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  • Par ma porte ouverte

    Pas d'images, disparues dans les entrailles insondables des fausses manœuvres...

    L'EXTERIEUR PAR MA PORTE OUVERTE

     

     

    Ce carnet me fut offert par mon épouse Anne-Marie le jour de notre 48e anniversaire de mariage. Nous nous sommes toujours efforcés de vivre comme des personnages célèbres, conduits par nos caractères à la plus douloureuse obscurité. Cet étrennage du carnet a pour cause une grande lassitude de décrire incessamment mon propre bureau et ce qu'il y a dessus, téléphone, clavier ou écran. Actuellement, je siège au bout d'une table de jardin, par temps frais et supportable, tandis qu'Arielle garnit le cul d'un petit cageot cylindrique de graines de tournesol. Elle ne vit que par les mésanges qui s'en nourrissent, mais ceci est une hyperbole. On entend aussi des corneilles, de légers bourdonnements, et les pas lents de la Nourricière d'oiseaux.

    Cette table allongée, ronde à ses angles, est recouverte d'une nappe de plastique jaune sale, aux motifs végétaux (bouquets mauves, poignées d'épis ligaturés. Des feuilles mortes la souillent ou l'ornent, parfois balayées par des jets d'eau que je proclame "nettoyages". Sur le côté droit s'accotent trois chaises, inclinées de façon que la pluie ou toute autre humidité puissent s'écouler sans condamner le cul à des bains de siège. En face, un dossier blanc, un autre qui le surmonte incliné comme les autres sur toute la longueur de la table. De moi à l'autre bout, nous voyons : un premier lot formé de ce carnet, dont je suis les lignes stimulé par ce retour à l'écolier ; à gauche les notices ou emplois du temps, tapés à la machine. 

  • Les repères

    . 51

    Djanem. Ses différents âges. Me nettoie l'âme. Arielle feint de me croire. "Il restera toujours entre nous l'essentiel" - Te-Anaa pompant laidement - "tu n'as pas l'envergure" disait Fedora.

     

    1. 52

    Est-ce que par hasard les femmes souffriraient du sexe ? Les écrits de Lazarus. La consultation de Djanem : "Il te fera payer ceci, cela" – Môssieur Lazare découve les charmes du truisme... "Il faut s'en donner les moyens..."

     

     

     

    1. 53

    Livré à mon désesepoir énergique.

    Les poèmes de Djanem démolis par Lazarus. Elle écrit comme à 16 ans, comme le père Martin grave à 23. Mon serment sur la tombe d'Antoine Thounens.

    Je ne veux pas être son ami. Son rire au téléphone, de bonheur devant mon malaise

    "Même à l'intérieur de moi, tu as peur des femmes." Lazare : "Qu'est-ce que le moi?" - le moi sait mieux que quiconque ce qu'il perdrait si son masque venait à tomber.

     

    1. 54 :

    Je ne veux plus te revoir qu'à l'hôtel. Coulons dans le mensonge. Jamais une nuit ensemble. Ejaculation précoce et plateau-pic.

    Il n'y a pas d'un côté les cons qui font le ménage et les intello qui pensent. Le ménage est l'estime de soi ? pas pour moi. Le respect de l'autre n'est que le masque de l'inertie,

     

    1. 55

    la peur le masque de la flemme, la flemme le masque du manque de confiance et d'acceptation de soi : de quoi est-ce que je me punis ?

    Avoir confiance en soi au point que les autres vous prennent pour guide, sans avoir eu à les écraser.

    Lettre de reconnaissance à Djanem, "il y a eu avant toi et après toi".

     

    1. 55

    Paresse est le masque du manque de soi. C'était ma femme qui ronflait. Jene la quiterai jamais. Merci pour tes bienfaits, je t'écrirai toujours en m'imaginant avec toi. Dépouiller le vieil homme. Je vis à présent en coulisses.

     

    1. 56

    L'apparence est tout. Mais tout ce jeu antérieur m'épuise. Les oripeaux dans la maison du fond ("je l'aurais parié"). Les vêtements et revêtements qui me couvrent.

    On ne dirait pas ma vie. J'ai sur les mains des taches indélébile de bonheur. Peut-être nous faut-il des statues à aimer.

    Pardonne le mal que je t"ai fait. Que le style en soit incisif. Qu'il t'étrangle comme un essai.

     

    1. 57

    Jusqu'à toi Djanem, je prenais les femmes pour des entités froides ; encore est-il toujours possible d'apitoyer par sa position de victime. Depuis Djanem, qui m'a instruit à ses dépens, il me faut impérativement revoir tous les films, relire tous les livres : la femme sent, désire, possède des faiblesses, sans dessein esclavagiste.

     

    Mieux vaudrait pour elle vivre seule. La femme a entre les jambes de quoi toujours retomber sur ses pieds, le filet absolu.

     

    1. 58 :

    Les attentats ui nous racornissent.

    Lettres enamourées entre rivales (Dosto). Le pavillon sur la vignette immobilière.

    Toujours maintenir l'obstacle Nils pour ne pas déboucher sur le réel.

     

     

    1. 59

    Je suis le maître des mots.

    Jusqu'à la fin nous danserons sur les motifs de notre pas de deux. Ceux qui ont fait de l'Analyse et ceux qui n'en ont point fait. Ses fortifications de sable. L'entraîner à marcher dans mes brumes*.

     

    1. 60 :

    Ma femme ressemble à un Baldung Grien. Les confidences à Cyzique, atteinte de lymphogranulomatose. Elle a promis de se taire !Djanem, je la tiens désormais. Faudrait-il donc désormais compter avec la bêtise ?

     

    1. 61 :

    Lazarus n'a jamais été en telle indécision. Il prétendait être avec moi alors que je rentrais de voyage. Les règlements de comptes professionnels de Djanem. Son refus de l'analyse. Je m'enivre à plein pot de choses ordinaires.

     

     

    Son obstination à gommer tout rapprochement de nos cas respectifs, ou manipulation. Cette page est terne comme de l'Alexakis.

     

    1. 62 :

    Je cabossais tous ces arguments. "Je le déboîterai". Elle reste avec lui pour éviter les scènes. D'après Lazare, Cyzique s'est fabriqué sa sclérose... La liaison Lazare-Djanem remontait à dix années. Encore une page bien terne.

     

    1. 63 :

    Le parcours du combattant pour baiser. L'art de se faire une maladie. Cyzique a bien connu le couple de Djanem. Paya, Pomport : tous ceux qui m'ont trompé. "J'ai peur. Je suis des millions".

     

    1. 64 :

    Le mec du neveu de Djanem lui demande de ne pas parler aux Arabes. Le Normand m'a trouvé sournois loirs de ma visite. Elle n'a pas voulu que je le revoie pour qu'il ne m'accapare pas. Les réticences de Sylvie Martin. Le blog citoyen de Lazarus et ses astuces. La fausse rivalité partisane sur le Blog Citoyen.

     

    1. 65 - 2 :

    Le mari dans la cuisine, puis invité à une leçon. Il découvre notre liaison et gémit, dépérit. En lui comme en moi l'Adam Kadmon.

     

    1. 66 -3 :

    L'espionnage à l'ordinateur. Ce couple se parle de lui-même. Nils dépérit. Le cinéma, avec Azéma. La fille Hernandez. On "va aux fraises" à Mussidan.

  • Citations sur divers sujets

    Georges BATAILLE

    1. L'enfance vit dans la foi. Mais si “l'enfant grandit, dépasse les parents de la tête, et regarde par-dessus leur épaule”, il lui est loisible de voir que “derrière eux, il n'y a rien”.

    La littérature et le mal – Baudelaire – L'homme ne peut s'aimer jusqu'au bout s'il ne se condamne – Citant Jean-Paul Sartre Baudelaire Gallimard Ed. 1946 page 60.

     

    1. Aussi gênant soit-il, Hitler ne modifie en rien mon opinion sur les Allemands.

    Depuis ma plus tendre enfance, j'ai aimé et estimé ce peuple : si par exemple une affection de toujours me liait à un ami et qu'il devînt syphilitique, serait-ce une raison suffisante pour lui retirer mon amitié ? De tout mon cœur et par tous les moyens, j'essaierais de lui rendre la santé.

    Jean RENOIR

    Présentation de son film La grande ilusion au public américain en 1938

     

    1. Un peu facile pourtant, le métier de moraliste qui se veut en marge de son époque : on ne sait jamais si c'est parce qu'il la domine ou parce qu'il est à côté.

    Dominique PELEGRIN

    Je suis un attardé qui croit au péché originel

    Article consacré à Gustave Thibon dans le Télérama n° 1287 du 11 09 1974

     

    1. Il y a dans Les Fleurs du Mal de quoi justifier l'interprétation de Sartre, selon laquelle Baudelaire fut soucieux de n'être qu'un passé “inaltérable et imperfectible”, et choisit de “considérer sa vie du point de vue de la mort, comme si une fin prématurée l'avait déjà figée.” Il se peut que la plénitude de sa poésie soit liée à l'image immobilisée de bête prise au piège, qu'il a donnée de lui, qui l'obsède et dont il reprend sans fin l'évocation. De la même façon, une nation s'obstine à ne pas manquer à l'idée qu'elle se donne d'elle-même une fois, et, plutôt que d'avoir à la dépasser, admet de disparaître. La création s'arrête, qui reçoit ses limites du passé et, parce qu'elle a le sens de l'insatisfaction, ne peut se détacher et se satisfait d'un état d'immuable insatisfaction. Cette jouissance morose, prolongée d'un échec, cette crainte d'être satisfait changent la liberté en son contraire.

    Georges BATAILLE

    La littérature et le Mal – Baudelaire - “Baudelaire et la statue de l'impossible”

    citant Sartre dans “Baudelaire”

     

    COLLIGNON « HARDT » VANDEKEEN

    CITATIONS VII 10

     

     

     

    Octobre 1974

     

    1. - De même que tous les hommes ont la même force extérieure, de même (et avec la même variété infinie) ils sont tous semblables par le Génie Poétique.

    Georges BATAILLE

    La littérature et le Mal - « Baudelaire » - « Baudelaire et la statue de l'impossible » citant William BLAKE (« All religions are one »)

  • Adieux à Daniel-Rops

    "Ainsi, elle s'enfonçait, volontairement, sur une route dont elle aurait pu dire elle-même qu'elle n'avait aucune issue. Le sentiment d'être en danger et déchirée au fond de son être lui donnait une rigueur désespérée. Dans les trop brefs instants où elle pouvait rencontrer Jean, il fallait qu'elle épuisât l'éternité de leur passion, et son visage avait pris un éclat étrange, comme si le feu intérieur transparaissait sous la peau. En six mois, son amour avait atteint à une telle intensité qu'on eût malaisément imaginé qu'il pût monter encore. Le soir même du jou où elle avait rendu visite à l'abbé Pérouze, elle avait rejoint Jean - les jours plus longs étaient peu favorables à laur amour, les tristes jours d'hiver les dissimulaient mieux - encore bouleversée, et elle lui avait dit :

    " - M'aimeras-tu toujours ?" Oui, cela sonne étrangement, un peu roman-photo ; mais les rapports d'homme à femme ne ressemblaient pas du tout à ceux ce maintenant, ils étaient très "roman photo" justement. "Non, tais-toi, ne réponds pas... Ce ne sont pas des mots qui peuvent répondre.

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    ARTISTE, CONTACTE-MOI SANS ME FOUTRE DE PROCES AU CUL. MERCI.

    " Il lui caressa doucement le visage, sans parler.

    " - Pardonne-moi, ajouta-t-elle aussitôt. Je suis folle. Pardonne-moi." Après tout, peut-être que les amoureux disent auttant de conneries de nos jours qu'autrefois. "Je ne te demande rien, Jean, tu sais bien, que la permission de t'aimer.

    " Et elle se blottit contre lui, enfantine, plus calme.

    " Elle ne savait pas ce qu'il pensait. Il la jugeait excessive, mais l'aimait telle. Elle avait raison, cela ne pouvait durer. Mais quoi ? Mathilde ?" Eh oui, la femme légitime, toujours malade, jamais crevée ! "Une ombre passait sur son front et, dans ses yeux, un dur reflet. Cela ne pouvait plus durer, mais cela ne pouvait pas changer non plus. Lui aussi jugeait que la route était barrée, et il ne voulait point penser plus avant.

     

    ¤

     

    Souvent, à l'instant où, renonçant à choisir, l'être s'abandonne au hasard, il semble qu'une force inconnue se substitue à sa volonté et le contraigne. Un incident, qu'elle percevait depuis longtemps, allait livrer Laure au destin qui la menaçait." Tatatah...

    "Un jour de juin, les deux seurs Salperrat parlaient dans un coin du préau avec Mlle Louvetin. Laure, qui s'approchait d'elle à leur insu, entendit un fragment de conversation. - "Elle va tout le temps sur la route des marais, après la gare. Mlle de Vastris, vous savez, qui habite à Très-Bras, m'a dit qu'elle la voyait passer souvent. - Il ne faut pas juger sur les simples apparences, répondit Mlle Louvetin. (Tiens, pensa Laure, elle est meilleure que je ne croyais). - Mais je vous dis qu"on la vue, et pas seule..." reprit l'aînée des Salperrat, la vieille fille aux cheveux jaunes. Elle se mit à rire. Les autres lui firent écho.

    - C'est vrai que c'est le gendre du sénateur ?"

    Bref, ragots et caquets. Un roman prenant, suranné, mais si vous y plongez, il vous hantera, et même vous obsèdera. Mort, où est ta victoire ?" de Daniel-Rops. Sans curailleries.

    (compter 33 lignes et ce sera la page 80) (62 08 04)

  • La barbe et les corniauds

    Vous aimez bien votre animal, le plus souvent corniaud pure race -eh merde... - mais de là aux aboiements nocturnes et à l'industrialisation mondaine en quelque sorte de votre existence entière, il y a une marge. Ces objets de luxe bichonnés, tatoués, vaccinés, enrubannés, ne semblent pas, pour un profane, les plus appropriés à communiquer une émotion bien profonde.

    Il faut se détromper : leurs croisements impliquent justement une extrême délicatesse, une grande fragilité physique et affective. Ils ont des affections, voire des dépressions, comme les humains, il faut les aimer individuellement malgré leur multiplication, personnaliser les contacts, surveiller les truffes et les selles, allier les satisfactions vaniteuses et mondaines de propriétaires aux petits soins avec le sens de la bête et de l'affection, aimer son élevage. Et si vous aimez toutes les bêtes de votre élevage, pourquoi n'y adjoindriez-vous pas l'amour de votre mari, qui revient la queue basse mais pas trop après une brève escapade sans même une aventure féminine ? On s'habitue à sa femme, à ses lubies, on s'aperçoit qu'on n'a jamais cessé de l'aimer, que les bêtes n'ont pas été un obstacle à l'amour ni le second terme d'une alternative exclusive.

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    Celui qui fut élevé dans l'admiration d'un père et l'acceptation de ses préceptes jusqu'à l'âge adulte ne peut que finir dans l'adulation d'une épouse et de son jargon, et se couler dans le moule à chienchiens. Ils furent heureux et eurent beaucoup de chiots mâles et femelles (chiot n'a pas de féminin), ils supportèrent les parfums de sueur chiennique, hymne olfactif de leur amour, et voyez-vous, lorsqu'on n'a pas eu la volonté de se créer un destin par soi-même, la sagesse consiste à accepter celui qui vous est tombé sur le paletot. Bienheureux les passifs, surtout chez les riches, et vive les passions insolites. Notre héros est passé d'un moule à l'autre. Il voyagera d'expositions en expositions, parlera croisement, pelage et angles de pattes, mènera une existence oisive et inutile selon les critères du socialisme, et on mettra un chien sur sa tombe. L'ennui de tout cela est que la leçon reste bien mince, les personnages bien schématiques, la réflexion bien superficielle, la niche de lecteurs au sens commercial du terme bien étroite, l'ouvrage éminemment dispensable, le milieu très étroit, très spécialisé, le volume suprêmement intéressant pour les membres animalistes, fort peu pour les profanes, qui préfèreront assurément, pour s'initier, compulser d'abondants ouvrages illustrés. Que nos bourgeois soient pourtant ici remerciés pour avoir ajouté de la beauté au monde, et quelque peu d'humanité parmi les brutes. Le passage qui sera soumis à votre appréciation portera sur les prémisses de l'union conjugale : il n'est question que de noces et reproduction humaines.

    "Au petit jour, Alix m'apprit qu'elle avait un "retard" et qu'il se pourrait bien qu'elle fût enceinte. Ce n'était pas la première fois qu'elle éprouvait ce genre d'alertes intimes. Généralement, elles étaient vite dissipées. Mais là elle evait eu la faiblesse d'en parler à sa mère. Sans doute celle-ci s'était-elle empressée d'en faire état devant mon père lors de leur conciliabule. Et tous deux avaient envisagé cette éventualité comme une bonne raison de hâter le mariage." Tout se passe dans le plus pur cadre bourgeois du seizième, et nous avons ici les indices de cette rage d'élevage qui saisira plus tard cette maman frustrée. "Alix se félicitait d'une circonstance qui, fût-elle fortuite et encore incertaine, avait emporté la décision. Quant à moi, je ne savais ce qui me réjouissait le plus : l'idée du mariage avec Alix ou celle de la naissance de notre premier enfant.

    "Pendant la courte période qui précéda la cérémonie nuptiale, je voyais chaque jour mon père au bureau et il s'amusait de mon impatience. Cela ne nous empêchait pas de déjeuner entre hommes, comme d'habitude, le dimanche, à La Terrine du Chef. Lors de notre dernier repas de célibataires, mon père me transperça d'un regard en vrille et me dit à voix basse :

    - C'est après-demain que tu te maries ! Alors, laisse-moi te donner le conseil d'un vieux briscard des luttes sentimentales. Si tu aimes vraiment ton Alix, il ne faut pas que ce jour-là soit, pour elle, pareil aux autres." La bourgeoisie bat son plein. Et méfiez-vous des femmes : le père a toujours, bien que marié, couru à droite et à gauche, pour enfoncer sa bite. "Elle mérite mieux que le retour banal à la maison, le dodo de la veille, les caresses de la veille, l'homme de la veille... Tu te dois de lui réserver une surprise extraordinaire, énorme, inoubliable ! Si tu as la chance de l'étonner à cette occasion, elle t'en sera reconnaissante jusqu'à la fin de ses jours ! Ce sera son véritable cadeau de noces ! Un cadeau de noces que toi seul peux lui offrir !

    "Comme j'arrondissais les yeux, il se pencha au-dessus de son assiette où refroidissait un classique tournedos béarnaise et proféra en détachant chaque mot :

    " - Tu devrais te couper la barbe !

    Je tressaillis :

    " - Tu ne parles pas sérieusement papa !"

    Du mariage aux expositions de chiens, de la robe de la mariée aux voitures de luxe, c'est ici en effet le roman des apparences, qui tiennent aussi bien lieu de vie n'est-ce pas... puisque la vie n'est qu'une apparence, rajoutons-en un peu, et supprimons donc cette barbouse qui n'est que le feint attribut d'une virilité aux abonnés absents.

    " - Si !

    " - Mais, souviens-toi... C'est toi-même qui m'as conseillé, il y a quelques années...

    " - J'ai changé d'avis. D'ailleurs, les rares fois où je vous ai vus ensemble, j'ai cru remarquer qu'Alix était contrariée, et même agacée, par ton physique de barbu. Au début, ça l'a amusée." Mais quelle lavette, ce fiston ! si au moins l'auteur en avait fait un drame profond! voyez les faibles chez Dostoïevski ! les anxiétés, les larmes qu'ils vous arrachent ! mais tous les Russes ne s'appellent pas Fédor. "Elle a eu l'impression de coucher avec un autre homme, de te tromper avec toi-même. A présent, je l'observe et je suis sûr qu'elle voudrait te retrouver tel que tu étais quand elle t'a connu : résolument imberbe ! A plusieurs reprises, je l'ai entendue faire des réflexions flatteuses sur tel acteur ou tel chanteur aux joues lisses. Elle n'ose pas t'en parler, mais je parie que cette pensée la travaille et qu'il lui arrive d'en discuter, en cachette, avec sa mère ou avec des amies. Du reste, moi aussi, je trouve que tu étais mieux avant : plus jeune, plus vif, plus moderne..... La barbe vieillit toujours les bonshommes. Elle accentue leur côté pesant, patriarcal, ennuyeux..." - eh bien, ils en ont des soucis, dans la haute..