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Les royaumes barbares

 

 

Les royaumes barbares en Occident, aux Presses universitaires de France, rédigées par Magali Coumert et Bruno Dumézil, descendant de l'autre, semblent venir à point nommé pour confirmer le sentiment que nous sommes nous-mêmes envahis, et que nous allons succomber sous les grandes invasions comme les Romains. De fait, il est exaspérant que certains éléments veuillent nous imposer la détestation du porc et l'amour du voile. En 1914, nous avons repoussé l'assaillant, grâce aux troupes américaines. En 1940, nous avons volontiers accueilli l'étranger, en 1944, nous l'avons repoussé, ou plutôt les Américains l'ont fait pour nous. Et je me souviens de mes bonds, devant la Télévision (signe de croix…), en apprenant que le bon peuple de Paris, en 1815, avait accueilli les gentils cosaques arrivant de Russie sur les Champs-Élysées, dans un désir d'amour des étrangers : « Comment dis-tu « la bite », en russe ? Et « les couilles », en russe ?

Sans tomber dans la caricature propagandiste, les thèses prudemment avancées par Magali Coumert, disciple de Bruno Dumézil qui co-signe l'ouvrage, exaspèrent les nationalistes : ces thèses vont jusqu'à prétendre que les Grandes Invasions sont une invention des historiographes, qu'elles ont été bien moins brutales et bien plus progressives qu'on le dit, et que les Barbares germaniques ont été d'abord décrits par des Romains, qui les voyaient comme des ennemis, puis, mille ans plus tard, décrits par des Français, qui les jugeaient destructeurs de la seule civilisation qui vaille, la romaine, puis par des Allemands, qui les jugeaient bénéfiques et justificateurs de leur identité germanique, forcément conquérante.

Les commentaires sur la mixité avaient ainsi de quoi exaspérer les lecteurs souverainistes de toutes les nations : car maintenant, ce sont les nations d'Europe qui sont attaquées par les Barbares. Ces gens méfiants diront qu'il est facile de diluer les faits, de les ronger par l'intérieur à l'aide de mille petites considérations, de petits faits, de broutilles archéologiques, lesquelles broutilles accumulées finissent par saper les fondements de nos connaissances. Ce serait parfait, car nos connaissances doivent toujours se remettre en cause, sans crainte d'évoluer. Cependant, il est facile, à force de raisonnement, de démontrer le contraire de tout et le contraire du contraire, en fonction des modes idéologiques : la mode est au métissage, mettons du métissage partout – nous pourrions de proche en proche nier Napoléon, Néron, la Shoah, l'influence de Staline, l'existence de la Renaissance de Charlemagne ou de la Renaissance de François Premier, qui ne furent en partie qu'une reconstitution historique d'après-coup. Ainsi l'Histoire se remet-elle sans cesse en question, car l'Histoire figée devient dangereuse et propagandiste, de même que l'histoire revisitée transforme Lénine en petit saint et Kim-Il-Ung en bienfaiteur de leur peuple ; l'Histoire avance donc sur un fil et ne doit pas perdre l'équilibre, menacée à gauche menacée à droite, sans compter ceux qui veulent la nier, noyant l'Histoire avec un grand H dans les histoires avec un petit h. Et l'on pourrait écrire une histoire de l'histoire, vu la façon différente dont on la raconte. Mais on aurait tort de ramener l'étude de l'Histoire de nos jours à l'Histoire écrite par François Hollande ou Mélenchon ou Marine.

Les Barbares n'ont donc pas échappé aux travers humains : les Vandales furent des salauds pour l’Église catholique – mais ne détruisirent pas plus que les autres, et les Huns furent les héroïques fondateurs de la Hongrie, où ce prénom est très souvent porté. Adolf n'est plus porté du tout, c'est curieux, tout de même, ces effets de mode. Notons d'abord, comme disait Amélie, que les Germains ne savaient pas écrire, gisant encore dans la culture protohistorique. Notons aussi qu'ils étaient chrétiens, car nos braves missionnaires ne reculent devant rien, sauf devant celui qui les encule. Notons que leurs peuples n'étaient pas homogènes : ils étaient constituées d'une macédoine d'anciens peuples vaincus ou assimilés pacifiquement, et se faisaient appeler Burgondes ou Francs ou Wisigoths.

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Mais ce qui les tenait ensemble n'était pas qu'une origine ethnique discutable : c'était l'obéissance à un chef, et se proclamer Burgonde ou Ostrogoth consistait à renouveler sa fidélité au chef. Et si le chef était vaincu, on s'en choisissait un autre, et on prenait le nom d'une autre tribu, soi et sa famille. Quant aux Romains ou aux Grecs, ils les désignaient par un nom ou par un autre, Gètes, Daces, Scythes, selon l'harmonie de leurs phrases ou de leurs versifications. Les flèches qui sillonnent les cartes historiques ne correspondent donc pas à des invasions ciblées par des peuples en marche conquérante, rapides, homogènes. Tout s'est passé par infiltration, avec de loin en loin des épisodes militaires et massacreurs.

Mais la diffusion du jeans est le signe d'une importation culturelle, comme le rock. Elle ne signifie pas que l'Europe de l'Ouest a été envahie par de nombreuses populations qui auraient déferlé sur notre sol en provenance de l'Amérique du Nord. Ainsi, en archéologie, la diffusion de tel ou tel genre de poterie, de telle ou telle coutume funéraire (inhumation ou crémation) ne signifie pas nécessairement que des tribus se soient déplacées, mais que la mode s'est répandue, que les routes commerciales se sont formées, qu'un prestige culturel a grandi géographiquement. D'autre part, le fait que les Barbares étaient déjà chrétiens, hérétiques mais chrétiens, le fait que leurs chefs parlaient souvent latin, s'étaient souvent rendus à Rome pour étudier, ou bien en mission diplomatique, ou bien pour affaires commerciales, prouvent que les interactions existaient de puis longtemps d'un peuple à l'autre. Les prétendus Barbares installés sur le sol romain pour des raisons de confort matériel ont adopté les coutumes et les lois des peuples du sud, oui, mais sans abandonner leurs lois propres, car ces peuples du nord, même s'ils ne savaient pas écrire, obéissaient déjà aux lois de chez eux, aux coutumes de chez eux.

Simplement les souverains Goths ou Suèves ont trouvé plus avantageux d'adopter des lois méditerranéennes, qui leur garantissaient la fidélité de leurs sujets, même en cas de défaite.

N'oublions pas qu'Attila savait le latin, avait reçu à Rome une parfaite instruction militaire, et reçu le titre, en tant que chef, d' « ami du peuple romain ». N'oublions pas que l'empereur Avitus, Gaulois, Arverne, avait reçu la couronne des mains d'un Wisigoth, qui souhaitait obéir à Rome ! Gardons-nous, par conséquent, d'assimiler ce qui s'est passé aux IVe et Ve siècles de notre ère dans le bassin méditerranéen et la vallée du Danube avec ce qui se passe actuellement.

Nous avons peur, mais c'est normal. Regardons simplement nos inquiétudes en face, au lieu de leur tourner le cul pour qu'elles nous le bottent

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