Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Qu'est-ce que le deuil ?

Rien n'est plus exaspérant que l'expression "faire son deuil". Cette expression, antérieure à Freud, sembler avoir profité d'un vague vernis freudien, et constituer le fin du fin de l'analyse mortuaire chez les journaleux. A les entendre, il suffirait de retrouver le corps d'un disparu, de l'avoir vu célébré en manière de cérémonie (fleurs et couronnes, homélie, cantiques), puis enterré au crémé en un endroit précis, où l'on pourra le retrouver et prier, pour se trouver guéri, soulagé, afin de "passer" enfin !) à autre chose. Car "la vie continue", n'est-ce pas, "le défunt l'aurait voullu ainsi", et il faut bien reprendre le collier de son travail utilitaire au profit des Aûûtres.
    Et c'est ainsi que la télévision voit défiler des "proches des victimes", reprenant à la lettre les clichés des instruits, proclamant avec la plus parfaite sincérité, comme un axiomes ou un postulat : "Si je retrouve et enterre tel corps disparu, je pourrai enfin faire mon deuil" (m'en débarrasser). Il semblerait en effet que savoir est la première étape de la résolution de son chagrin, tandis que ne pas savoir favorise l'intoxication progressive et irrémédiable de l'âme et de toute la vie. Mais les chemins du deuil resteront à jamais personnels, impénétrables et irréductibles à quelques procédés que ce soit.
    Il n'est pas jusqu'au deuil des animaux qui ne soit souvent cause d'un chagrin violent, allant jusqu'à se greffer à un deuil antérieur, ravivant la plaie. Nul ne "fait " son deuil. Il se fait de soi-même, sans cérémonie, sans volontarisme. Ceux qui avaient enterré la mère de leurs meilleurs amis partis en voyage sans vouloir interrompre leur merveilleuse croisière, "Voilà, elle est morte et enterrée, on a tout fait sans vous déranger, comme ça, c'est fait" sont parmi les plus inqualifiables connards qu'on ait pu trouver.
   Terzieff.JPG Les marques extérieures du deuil n'en sont pas moins indispensables, ne serait-ce même, précisément, que par leur vanité. 62 08 23 puis voir internet. Nous n'en pourrions plus d'énumérer tout ce que nous savons sur ces manifestations répandues d'un pôle à l'autre, plus encore ce que nous ignorons. Cela ne nous entraînerait pas plus loin que dans l'exotisme, bien que le rite des bougies sur le cercueil, ou sur le lieu d'un accident, d'un attentat, d'un crime collectif, rappellent de plus en plus qu'ici s'élevait une âme, qui n'est plus, mais qui brûle encore et survit. Non plus deuil, mais dénégation, grandiose et salutaire négation. Il est temps de nous abandonner aux aléas de la découverte informatique, si décriée par les Sages Cervelles. ICI VOUS RECONNAISSEZ TERZIEFF
1. " Souvent associé à la souffrance, le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance, nommé résilience. " Voyez comme les perspectives changent avec le temps : à peine mentionnée la définition que pointe déjà le nez la trop fameuses notion de "résilience", que Cyrulnik a si bien redécouverte et mise en valeur. Voyez combien la douleur est devenue le fardeau le plus superflu de l'humanité, combien il est urgent de s'en débarrasser, de "rebondir" (doÏnnng, doïnng), de retrouver le tourbillon des instants.
    Car le voile qui nous fut mis sur les yeux devient de plus en plus mince. Tous les co,ncepts obéissent à la succession des modes ou des idéologies. Comment apparaissent-elles ? Ce serait un grand mystère, encyclopédique assurément, de s'atteler à un tel ouvrage.
2. [Le travail de deuil] permet d'accepter la disparition et de définir un "avant" et un "après". Rien n'échappe à la fureur d'explication, de curation, rien n'échappe au torrent de la vie.  « La mort et la vie,ces deux faces de notre condition se ridiculisent mutuellement » (Sartre). Dieu autrefois tenait lieu de dialectique, il nos aimait, il nous berçait, il nous enterrait, dans son infini amour. A présent que nous sommes grands et raisonnables, c'est à nous de raisonner, de mathématiser : signe moins, signe plus.     Comme si nous pouvions jamais "acepter la disparition".  Comme si nous pouvions oublier cette constante épouvante. Nous n'avons que des mots : "choc",  "révolte" ; "bouleversements" (lesquels), "déséquilibre" (comment manifesté?), "perte de repères" : aucune de ces expressions ne pourra rendre compte de ce qui reste  irréparable. Irréversible. Mais aussi personnel, intime, incommunicable, si nous n'étions pas aussi, chacun de nous, menacés.
    Au bout d’un certain temps une phase de reconstruction et d’apaisement peut-elle s’opérer ? un très long temps. Peut-être sans fin. Pouvons-nus  l'apprivoiser au moyen d'un processus dirigé, d'inspiration comportementaliste ? nous craignons bien que non. L'"avant" et l' "après" se figeront bientôt en une informe marmelade temporelle et existentielle "L'homme est un bouffon qui danse au-dessus d'un précipice", Pascal cette fois).  L'homme s'est penché sur l'abîme, des spécialistes décryptent le deuil (il faut bien essayer), proposent des conseils : "Vous avez perdu un enfant : petit a, petit b..." - nous possédons bien le filet de sauvetage ; mais qui osera jamais le lancer ?

Les commentaires sont fermés.