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  • Extrait d'Agnès Martin-Lugand

    " - Arrête. J'ai décidé que je partais en Irlande quelques mois, tu n'as rien à dire.
        " - Ne compte pas sur moi pour t'accompagner."
        " Je me levai et me mis à ranger tout ce qui me tombait sous la main.
        " - Tant mieux, parce que tu n'es pas invité. Je n'en peux plus d'avoir un toutou derrière moi. Tu m'étouffes ! criai-je en le regardant." (la colère, ça occupe bien, aussi) - quelques mois : ne jamais oublier, amis mortels, que le spectacle continue.
        " - Dis-toi bien une chose, je vais très vite recommencer à t'étouffer.
        " Il pouffa de rire et, sans me quitter des yeux, s'alluma tranquillement une cigarette. Buste du Docteur Chammard ancien maire à Tulle.JPG
        " - Tu veux savoir pourquoi ? Parce que je ne te donne pas plus de deux jours. Tu vas revenir toute penaude et tu me suppllieras de t'emmener au soleil." (il en sait aussi des choses, le Fred).
        " - Jamais de la vie. Crois ce que tu veux, mais je fais ça pour guérir.
        " - Tu te trompes de méthode, mais au moins tu es remontée comme une pendule.
        " - Tu n'as pas des copains qui t'attendent ?
        " Je ne supportais plus son regard inquisiteur" - et moi je connais une rime pour "une pendule".
        " Il se leva et s'approcha de moi.
        " - Tu veux que j'aille fêter ta dernière lubie ?
        " Son visage se rembrunit. Il posa ses mains sur mes épaules et planta ses yeux dans les miens.
        " - Tu cherches vraiment à t'en sortir ?
        " - Evidemment.
        " - Donc, tu es d'accord pour que tes valises ne contiennent aucune chemise de Colin, aucune peluche de Clara, pas de parfum à part le tien.
        " Je m'étais fait prendre à mon propre piège" - eh oui, on prétend, et puis... "J'avais mal au ventre, à la tête, à la peau. Impossible de fuir ses yeux noirs comme le charbon, ses doigts broyaient mes épaules.
        " - Bien sûr, je peux aller mieux, je vais me séparer petit à petit de leurs affaires. Tu devrais être content, depuis le temps que tu veux que je le fasse.
        " Pae je ne sais quel miracle, ma voix n'avait pas flanché". Comme disait la gouvernante de mon père, "allez hop, on vire tout ce qu'il y a dans la chambre de votre femme".
        " Félix soupira profondément.  
        " - Tu es irresponsable, tu n'y arriveras jamais. Colin ne t'aurait jamais laissé entreprendre un tel projet. C'est bien, tu as cherché à faire quelque chose pour t'en sortir, mais renonce, s'il te plaît, on va trouver autre chose. J'ai peur que tu t'enfonces." Là, quelques longueurs (oui, bon...) et clichés.
        " - Je n'abandonnerai pas.
        " - Va dormir, on en reparle demain.
        " Il fit une moue désolée, embrassa ma joue et prit la direction de la sortie sans un mot de plus.

        "Au lit, enroulée dans la couette, le doudou de Clara étroitement serré entre mes bras, je tentais de calmer les battements de mon coeur. Félix avait tort, Colin m'aurait laissé partir seule pour l'étranger, à l'unique condition qu'il se soit occupé de l'organisation. Il gérait tout lorsque nous partions en voyage, du billet d'avion à la réservation d'hôtel, en passant par mes papiers d'identité" - indépendance, souffrance. "Jamais il ne m'aurait confié mon passeport ou celui de Clara, il disait que j'étais tête en l'air. Alors aurait-il eu confiance en moi pour mener un tel projet ? Pas sûr, finalement."
        Vous aurez envie de lire Les gens heureux lisent et boivent du café, parce que vous vous y retrouverez : amour de la lecture et du café, recherche d'humour et d'émotion poignants l'un et l'autre, élégance, discrétion. Bonne chance Agnès Martin-Lugand. éditions Michel Lafon, après vieux buzz sur internet : parfois, faire la Croisette a du bon. 

  • Balustres de Tulle

    Balustres de Tulle.JPG

  • Les Pathétiques

    Aussitôt, elle éloigne sa jambe. Comment peut-elle croire que je la désire ? elle attend "l'homme de sa vie" ! Touchant. Elle me plaît, sans me plaire. Il faut toujours que la conversation s'échauffe, deux bons quarts d'heure, avant que l'approfondissement ne vienne. Alors, oui, nous pouvons échanger, sur Dieu ou le bien-être, ou l'une de ses nombreuses connaissances, souvent très âgées, à qui toujours il arrive des aventures extraordinaires et des malheurs passant le commun. Qu'est-ce qu'une amitié ? Rencontre-t-on ses amis au petit bonheur dans sa vie ? Les avons-nous, nous ont-ils véritablement choisis ?
        Quelles relations entretient-elle avec Albergouine, malgache envoûtante que sotte ? Pourquoi le petit amour d'Albergouine,  ce petit juif sec et noiraud, trimballe-t-il toujours avec lui son infect matou galeux ? Portraits, portraits... il n'y aura donc pas d'intrigue ? Peut-on écrire autrement qu'en dénigrant ceux que l'on a connus ?

    LE PASSE DE Benoît
        Sa femme un jour et sa belle-mère se sont jetées ensemble par la fenêtre, dans un accès de dépression. Quel esprit survivrait à telle catastrophe ? On fait passer cela pour un accident de voiture. Ce qui s'appelle deux cadavres dans le même placard. Mais la fille, nommée "République", sait qu'on lui ment. Quelque part, elle sait. Jamais que je sache elle ne s'est renseignée sur ce fait-divers. Il devrait bien en subsister quelques traces dans les journaux. Bientôt elle mettra au monde un petit métis, bientôt elle reviendra chez son père Jean-Benoît, avec Nelson son amant de Guyane. Alors une femme, une mère, occupera les lieux-d'en-bas, et leur redonnera éclat et propreté.

    Alignements.JPG


        Benoît fut cinq fois père. Il ne revoit pas ses enfants. La famille adverse veille, du haut de son témoignage de Jéhovah. Il n'y a pas que les musulmans et les juifs à être cons. Cette vision familiale reste pour moi très brumeuse. Dès qu'on me les éclaircira, j'en ferai part ici. Jean-Benoît, ayant ouï-dire par moi-même (quelle imprudence) que j'écrivais sur lui, serait curieux d'en apprendre davantage. Mais rarissimes sont les amateurs de littérature, qui savent l'inanité de certains reproches : "Tu m'as caricaturé, tu n'a pas le droit d'écrire cela de moi, de nous. Tout est inexact, tout est faux, et je t'attaque en justice". Quelle importance de se reconnaitre, ou que les proches vous reconnaissent : qui êtes-vous, pour vous estimer si importants ?
        Ceux qui liront cette histoire se soucieront-ils des modèles, réels ou supposés ? Ha ! les petits importants, dressés sur leurs ergots ! Ce sont les mêmes qui refusent de voir leurs têtes sur les sites informatiques. Ô ineffables poussières ! Jean-Benoît me remet en main propre une autobiographie abrégée sur trois pages. Elle insiste sur tout ce que la musique a pu lui apporter. Et passe sous silence les aspects névrotiques de sa vie, les seuls qui m'importent. Jean-Benoît le dit, cela ne saurait intéresser quiconque. Il ne se rend pas compte de la détresse de ses propres toiles. Il aligne, en réalité, d'ingénieux exercices dépourvus de toute émotion transmise.