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Heiligenkreuz

Carte postale de grand été fané, exaspérante de sérénité satisfaite et repue. Pourtant une grande colonne, Säule, entassant les allégories comme autant de choux du saint-honoré. Censées représenter les contradictions baroques en une lourde ascension vers le ciel, par-dessus les calamités (comme la peste) ou l'entassement des mérites. Abbaye cistercienne fondée l'an 1133 en Basse-Autriche, Nieder-Österreich. La colonne rococo jure avec les lignes si pures de l'arrière-plan, surtout au sein de ce cercle de pelouse fleurant bon son biedermayer. Il fait beau. Il ne se passe rien. Le ciel est cumuleux, la pointe (le Stift) s'y enfonce avec son casque à pointe, et sur le seil, sous le porche à trois marches, un abbé noir minuscule taille le bout de gras avec un homme aux deux pieds perpendiculaires.

Nous avons donc le porche, carré sous sa voûte, flanqué de ses piliers, eux-mêmes surmontés de statues. Cette vulve obligatoire (Baoubo en mal d'enfant) se plaque sur un mur à grosses pierres, ocre clair, deux fenêtres symétriques en haut plein-cintre, une autre par-dessus, une autre par-dessus. Sérénité, ordre et pyramide : première pente, élévation de pierres, seconde pente et pignon sommé d'une croix). L'autre côté, le droit pour nous, se masque d'une immense frondaison, plus proche, qui semble le dépasser, qui l'absorbe par effet de perspective. Des branches d'été, en pleine apogée, rehaussées d'un rameau plus vert, juste au bord du cadre, afin de faire profondeur.

L'ombre de l'arbre, tilleul ou plutôt chêne, s'épand sur le sable bien entretenu impeccablement blond, mord sur la pelouse ronde en contours capricieux (des caps, des retraits, des baies aiguës, et tout ce rond d'herbe (bien verte, ben entretenue) qui passe ainsi au pied de la colonne qu'il entoure. L'herbe est plus jaunie à gauche, des feuilles la parsèment à droite, le cadre de la photographie trace une corde sur le cercle. Il fait chaud. C'est l'été. C'est l'Autriche. On digère. On est bien. La méditation hante le ventre plein, irradie vers les poumons aux souffles de la sieste. Les moines iront plus tard copier, enluminer les parchemins.

Le temps n'est plus. La colonne où l'on s'est accoutumé se décale et se décline en clocher, carré, chargé de son cadran d'horloge, il est trois heures moins vingt, zwanzig drei. Reste les huit fenêtres au petit bois blanc, six carreaux chacune, en bas sans rideau ; en haut de gauche à droite et successivement ouverte, barrée d'un tissu oblique, puis obturée de blanc, pour finir indifféremment fermée comme en bas. Les ouvertures s'inscrivent sur deux bandeaux de pierre tendre, toujours la voluptueuse pierre, posées dirait-on de la veille.

Cadrage du porteur.JPGCE PHOTOGRAPHE EST TRES CELEBRE. QUE SES AVOCATS VEUILLENT BIEN ME CONTACTER AVANT DE ME POIGNARDER DANS LE DOS ET DE ME REDUIRE A LA MENDICITE AVEC DES "DOMMAGES ET INTERETS", MERCI, CE SERAIT FRANC-JEU (en français : fair-play).

Les bâtiments monastiques s'étendent sous un toit de tuiles bistres très serrées, on y vit confortablement, dans la sécurité du pensionnat perpétuel. Par-dessus le toit, très loin, c'est un moutonnement de canopées qui vient mourir comme une vague au quarante centièmes de la pâtisserie verticale. Celle-ci se couronne d'une hostie hosannière ou plutôt de monstration : Ses rayons s'entrecroisent, quatre à la romaine, quatre à la saint André aux bissectrices, plus sombres. Nous avons fini nos prières. Nous avisons trois dames qui repartent, une rouge, une bistre, une noire. Elles auront bientôt disparu derrière la sculpture pâtissière

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