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Bruno Dumézil et les Barbares

Cette chronique s'achève traditionnellement par un extrait correspondant à l'endroit où nous nous sommes arrêtés dans notre relecture aléatoire, et à sa suite. Ecoutons religieusement mais pas trop : les identités n'étaient pas ethniques, mais en fonction du chef de nation, car Nation n'est pas Peuple. Les mercenaires prenaient des noms de nations lorsqu'ils voulaient se faire valoir : la mode est aux Goths ? présentons-nous comme Goths. Et l'autrice de poursuivre :

«  En deuxième lieu, l'identité permettait de mener un jeu subtil au sein de l'armée impériale. Depuis le début du IIIe siècle, les usurpations étaient fréquentes et n'importe quel général romain pouvait prétendre à la pourpre. Dès lors, les meilleurs officiers, qui naissaient généralement dans les provinces du Rhin et du Danube, devaient se positionner selon leurs ambitions. Le vaillant Maximin le Thrace se présenta ainsi, à tort ou à raison, comme un Romain ; il put de ce fait devenir empereur en 238. Mais d'autres généraux affirmèrent appartenir à un peuple barbare ; à ce titre, ils n'inquiétaient en rien l'empereur en place, qui avait tendance à faire d'eux ses principaux lieutenants. » Il exista une période appelée « anarchie militaire », durant une cinquantaine d'années, où chaque empereur passait son temps à se battre contre ses usurpateurs, avant d'être remplacé violemment par un autre usurpateur : ainsi Gallien, qui fit construire l'amphithéâtre du même nom dans la rue du même nom, a-t-il connu 18 concurrents à la fois, régna-t-il 15 ans ce qui est exceptionnel, avant d'être assassiné au siège de Milan, septembre 268. Nous poursuivons pour l'instant comme ceci :

« En dernier lieu, le discours ethnique venait renforcer la position des élites barbares en termes diplomatiques. Ainsi, pour devenir un interlocuteur crédible, mieux valait être membre d'un peuple constitué. Cela permettait notamment de justifier les alternances entre la soumission et la rébellion, en fonction des avantages que l'empereur était prêt à consentir.

« Qu'elle air reposé ou non sur de nombreux éléments étrangers à la civilisation romaine, l'identité ethnique barbare constituait donc l'élément clé d'une rhétorique sociopolitique. Celle-ci s'était élaborée lentement au contact du monde romain et fut développée, après 376, pour justifier l'éclatement du pouvoir impérial, puis pour légitimer la fondation de royaumes indépendants. »

Une identité ethnique relève donc aussi d'une imagination, sans être pour autant juste imaginaire. Je ne pense pas que les chefs barbares agissaient ainsi de façon consciente et calculée. De nos jours, mieux vaut se prétendre Syrien que Congolais, c'est vrai. Seulement, ce sont des individus qui fuient, et non pas des rois barbares avec leurs armées. Le Chapitre II s'intitule « Rome et ses voisins ». « Si la transformation des peuples vivant hors de l'Empire est difficile à appréhender, les auteurs du monde romain nous renseignent assez abondamment sur les affrontements autour du limes, cette frontière militarisée qui sépare l'Empire du monde barbare. Les relations entre Romains et Barbares y sont complexes : si les conflits existent assurément, ils alternent avec les négociations, les échanges et les collaborations.

Croix de Glénic dga.JPG

- Les prétendues « Grandes Invasions »

Du IIIe au Ve siècle, les armées romaines sont souvent en difficulté et laissent des groupes de combattants barbares s'introduire sur les territoires impériaux. À ce titre, la période a longtemps été qualifiée de temps des « Grandes Invasions ». Cette désignation est toutefois trompeuse et, dans l'ensemble, impropre.

1.- Les raids du IIIe sièle apr. J.C. - »

Nous n'avons pas connu cela au XXe et XXIe siècle, même si les passeurs et les patrons semblent bien se frotter les mains de voir débarquer (ou se noyer) toutes ces populations en même temps, alors qu'elles auraient pu s'étaler sur des années, comme avant. Mais à l'époque dont il est question ici, nous avons des raids, même si le mot n'existait pas encore : « Longtemps, Rome maîtrise le limes du Rhin et du Danube grâce à une forte présence militaire, mais aussi grâce à une diplomatie habile. Au IIIe siècle, les rapports de force avec les peuples frontaliers sont modifiés par la transformation du monde barbare, où des groupes hostiles à Rome s'allient, finissant par constituer une menace militaire réelle. Des noms de peuples anciens ressurgissent, associés pour la première fois à des tentatives d'incursions dans l'Empire romain. »

Insistons sur le caractère militaire de ces actions, et sur le caractère imaginaire des nations : de nos jours encore, rien de tel pour cela qu'une bonne désignation d'un ennemi extérieur. Chez les Germains donc, comme chez les Turcs actuels, désignation d'un adversaire au nom d'un nationalisme de nature à la fois cérébrale, tribale et tripale. « Tel est le cas des Saxons, signalés pour la première fois sur les côtes romaines en 285. De nouveaux noms apparaissent aussi dans la deuxième moitié du IIIe siècle au-delà du Rhin, comme les Francs (en 260) ou les Alamans (en 289), qui désignent probablement des fédérations de groupes barbares antérieurs. Au milieu du IIIe siècle, leurs attaquent terrestres se combinent avec une piraterie intense en mer du Nord et dans la Manche. »

Nous nous arrêterons là, en espérant ne pas en être astreints à ces extrémités, car il faut bien dire que si les Romains vivaient sous une dictature militaire, nous vivons paraît-il sous une dictature financière, ce qui n'est pas plus sympathique, mais tout le monde veut du pognon. Bizarre, non ? Mais ceci est une autre histoire. Les Royaumes Barbares en Occident, au PUF alias Presses Universitaires de France, par Magali Coumert et Bruno (pas Georges) Dumézil.

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