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Italie romantique

Fillette d'albâtre dga.JPG52 06 30

Imaginons une belle grosse ville du sud de l'Italie, telle qu'on la représente dans les films, grouillante, surpeuplée, bon enfant. Bien populaire. Avec toute la famiglia, ma femme, ma fille, et peut-être bien mes parents. Il va de soi que je n'ai jamais jusqu'ici mis les pieds à Reggio di Calabria, ni à Tarente. Il fait chaud, nous transpirons, car l'hiver au sud de Rome, bien entendu, n'existe pas. Nous errons, errons, petit patapon. Mais comme nous avons atteint les sommets de la civilisation, nous avons trouvé un supermarché, où tout le monde s'engouffre en répétant des courses, des courses, comme des requins affamés. Et moi, « qui suis resté le plus fier », je reste dehors, en plein soleil, pour ne pas me mêler à ces tourbes consommatrices.

Ah ! si j'étais seul ! J'en ferais, des choses, que ma famille m'empêche de faire ! Ô grands hommes contrariés, Gulliver garottés, combien vous compatissez ! Je serais, sans cette marmaille, en exploration sur les sentiers de Calabre, avec bâton et sac à dos, sous le cagnard, ahanant dans les joies de la découverte ! Je découvrirais d'admirables paysages pelés, buvant de ma gourde à la régalade, au lieu de me morfondre sur un parking de vulgaire Monoprix ! Ceux qui m'accompagnent et m'entravent se soumettent toujours à leur propre indiscipline, aux tyrannies volontaires de la faim, de la soif, du pipi… Même avec ma simple femme, tenez, nous trouverions au fond de ces contrées grillées une allée d'arbres toujours verdoyants, bien irrigués par dessous, et nous zigzaguerions là-dessous, en pleine nuit, les écouteurs sur les oreilles diffusant du Chopin force 6 ! quel romantisme ! que d'amour ! Et nous nous roulerions sur ans l'herbe en rattrapant nos oreillettes. Et nous tomberions sur une troupe de tziganes, bariolés comme dans les contes, et le plus grand d'entre eux, un escogriffe aux bras immenses remplis par les soufflets d'un accordéon, nous ferait sauter les écouteurs des oreilles. Quand il ouvre les bras, l'instrument brame, et quand il les resserre, le tambourin résonne dans son dos et c'est un parapluie automatique et rose qui s'ouvre sur sa tête !

À quelques détails près, Le Grand Meaulnes. À côté de lui, l'obligatoire obèse avec sa grosse mandoline, qui rote et pète en dansant, et une femme, tout de même, qui se trémousse avec résignation en agitant son cadre à cymbalettes. Mais elle en a marre. Elle porte un collier de mule garni de grelots, c'est tout dire. Le gros mandolineux, en panne de gaz en haut comme en bas trouve plus réjouissant d'assommer l'accordéoniste à coup de caisse en bois. Il tombe tête la première dans une mare qui passait là, exhibant un énorme cul et des cuisses bouffies : un faux maigre ! Visage anguleux, mais cul rebondi ! Ils auraient mieux fait de s'enculer. Tout le monde se marre, s'esclaffe, se boyaute – mais tout sonne faux, nous restons impassibles : ces métèques nous ont gâché notre Chopin.

Voilà tout ce qui se serait passé si je n'avais pas été obligé de me planter là comme un con sur un parking de Monoprix, italien de surcroît.

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