en revanche fut une imitation des Trachiniennes de Sophocle, et serait, aux dires des sieurs Hermann et Vessereau, non pas de premier ordre, mais « intéressante ». Pauvres choux. Le récit de la mort d'Hercule semble à ces illustres collaborateurs « trop long », mais le dénouement très ample leur a bien plu. Mais quelle œuvre dites-moi, selon vous, serait « intéressante », comme ça, d'emblée ? Tout l'Antique à ce compte suinte d'ennui.

    Nous devons l'aborder avec lenteur et respect, reconstituer tous leurs attraits pour la contemplation de ces gens-là, qui étaient nos ancêtres, mouraient vite et vivaient contemplants. À l'aube de ce nouveau drame connu de tous, Hercule pase en revue ses exploits. Il ne faut rien attendre en narratif de toutes ces histoires du début : elles représentaient toutes la même chose, et c'est le même verbe qu'on emploie pour un tableau ou pour une œuvre théâtrale. Chaque tableau représente un homme, par exemple ; dira-t-on qu'un autre peintre fait preuve de monotonie sous prétexte qu'il en a représenté un autre ? Nous sommes devenu esclaves du narratif : c'est au point que les éditeurs estiment nécessaire de faire figurer une liste des personnages, entre chevrons couchés, comme s'il s'agissait d'un oubli des Antiques.

    Pis encore dit la chèvre, les voici qui découpent la pièce en scènes, avec liste des assistants, toujours entre chevrons couchés : c'est délibérément confondre Sénèque et Beaumarchais, qui numérote ses scènes l'une après l'autre, même s'il ne s'y trouve qu'un personnage seul, pour une ou deux syllabes à dire. HERCULE donc assure devant Zeus que même sa belle-mère Alcmène a reconnu l'ascendance divine de ce fils colossal : teque… meum / patrem. Pour les ignares c'est-à-dire tous sauf moi précisons que ladite maman, Alcmène, s'est unie à son mari, et à

    Zeus, engendrant des jumeaux : Iphiklès, fils de son époux, et celui du dieu, Héraklès dit Hercule. « Pourquoi alors temporiser et tergiverser ? » Hercule désire l'immortalité, se faire promouvoir Divinité. Il a payé. Il a prouvé, par ses travaux tant de fois énumérés dans la littérature antique, sa valeur surnaturelle. Peut-être, imagine-t-il, son arrivée dans l'Olympe sèmerait-elle la panique parmi les dieux ? Mais il n'est pas violent, il le jure ! Il sera le parfait sage stoïcien ! Il fera bonne figure ! Il ne pèsera pas trop sur l'épaule du géant Atlas ! L'ignare que je suis vérifie ce qui s'est passé : oui, c'est bien Hercule qui a remplacé Atlas pour soulever la terre ; pendant ce temps, le bon géant cueillait les pommes d'or des Hespérides, qui sont des oranges.

    antiquité,exploits,empoisonnementPuis Hercule est reparti avec les pommes d'or, laissant Atlas reporter le ciel sur son épaule. La terre et le ciel, le monde, en somme. Il pourrait lui en vouloir, le géant, qui a donné son nom à la vertèbre porte-crâne. Il pourrait dire : « Quoi ! Il faudrait encore que je portasse et supportasse le poids de ce flemmard, qui m'a laissé choper les fruits, et m'a refilé le globe à reporter ? » Impossible : Atlas, « celui qui porte », est un Titan vaincu. Son châtiment éternel est de soulever le monde entier. Il n'a qu'à la fermer, et à tenir ferme. « Pourquoi la voûte étoilée m'est-elle refusée par toi ? » Car les desseins du géniteur sont impénétrables. Et puis, quoi de mieux que la longueur du propos pour amplifier une plainte ?

    Une tragédie ? Tous ces acteurs et autres chanteurs d'opéras sont bien bavards. Celui-ci mourra très, très longuement, très éloquemment. Un tableau, pas une histoire. « La mort, du moins, m'a rendu à toi » : mais il n'est pas encore mort. Il n'a pas pu mourir. Il a tué tous ses adversaires. À chaque fois, c'est l'ennemi que la mort a pris. C'est donc la mort qui n'a pas voulu d'Hercule, et qui le rend à Zeus-Jupiter : « Je te le rends. Fais-le donc immortel, car il ne peut pas mourir ». Et en avant, harche ! hagne donc ! Remettez-nous les travaux, les exploits d'Hercule ! Car, outre les douze travaux, Héraklès n'a pas chômé ! La liste des monstres était longue, c'est lui aui en a débarrassé les humains ! « j'ai triomphé de tous les fléaux qu'avaient engendrés la terre, la mer, l'air, les enfers » - autant dire les quatre éléments : « Nul lion ne rôde plus à travers les villes d'Arcadie », et je crois bien qu'il n'y en a jamais eu dans le Péloponnèse…

  • Des rêves

    52 09 01

     

    Dans cette longue période d'abondance, Arielle et moi nous trouvions dans une salle d'examen, comme nous en avons tant subis. La vie à cet égard n'est qu'une soumission à un perpétuel saute-moutons. Il faut, très archaïquement, disserter sur un Empereur, époque ou nation sans précision, qui se défendrait des complots de son entourage. Auguste et Cinna, Bonaparte et tel général oublié : tous les récits d'histoire nous montre une lutte pour le plus fort, la viande, le fric et les femmes, ô faiblesse. Même les étrangers sont du complot. Les Girondins faisaient appel à l'Angleterre : le saviez-vous ? Non. Le peuple, vous et moi, ne savons rien. Prenons donc un empereur au règne court, afin d'avoir très peu de notes à compulser.

    Le règne de Tout-Ankh-Amon n'est-il pas le sujet rêvé ? Ou de Louis XVII, proclamé à Marseille, avec tentative d'enlèvement ? Ou le duc de Reichstadt – la matière ne manque pas. Les talents d'écriture non plus. Et stylos de courir sur les feuilles. Et dans la salle, un appariteur déclare, d'un coup, à haute voix, qu'une pause déjeuner est prévue. « Il y a de la viande ! » proclame-t-il. Tous alors de se précipiter en cuisine, car il existe une cuisine tout à côté, d'où s'échappent de succulents effluves, poil au pédiluve. Mais nous deux, Notre Couple, ne bougeons pas. Juste un voisin se lève pour dérober, dans une petite soucoupe, une tranche de viande froide abandonnée, dont le propriétaire s'est absenté pour en prendre, là-bas, de la meilleure. « J'en profite », dit-il en riant.

    C'est un grand blond très germanique, bien, bâti, le front haut,

    Pourquoi ne suis-je pas intervenu pour avertir une candidate qui s'escrimait sur un thème grec, avec des dictionnaires de grec, alors qu'il s'agissait d'une épreuve de thème latin ? Pourquoi l'appariteur et moi, qui nous apercevions de cette désastreuse étourderie, avons-nous préféré quatre heures durant et sans sourciller, que cette jeune femme perde ainsi toute une année d'efforts désespérés ? Je voudrais tant être parfait, avoir été parfait.

     

    52 09 05

    Puis, nous sortions de ce traquenard, et j'étais seul, Arielle tantôt se montrant, tantôt se dérobant de notre vie, et mon but, pour me rafraîchir de tant d'Empereurs, était de couper à travers ville, par le parc botanique, où certains arbres procurent un peu de feuillage. Et si, de plus, je pouvais éviter le plus de monde possible afin de bien jouir de mon repos, de sentir la marée redescendre, je n'en aurais été que mieux. Hélas, je ne suis qu'un morveux. Des envies me traversent, un filet de pisse demande à sortir, j'avise une plate-bande de mâches, déjà bien aplaties, que je m'empresse de piétiner pour mieux les compisser : le jardinier sera bien sot, s'il ne les lave pas avant de les servir. Les enfants pissent avec délices en leur sommeil. Moi c'était les mâches, en avant mâche, et je pisse. Sur mes pieds, sur mes doigts, tandis que par le haut, dominant la pente légère, une jeune femme de ma connaissance, venant sans doute de rendre une copie de grec ancien, remplit au robinet de gros vases d'arrosage, que l'on appelle, communément, « arrosoirs ». Deux robinets de laiton, made in Latvia,, deux arrosoirs. Lorsqu'elle nous a interpellés, avons-nous refermé nos braguettes, ou nous sommes-nous acharnés à pisser ainsi publiquement ? « Les vases, les arrosoirs, nous dit-elle, sont laissés sales par leurs utilisateurs précédents – je ne dis pas cela pour vous, s'empresse-t-elle.

    Aussi ne le prenions-nous pas. Je dis « nous », parce que des connasses nous reprochent notre « narcissisme ». Les arrosoirs s'emplissent dans un bruit sourd et ample. Une sonnerie grêle trahit un portable, qu'elle porte, justement, à son oreille joliment ourlée. Elle s'allonge sur l'herbe détrempée – je n'ai tout de même pas pissé jusque là ? Les amphores n'ont pas débordé que je sache ? Mais il ne s'agit pas d'eau, car c'est ça, l'eau : il s'agit bel et bien de feu. « Alice ! Alice ! Vous êtes de service ! Un feu vient de prendre, n'oubliez pas votre volontariat ! » Que ne ferait-on pas pour 7 euros 61 de l'heure… Elle se dresse et s'enfuit, moi aussi, le dernier sirti ferme les robinets.

    Donc nous ne verrons pas ce fameux incendie. Nous n'en serons pas même spectateurs, crainte sans doute de passer pour incendiaire. Au mieux, la vie fut un spectacle, et mieux encore, une imagination. Rien de plus fatigant que l'imaginaire. Et ce que j'avais vu, ou imaginé, je le transmettais, participant à la fraternité. Qui a vécu le plus ? Ô Shakespeare, ô Hamlet à deux balles !

    52 09 06

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    ...Trouverons-nous plus de repos dans une ville étrangère ? Qui suis-je, et qui fuis-je 

  • La fille de Panama

    "Au bout de ce voyage, il y aurait la fortune. Le sentiment du devoir de réussite et une fierté nouvelle lui firent dire :

    «  - Après Panama, nous voyagerons toujours en première classe.

    «  Il y avait tant de certitude dans sa voix que Lisa et Michèle ne doutèrent plus de leur heureuse destinée. Dès cet instant, elles mirent en œuvre les moyens qui les rendraient victorieuses. »

    Mais la vie sépare ceux qui s'aiment / Tout doucement, sans faire de bruit.

    Souvenons-nous des deux copains de classe qui se retrouvent vingt ans après Place des Grands Hommes : « Oh moi ça va, j'ai une femme, trois enfants, deux maîtresses, un château, quatre appartements aux States et un yacht à Biarritz, et toi ? - Moi ? Je t'emmerde. » Pour l'instant, tout va bien. Une ligne est sautée dans la page.

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    « Le miracle s'était produit. Charles avait cessé de boire dès que Michèle lui avait remis son billet. Il s'était senti soudain responsable de la petite équipe qui s'apprêtait à conquérir l'Amérique centrale et ce fut lui qui donna l'idée d'acheter à bas prix des marchandises fabriquées à Marseille pour les revendre au plus cher à Colón. Mais cette initiative avait été fort mal acceptée par Lisa et Louise, malgré les arguments de Michèle. Alors, pour prouver sa bonne foi, Charles avait vendu la totalité de ses costumes, sa collection de statuettes en biscuit de Saxe et plus de deux cents bouteilles de vins fameux afin d'investir de l'argent au nom de ces trois associées en jupons. Il avait encore ses entrées dans certains milieux, car bon nombre de patrons, de commerçants et de courtiers ne connaissaient pas sa nouvelle situation de déchu. » Balzac, Zola, Charlie Chaplin (L'émigrant, court-métrage, 1917).

    Poursuivons : « Toutes les portes n'étaient pas fermées et il savait négocier au rabais.

    «  Ce jour-là, Charles voulut se prouver qu'il était redevenu ce bon garçon qui faisait la fierté du quartier où il était né. Il se rendit à l'église de Saint-Barnabé. » Va-t-il redevenir puceau ? tout arrive en Amérique, même centrale. Pour l'instant, personne n'est embarqué. « Il y avait été baptisé, il y avait reçu la communion, baisé la bague de l'évêque » (celle du haut) « et promis d'être un bon chrétien. En pénétrant dans la nef, il revit des images fortes ; il revit le cercueil de sa mère adorée sous la croisée des pierres noircies par la fumée des cierges ; il revit ses sœurs pleurer et il se reconnut, lui, jurant tout bas qu'il ne croyait plus à rien. Il se remémora ce triste jour où il avait pris le mauvais chemin. »

    Et je ne suis même pas sûr du second degré. Vous lirez, sans mes commentaires ce qui vaudra mieux, La fille de Panamá, qui fait partie d'une série plus longue, par Jean-Michel Thibaux, et vous vous laisserez entraîner par cette histoire bien connue mais toujours renouvelée. Chez « Presses de la Cité ». Hasta luego, muchachos .