Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les Goths, épopée

Les Huns leur tailladaient les talons, et les ont donc poussés au sud du Danube. Serait Goth désormais quiconque descendait d'un grand-père du clan, et non plus d'un territoire. Passage, rétrécissement, du pays à la simple tribu. Et voilà comment se fabriquent les séries de BD et les jeux vidéos. Qui servent à quelque chose, eux, bande d'ignares. « Bien que la confédération tribale des Tervinges  se fût ainsi ouverte à des éléments non gothiques, elles étaient en même temps divisées politiquement et culturellement. » Eh oui ! on s'était perdu de vue, mais tout de même, on se visitait, on se mariait entre cousins-cousines, pour éviter le repli génétique sur soi ; et de plus, disait l'ours, on acceptait des éléments étrangers !
    On les nommait « goths » eux aussi. « Le juge avait pour tâche d'empêcher la dissolution de la gens, du kuni, en période de crise. » Le juge était supérieur au pouvoir militaire. Il était garant de la permanence des débris, afin que les morceaux restassent entier. Le juge était civil, le « roi », le « reiks », n'était que militaire ; sinon c'était le foutage sur la gueule permanent. « Nous possédons en effet pour la période d'Athanaric des témoignages de mesures à la fois politico-militaires et religieuses destinées à freiner la désintégration de la tribu, voire à inverser cette tendance ».  Athana-reiks était donc un roi, mais aussi un juge. En aucun cas un tyran capricieux, mais un chef respecté, entouré d'un conseil. C'est quand même lui qui avait expulsé les Sarmates vers l'ouest, il   
ne faudrait pas l'oublier, enfin quoi... Et au lieu de se disputer entre Tervinges, il vaudrait mieux ressouder les liens, repasse-moi une corne de cervoise à 25°. Voir l'historien Ammien Marcellin. Latin. « De même que les « noms spéciaux » gothiques, de même que la Gutthiuda des Tervinges et sa magistrature, le kuni et ses dirigeants autonomes ne survécurent pas aux grandes migrations ». Vous ne m'en voudrez pas je suppose d'avoir oublié, dans ce flot de connaissances nouvelles, ce que c'étaient que ces fameux « noms spéciaux », les Tervinges étant aussi appelés « Greuthinges ». Tâchez de suivre, et apprenez que toute migration implique décomposition ou transposition culturelle.
    Nous sommes vers l'an 370. Un kuni, des kunjas. Ben y en aura pus. « La gens devint l'exercitus Gothorum », el ejercito, come se dice en España, l'armée. Les Romains jetaient les yeux sur ces peuplades qu'ils méprisaient, et craignaient : ils arrivaient à la frontière, ils commençaient à faire partie de l'histoire romaine, ils commençaient à exister, un peu comme les peuples Africains, lesquels n'existaient pas, c'est bien connu, avant l'arrivée des Blancs - « et la communauté » notez bien « pluri-ethnique des Tervinges devint l'armée des Goths », pour faire simple, « toujours pluri-ethnique, mais dirigée par un « vrai » roi », chef militaire et politique : comme ça, c'était clair.  Les Romains ne vont tout de même pas se prendre la tête dans ces complications indigènes : l'armée sera «le peuple en arme », comme à Rome, et je ne veux voir qu'une tête.

Dégâts.JPG


    C'est donc le moment, chers auditeurs s'il en reste, de considérer ce qu'est Le Harjis, armée tribale. « Tant que les Tervinges, nous dit Herr Wolfram, connurent une « paix barbare », leurs armées étaient petites » : de même, les Romains avaient connu la « paix romaine », la « pax romana » : selon la loi anglo-saxonne par exemple, 35 hommes constituaient une « armée », 42 pour l' « armée » bavaroise... « Elles étaient composées de troupes d'élite spécialisées », roquettes, lance-flammes, etc... 3 000 à 12 000 hommes pour les Wisigoths, tout de même ; ça grossit vite. D'ailleurs  une seule légion romaine du temps d'Ulfila » (ou Wulfila, traducteur de la Bible je rappelle), «(environ 3 000 hommes), était déjà considérée comme une armée, un harjis » - composée aussi de Germains mercenaires. « Ce n'est pas un simple hasard si seul un thiudans biblique avait vingt mille guerriers sous ses ordres » - le thiudans est un chef, un juge ; mais « biblique » ? qu'ès aco ? Les renseignements que nos vous communiquons sur l'armée gothe, nous les tirons de la Bible ; des fragments de Bible traduite en gothique par l'incontournable évêque de Gothie, Wulfila, qui inventa pour son peuple l'écriture gothique, et le fit entrer dans l'histoire.   
    Mais tout ce qui est dit en hébreu ou en grec n'existe pas nécessairement en langue gothique ! Le traducteur est donc obligé de transposer des notions religieuses par exemple, ou militaires (car on parle de guerre dans la Bible), dans sa langue ! C'est ainsi que le « juge » d'Israël est traduit ou plutôt approché par le terme thiudans, qui lui correspond plus ou moins. Et voilà comment l'historien, qui se double ici d'un linguiste, parvient à entrevoir ce que c'est que l'armée gothique... à partir d'une traduction de la Bible ! Donc, un reiks, un rex, simple chef d'armée, ne pouvait avoir sous ses ordres qu'un petit nombre de soldats, 3 000 nous dit-on, tandis qu'un juge, un thiudans, autorité à la fois politique et religieuse, chapeautait le chef d'armée, commandant 20 000 hommes au nom de la Divinité ! « Lorsque les armées tribales des Goths – et pas seulement de ceux-ci – sont mentionnées sans exagération » pour faire joli, le chiffre de trois mille hommes est presque toujours avancé. » Pendant que j'y pense, « gothique » a fini par signifier « ignorant » ; d'où le style des cathédrales « gothiques », style « ignorant », comme le disaient les cons classiques français, bien après la disparition des peuples dont nous parlons actuellement, et qui avaient bien d'autres soucis que de construire des cathédrales en pierre... « Cette catastrophe » (la migration des Goths antiques avec les Huns au cul si j'ai bonne mémoire, ils auraient même traversé le Danube sur la glace) « fut d'ailleurs d'une telle ampleur que les Goths perdirent leur première grande monarchie, et, à jamais, leur unité tribale ». (Clovis plus tard se fera baptiser avec 3 000 hommes).
    Et pour finir, ces deux phrases qui vous laisseront sur votre faim : « Lorsque les Tervinges s'acquittèrent de leurs obligations de fédérés en fournissant trois mille hommes, les Romains eurent bientôt l'impression que tous ces guerriers goths étaient des nobles. Selon Eunape, ils portaient une cotte de mailles qui les faisaient ressembler à des guêpes, avec « un rétrécissement au milieu, tout comme Aristote le dit des insectes ».
    C'est tout pour aujourd'hui les petits, faites de beau rêves avec l'Histoire des Goths de Herwig Wolfram, chez Albin Michel, collection L'évolution de l'Humanité.

Les commentaires sont fermés.