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Sacré Billon !

Explication : notre jeune homme aime une femme qui aime ce fameux Germeuil (ces noms ! ces noms qui fleurent si bien la vieille France !) ; il veut savoir si Germeuil aime la jeune personne sans lui dire qu'il l'aime, lui. Noius comprenons tout, nous nous apercevons avec délices qu enous sommes encore capables de comprendre cette langue qui fut celle de toute l'Europe cultivée du XVIIIe s.

Et Versac, le noble débauché, que dit-il ?

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"Eh bien ! j'étais seul avec une prude de cette espèce. L'amant arriva, l'on le reçut froidement, à peine voulut-on le traiter comme connaissance ; mais pourtant les yeux parlèrent, malgré qu'on en eût. La voix s'adoucit : le petit homme, fort neuf encore, fut embarrassé de la situation ; et moi, à qui rien n'échappa, je sortis lke plus tôt que je pus, pour l'aller dire à tout le monde. "

En achevant ces paroles, qui me jetèrent dans le dernier embarras, et qui malgré la grande présence d'esprit de Madame de Lursay, ne laissa paas aussi de l'inquiéter, il se leva en effet et voulut sortir.

* "Ah, comte ! s'écria Madame de Lursay, quelle cruauté !"

Expliquons : ce comte raconte très exactement ce qu'il a sous les yeux, comme s'il s'agissait d'un incident passé. Le jeu consiste en ce que chacun a deviné ce qui se passe, mais ne doit pas le laisser paraître ; il existe en effet un code de l'honneur et du déshonneur qui passe par la médisance. Ces gens n'ont d'autre occupation, comme à la cour, que de s'épier et de rapporter tout ce qu'ils voient.

L'on comprend pourquoi Madame de Lursay, sincèrement éprise de son jeune amant, hésite à se livrer en présence d'une quantité de monstres observateurs mâles et femelles de l'espèce venimeuse de Monsieur de Versac. Le jeune homme, qui plus est, pousse la cruauté jusqu'à demander des conseils à Madame de Lursay sur cet autre amour pour une plus jeune qui le tourmente tant. Il lui demande, le pignouf ! de le rapprocher de cette belle indifférente :

"Mais, répondit-elle, on ne peut pas appeler cela de l'antipathie : ce qui les éloigne l'une de l'autre, et sans doute moins fort et plus facile à détruire.

"- Oserais-je, Madame, lui dis-je, vous prier d'employer vos soins pour les rapprocher ? Cela me paraît d'autant plus convenable, qu'étant vos amies, elles peuvent se rencontrer chez vous, et s'y voir peut-être avec chagrin."

Il y aurait tout un ouvrage à commettre sur cette apogée de la relation sociale fondée sur les conventions, les conversations, le japonisme du code humain. Tout doit se faire dans les règles les plus strictes, bien que par-dessous la liberté de moeurs soit totale pour certains et certaines. Mais la forme, la forme ! tout est là.

Tout se termine par d'atroces chipoteries qui déchirent le coeur lambeau après lambeau, et c'est au moment où l'on rompt que l'on se forge des liens définitifs, entre personnes de même sensibilité jetées dans un monde vous l'avez compris plus cruel que celui des guerriers.:

"- Vous pensiez différemment tout à l'heure, repris-je, et j'ai cru pouvoir...

"- Eh bien ! interrompit-elle encore, je pensais fort mal, et je m'en suis corrigée. "

A ces mots, elle me quitta, et me laissa d'autant plus piqué que je croyais m'être compromis en la priant d'une chose qu'un moment auparavant j'avais refusée d'elle, et que j'avais vainement abaissé mon orgueil.

"Quelqu'intérêt que j'eusse à ne point quitter Hortense, j'imaginai qu'il fallait le faire céder à ce que je croyais me devoir à moi-même, et que mon amour m'avait même engagé trop loin." Car il y a, chers auditeurs, ce maudit amour-propre, celui des femmes, celui ses yeux ; et par une sottise ordinaire aux jeunes gens, j'imaginais qu'en me regardant des hommes, qui s'appelle l'honneur, et qui se ressent d'autant plus qu'il est dans un milieu où tout le menace." C'est ainsi que les amoureux de belles histoires sentimentales et intelligentes se régaleront à lire, de Crébillon fils, "les Egarements du coeur et de l'esprit", pour leurs vacances.

Au revoir !

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