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  • Le rucher de papa

    Le rucher Forteresse d'Ajaccio dga.JPG

    critiques de ma mère

    l' « homme-aux-abeilles »

    petit bois, lié aux « creuttes » d'arrière, les accidents.

    Le pique-nique familial...

    @ Quand j'y repense, tout n'est pas si sombre.

    Je me suis complu à ne me souvenir que du désagréable.

    Explorations de Pasly solitaire, en parlant seul. Les creuttes visibles.

    La pulvériseuse.

    Le monde imaginaire, à lier à mes souvenirs.

    Charabia, - biens, bœufs, boisx [sic] =, etc...

    « Gratter à la binette » les escaliers de Buzancy.

    L'œil-de-bœuf, les élèves en rangs qui s'éloignent. La cour semblait immense.

    ÷ Je me vois toujours gai, pas plus insupportable qu'un autre, très marqué par la promiscuité, simplement.

    Désolidarisation de celui qui s'est cru persécuté

    mais n'oublions pas que mes chocs subis ont été réels.

    Mes souvenirs, à la file, mais creusés, isolés en épisodes finis, sans exagérer, ne pas faire un recueil pour Eurêka...

    Ces sujets m'intéressent, mais il me les faut terminer (lapsus freudien ?) - DO miner.

    Antécédents : Le grand Meaulnes, etc., Pagnol.

    Orgueil : rentrer dans un cadre littéraire commun aux autres.

     

     

    Je ne veux faire l'attendri que les jours où je le serai sinon j'aimerais être aigre et sanglant.

    Comment utiliser tous ces matériaux ?

    THEMES

    Titre global de l'œuvre : « La mécanique compensatoire »

    Thèmes entrevus :

    promenades seul avec le Père (à Tanger, interruption)

    (quelques-unes après le mariage) – Escapades. Mon père m'adorait,

    comme une prolongation de lui. Il pouvait sans honte s'aimer

    en moi.

  • Italie romantique

    Fillette d'albâtre dga.JPG52 06 30

    Imaginons une belle grosse ville du sud de l'Italie, telle qu'on la représente dans les films, grouillante, surpeuplée, bon enfant. Bien populaire. Avec toute la famiglia, ma femme, ma fille, et peut-être bien mes parents. Il va de soi que je n'ai jamais jusqu'ici mis les pieds à Reggio di Calabria, ni à Tarente. Il fait chaud, nous transpirons, car l'hiver au sud de Rome, bien entendu, n'existe pas. Nous errons, errons, petit patapon. Mais comme nous avons atteint les sommets de la civilisation, nous avons trouvé un supermarché, où tout le monde s'engouffre en répétant des courses, des courses, comme des requins affamés. Et moi, « qui suis resté le plus fier », je reste dehors, en plein soleil, pour ne pas me mêler à ces tourbes consommatrices.

    Ah ! si j'étais seul ! J'en ferais, des choses, que ma famille m'empêche de faire ! Ô grands hommes contrariés, Gulliver garottés, combien vous compatissez ! Je serais, sans cette marmaille, en exploration sur les sentiers de Calabre, avec bâton et sac à dos, sous le cagnard, ahanant dans les joies de la découverte ! Je découvrirais d'admirables paysages pelés, buvant de ma gourde à la régalade, au lieu de me morfondre sur un parking de vulgaire Monoprix ! Ceux qui m'accompagnent et m'entravent se soumettent toujours à leur propre indiscipline, aux tyrannies volontaires de la faim, de la soif, du pipi… Même avec ma simple femme, tenez, nous trouverions au fond de ces contrées grillées une allée d'arbres toujours verdoyants, bien irrigués par dessous, et nous zigzaguerions là-dessous, en pleine nuit, les écouteurs sur les oreilles diffusant du Chopin force 6 ! quel romantisme ! que d'amour ! Et nous nous roulerions sur ans l'herbe en rattrapant nos oreillettes. Et nous tomberions sur une troupe de tziganes, bariolés comme dans les contes, et le plus grand d'entre eux, un escogriffe aux bras immenses remplis par les soufflets d'un accordéon, nous ferait sauter les écouteurs des oreilles. Quand il ouvre les bras, l'instrument brame, et quand il les resserre, le tambourin résonne dans son dos et c'est un parapluie automatique et rose qui s'ouvre sur sa tête !

    À quelques détails près, Le Grand Meaulnes. À côté de lui, l'obligatoire obèse avec sa grosse mandoline, qui rote et pète en dansant, et une femme, tout de même, qui se trémousse avec résignation en agitant son cadre à cymbalettes. Mais elle en a marre. Elle porte un collier de mule garni de grelots, c'est tout dire. Le gros mandolineux, en panne de gaz en haut comme en bas trouve plus réjouissant d'assommer l'accordéoniste à coup de caisse en bois. Il tombe tête la première dans une mare qui passait là, exhibant un énorme cul et des cuisses bouffies : un faux maigre ! Visage anguleux, mais cul rebondi ! Ils auraient mieux fait de s'enculer. Tout le monde se marre, s'esclaffe, se boyaute – mais tout sonne faux, nous restons impassibles : ces métèques nous ont gâché notre Chopin.

    Voilà tout ce qui se serait passé si je n'avais pas été obligé de me planter là comme un con sur un parking de Monoprix, italien de surcroît.

  • Le comique lorsqu'il est chiant

    Cette fois-ci ce sera très dur. On m'achète en cadeau de Noël un "Grand livre des histoires drôles", 2012, ce qui laisse supposer une livraison annuelle. C'est de la cruauté mentale : plus de 1400 platitudes, agrémentée de dessins mous et sans plus d'esprit que lesdites blagues. Mes rapports avec ma fille ont mis beaucoup de temps à se détendre, car trop souvent je ne lui présentais qu'un ramassis de propos absurdes plus ou moins rigolos. Alors, elle m'a pris "à la clown". Comme il faut s'y attendre, ce ne sont que des histoires gentilles, de belles-mères et d'animaux, classées par genre, avec un numéro pour ne pas sans arrêt raconter les mêmes.

    Le grand défaut est de manquer de rapidité. Les meilleures blagues sont les plus courtes. Or, la rage des auteurs de toujours présenter des anecdotes dans un style soutenu amène à la rondeur, qui empêche toute brusquerie en émoussant toutes les pointes - déjà, nulle histoire de cul, ni de juifs, ni de Belges, moins encore de pédés juifs belges. Tout juste des grivoiseries pour sixièmes redoublants (seins et fesses, une allusion tout de même à la Grotte de la Squaw). Une histoire drôle, pour moi, ça se raconte à toute vitesse, avec surprise. Il est évident que la célébrissime "Docteur quand je mange de la purée je chie de la purée, quand je mange de la compote je chie de la compote, que faire ? - Eh bien mangez de la merde" doit se raconter à vitesse supersonique, la fin se sentant, si j'ose dire, d'une lieue.

    Le mot merde, d'ailleurs, comme bite, pine, couilles, est résolument proscrit. Le livre peut se mettre entre toutes les mains. Nous savions les comiques réactionnaires, et les enfants aussi, ce livre énorme nous le confirme. Pas d'histoires de macchabées, non plus ; ni de religion, ni de politique. Le rabotage complet. Les femmes sont coquettes et prudes à la fois, les maris obsédés et stupides, c'est donc d'un gnangnan éprouvant; A moins que, à moins que... Reprenant en public certaines de ces blagues à deux balles, je les ai instinctivement allégées, ôtant les commentaires qui foutent tout par terre, parce que tout de même, on a compris, on n'est pas si con en dépit du dicton.

    Et mes auditeurs se fendaient d'un rire au moins poli. Donc, ces textes dits humoristiques sont rattrapables. Il suffit de les raccourcir, de les aiguiser, mais aussi de les mettre en scène, en situation. Les gestes, les mimiques y ajouteront également. Observez en effet les sketches d'une Foresti ou de Muriel Robin : très peu de choses. "Si on supprimait tous les "o" : "B'n'jur, m'sieur l'bucher, je vudrais un gig't"- ou alors, "si toutes nos paroles s'accompagnaient d'un écho - enfin c'est marran-an-ant - c'est rigolo-o-o" - vous voyez qu ela puissance comique est voisine de zéro, niveau cour de maternelle. Mais les intonations de Muriel Robin, ses mimiques à la fois naturelles et outrées, comme perpétuellement indignées, sa promptitude à passer de la vulgarité à la tendresse, en un mot, sa personnalité (pensons aussi à Pierre Palmade) font passer tout cela dans de vastes torrents de rigolade. Imprimez tout cela, de Franck Dubosc à la Roumanoff, et vous obtiendrez des enfilades de clichés particulièrement éculés, qui ne se rattrapent que par la guignolade permanente, épuisante, du bouffon sur ses planches ! Clown, comique, c'est tout un métier. Qui détruit. Le soir de la mort de son fils, ou de sa femme, il faut être sur scène et débiter ses conneries pour le plus grand bonheur du dernier rang ! "Une femme entre dans un magasin de nouveautés : "Oh ! cette robe est affreusement indécente ! Quand je me penche, on voit mes seins et mes fesses ! Je la prends tout de suite !" Excellent canevas.

    Eléments maritimes dga.JPG

    Lu, comme ça, ce n'est qu'insignifiant, voire agaçant.

    Mais feue Sylvie Joly, ou Bigard ! l'auraient transformé en chef-d'oeuvre de mimiques et de minauderies à se rouler par terre ! Le dessin, en face, me plaît davantage : un peintre sur une échelle

    renverse involontairement un gros pot de blanc sur un chat noir venu de la gauche et qui passe sous ladite échelle. Je me marre, parce que j'aime bien la connerie des animaux. Ils sont inquiétants, ces bestiaux. Un chat qui prend son élan et qui se casse la gueule, nous voilà tout en émois zygomatiques : "Ha ha ! tu te crois malin mais finalement tu es aussi con que nous !" Plus finement, un porte-malheur passe sous une échelle et se transforme en porte-bonheur, et nous pourrions fouiller l'analyse, car les renvois ou ricochets ici sont assez riches.

    Si vous expliquez un effet comique, si vous le décortiquez, vous châtrez le rire : c'est automatique.…

  • Aux frontières de la folie

    51 10 06

    Ô voyages ! déplacements, plutôt, tout juste dignes d'un représentant de commerce en ce temps-là, où rien ne me réduisait à mendier ni personne, il m'était facile de gagner à pied l'extérieur d'une ville, de parvenir au bas d'une prairie, de sentir la véritable terre ou l'herbe sous mes pieds. C'était au bas d'une pente et le vent soufflait assez aigrement par les insuffisances d'une haie. Mais, voyez-vous, c'était de l'air, c'était de la liberté. Et à portée de mes papilles, d'énormes tablées occupées de convives, avec des banderoles : ici mangeait je ne sais quel congrès champêtre de gros producteurs de charcuterie fine : saucissons et foies gras de circuler dans les exclamations de satisfaction.

    Mais peut-être les gros de la charcuterie fine sont-ils particulièrement susceptibles : à la suite d'une remarque déplacée, d'un compliment tiède ou perfide, les voici qui se jettent toutes leurs productions à la gueule en grouinant comme des porcs. Alors je reste au bas de ma prairie : juste voir, écouter. Messieurs, leur dirais-je, vous vous trompez de cible. C'est le gouvernement que vous devriez bombarder de vos productions. Je comprends vos hurlements : ils s'adressent aux financiers gouvernementaux qui réduisent à néant vos bénéfices à grands coups de taxes nécessairement "arbitraires". De rage, ils se détruisent tout sur la gueule les uns des autres !

    Effets d'écume dga.JPG

    La scène vire à l'hystérie, les faces prennent des rougeurs de chair à pâtée. Voici un saucisson qui vole vers moi ; j'en vole une grosse bouchée, puis je le renvoie vers la mêlée : s'ils me découvraient, je servirais un peu trop vite d'exutoire ou de bouc émissaire, leurs intelligences étant réduites à néant : 51 10 10 - la vie n'est qu'une errance. Tantôt à pied, tantôt sur un tapis volant. Du nord de Madrid, en pleine campagne, mon ombre avait rejoint Tarbes. Elle avait rejoint une présence invisible nommé Lauronse, père génétique de ma fille. Il était dans sa chambre, sur un matelas à même le sol. Depuis quelques jours je sais que ma fille me lira quand je ne serai plus.

    Il faut pourtant que j'oublie cela, pour ne pas cabotiner. Assis près de Lauronse, que j'ai toujours nommé par son nom de famille, je regardais avec lui un appareil de télévision à nos pieds. Ma foi, il irait plus loin : sous prétexte de reflets sur l'écran, mon hôte se soulève au-dessus de moi pour éteindre la lumière d'ambiance. Le bon moment pour lui rappeler que je suis "hétéro à plus de 100%" - pourcentage très hasardeux... "Ce n'est qu'en rapport avec le passé !" répond-il. Mais il n'y a pas lieu d'en être nostalgique. Il ne s'est rien passé, dans le passé... Il serait pour le moins déstabilisateur vis-à-vis de "notre" fille de nous engager dans un flirt homosexuel à retardement, voire une liaison amoureuse (car nous ne faisons pas les choses à moitié) : deux pères, passe encore, mais qui couchent ensemble...

    Une seule solution : fuir courageusement par la fenêtre (du deuxième étage, tout de même) et regagner le trottoir, à la faveur de rebords de murs ingénieusement disposés ; l'architecte ne pouvait avoir prévu cela - la Providence, vraisemblablement, si. Extérieur nuit, pluie légère, Hautes-Pyrénées. Ensuite ?... que l'opium me l'apprenne...

    Le 13 octobre 2051, il m'a bien fallu fêter mes soixante ans. à présent j'en ai dix de plus. Et je me suis tant de fois égaré en route, même en ces dix dernières années... Arielle mon épouse, dont le nom signifie "loin de Dieu", m'apprend à planer : au bout de mes voyages, subsiste encore et toujours Bordeaux, qui a supplanté ma patrie. Planer, cela signifie ne pas toucher le sol, sans avion, sans parachute ou ULM, sans soutien d'aucune sorte. Et sous nous deux, règne une forêt clairsemée certes, mais parsemée de petits mâts pointus : comme des troncs bien ébranchés, puis passés au taille-crayons. Il faut se concentrer, gérer son souffle, rester confiant : la moindre défaillance nous transpercerait.

    Pour elle aujourd'hui tout est simple : elle se montre pleine de prévenance, régle notre atterrissage en clairière, côte à côte. Alors se redéclenche dans ma bouche une sécheresse que j'avais oubliée, comme si en vérité mes mucosités s'étaient suspendues le temps de l'envol, pour se redéposer en tapisserie sèche sur tout l'intérieur de ma cavité buccale. Une bière légère, ça ne passe pas. Deux bières légères, toujours pas. Telle une pute au-dessus d'un bidet, grattant ses croûtes, il me faut enlever ces mucosités de l'intérieur même de mes joues. Depuis ce lieu où nous atterrîmes, je remonte tout seul un vague sentier en pente, qui me mène dans une clairière, devant un restaurant.

    Il suffit d'entrer. On boit, on mange. "Buffet, libre service". Mon Dieu que les gens sont snobs. J'attendais des bûcherons, du moins une population locale, acueillante, affable. Malgré ma soif et ma faim, tout se bloque dans ma gorge : est-ce qu' "ils" ne sont pas tous à m'observer, à me juger en chuchotant ? Je paye furtivement, ce qui signifie "comme un voleur", je redescends à grans pas vers ma forêt d'atterrissage. Elle n'est pas moins riche de traces et de présence humaine. Ainsi, telle cabane ornementale, où nul par conséquent ne saurait habiter, à moins d'être un de ces nains proprets de bande dessinée : tout est ouvert, je vois un lit, des figurines de guerriers en postures volontairement grotesques - mais par la volonté de qui ? - je reconnais Astérix, Obélix !

    Tout cela m'inspire trois photos, que je n'aurais assurément pas prises là-haut, dans le restaurant-buffet, parmi les vivants. Arielle, que j'avais quittée, se retrouve entre les arbres. Elle s'est moins égarée que moi : en direction opposée, à quelques centaines de mètres, s'étendait la ville de Rodez. Et nous avons rejoint le centre, en montant. Rodez est perchée sur une butte à 600 mètres d'altitude. Nous aimerions nous reposer, pour de bon, sur les sièges de notre voiture - nous l'avions pourtant laissée là, sur ce parking en contrebas peut-être, terrain vague aux nombreux nids de poule. "Tu vois ce trou, là, devant ? il y avait là notre voiture" - une passante me trouve drôle, mais si le sol ici engloutit la ferraille, qu'y a-t-il donc de si comique ?

    Nos jambes nous rentrent dans le bassin. Nous parviendrons bien jusqu'à ce petit jardin, non loin d'ici (mais mon Dieu quelle fatigue) : Lauronse assurément nous logera dans sa cabane, ou Jean T. - il faudra bien que ce soit l'un ou l'autre. Ici le soleil ne fait que briller, nous nous couchons aussitôt, réchauffés par notre épuisement, puis nous ressentons, petit à petit, le froid réel qu'il fait sous ces tuiles : "J'en ai marre qu'iil fasse deux degrés". Excellente raison pour ne pas sortir de sous la couette. Arielle est épuisée. Elle ne veut rien faire, ni jouer aux cartes, ni discuter, juste ne plus bouger. La maison est glaciale.

    On ne peut même pas y pisser : tous les voisins ont vue plongeante sur le jardin. "Tu vas au petit bar d'en face, de ma part ; ils te laisseront utiliser leurs toilettes sans consommer, même en robe de chambre : tu es, en quelque sorte, de la maison". Jean T. m'exposerait bien quelques vagues liens de cousinage, mais l'envie de pisser l'emporte. Rien de plus important, de plus importun, qu'une envie de pisser. De plus, la cabine est vaste : je peux ôter ma robe de chambre, "procéder à quelques ablutions" comme on dit dans les romans bien, me heurtant presque en ressortant au sieur Cartron, ancien élève (mais qu'est-ce qu'il fout là, à Rodès ?) qui me regarde, en blouson, viril et décidé.

    Serait-ce qu'il me reproche quelque chose ? ..d'être resté trop longtemps enfermé là, sans tenir compte que d'autres aussi pouvaient utiliser la cabine. Ma fois, je m'en fous bien. Je lui passe devant, sans lui adresser la parole. Qu'il aille se faire pendre. 51 10 14. Je suis venu ici pour présenter des textes. C'est moi qui les ai composés. J'en suis tout fier. Mes juges seront mes amis : un enseignant retraité, Jean-B., sa femme, septuagénaire imbibée de tabac. Et ce n'est pas n'importe qui : n'importe qui ne peut pas habiter un tel château, avec une grosse tour, en lisière de ville. Ce n'est pas la première fois que je viens.

  • Connaissance

    COLLIGNON

    Kostas

    chercher « chinge », lettre du 19 07 2007, toute l'année 6 est perdue. 64 05 06

     

    J'ai été déçu. Ce n'était pas ce grand octogénaire bien bâti qui m'attendait sur le quai de La Corbine, mais un autre, plus petit, caché, souriant, qui m'accueillait, pour m'emmener chez lui. Nous nous connaissions par bulletin interposé, appelé Le Cercop, parce qu'il contaminait tous ceux qui le lisaient ; ainsi le cercopithèque avec ceux qui l'enculent, infectant de son virus les verges qui le souillent. Kostapoulos m'emmena sur les hauteurs, dans une maison basse qu'il possédait, et me logea dans la chambre de son fils absent. Dès le premier soir il proposa de nous tutoyer. Nous avions 17 ans de différence d'âge, lui plus de 80, moi 64 pour moi. Ces âges sont devenus très courants, et notre amitié survécut neuf ans, trois fois plus que pour Michel et La Boétie).

    Dossiers dga.JPG

    Je ne m'étendrai pas sur la sympathie mutuelle que nous éprouvions, sur les discussions et les silences, sur mes promenades solitaires à La Corvine d'En Bas, un peu longues : « Tu n'es pas dans une pension, ici ! J'aimerais te voir de temps en temps ! » De fait, tout chez moi est ressenti comme artificiel. C'est un défaut que j'ai. Tout me semble théâtre, depuis ma onzième année. Jouons sincèrement et de toute notre âme. Quand il nous quitta, dernièrement, il m'a hanté deux jours, et j'ai moins pleuré que pour mon chat. Il m'écrivait « j'ai souffert à la mort de chacun de mes Félix », et ne voulait plus d'animaux. Il me servait des cailles toutes rôties ; les cailles, sanglées côte à côte sous leurs emballages, m'intimidaient.

    Leurs os friables donnaient l'impression de broyer des êtres vivants, des oiseaux, qui avaient gambadé ou souffert dans des volières. Les derniers temps je me suis servi simplement dans le frigidaire. Kostas me reprochait de tricher, de feindre l'isolement et la misanthropie, alors que j'étais bourré de relations (éphémères), même désapprouvées par moi. Il avait lu mes revues, toxiques ou bien fades, m'avait envoyé ses œuvres, fines et fades, sur de menus incidents de sa vie ou de sa mythologie personnelle, issue des Grecs dont il était issu. À présent faisons un plan, mettons au moins de l'ordre, sinon mes lointains lecteurs d'après l'Apocalypse n'y comprendront rien. Je suis professeur de grec et de latin.

    Les neuf dixièmes des littératures de ces temps-là ont péri dans le naufrage de leurs civilisations. « Des langues mortes », répétait Dogremont, en raclant sur le r. Les enseignants de basse antiquité furent de grands éliminateurs de tous les talents inférieurs, et reproduisaient sans cesse les meilleurs. À ce jeu disparurent 90 % des écrivains, dont nous n'avons plus que les noms et les titres ; je n'avais pu que frémir en lisant sur la couverture d'un volume du XIXe siècle : « Recueil des meilleurs auteurs de second ordre ». De second ordre… Kostas révérait la Grèce, dont la langue avait survécu longtemps à Carghèse, Il a vu le Chili, la Chine et le Sénégal, mais d'Athènes ou Thèbes pas un mot. Nous regardions de gros albums traditionnels, garnis de photos argentiques, et je le faisais commenter, à l'infini. « J'aime voyager loin » disait-il, « j'aime les grands espaces ». Mon budget, fort mal tenu, ne me permettait que de petits voyages, concentrés mais fervents. Traditionnellement, avant de repartir, j'offrais un beau livre. C'était Tchang, un Chinois, ou la méthode Assimil de grec ancien, chapeautée par Geneviève de Romilly (deux fois…) Sa bibliothèque était à ma disposition. Mais jamais je n'aurais commis le moindre larcin. Il me téléphona un jour pour me demander ce que j'avais bien pu faire d'un réveil de Serge, son fils, que je me suis longtemps obstiné à prénommer Frédéric.