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Un château, et hop ! Stockholm

Habiter un château n'est pas une sinécure ; il y faut beaucoup d'argent, consolider les murs, toujours vivre en travaux. Les tuiles scellées frémissent : qu'à cela ne tienne ! je marcherai dessus, le manuscrit sous le bras, j'escalade les pierres d'attente, gagne un rang de faîtières, passe de toit en toit - plutôt risquer ma vie, par intempestive glissade, que d'affronter ces gens que je ne vois pas, qui m'intimident d'autant plus. Lorsque je reviendrai de ma lecture, ayant récolté de l'estime, je pourrai les affronter tête haute, et me voici enfin dans la mansarde convenue : la fenêtre en était ouverte. Alors, d'un petit transistor que je portais en collier, je fais sortir une petite musique, bien que je ferais mieux de ne pas me rendre vulnérable.

C'est en effet de la folie. Eteignons cela. Une pièce déserte. Une autre. Une autre encore. Un couple de domestiques me croise, apeurés : je leur murmure de ne pas me révéler. Ils entrent dans une autre pièce, en ressortent, toujours accrochés l'un à l'autre, avec la même expression d'acquiescement craintif. Dès qu'ils ont de nouveau quitté la pièce, je 'aperçois que leurs yeux m'ont, à la lettre, dénudé. Ce n'est pas une tenue pour présenter un manuscrit : rien d'étonnant s'il est perdu ! c'est être trop vulnérable, en vérité. Cette pièce où je suis, aussi nue elle aussi que les autres, donne à droite sur une pente boisée, ardue jusqu'à son sommet.

rêves,voyages,SuèdeLa pente s'affaiblirait, deviendrait un plateau, que je parcourrais, revenant sur mes pas, délimitant tout mon espace plat où je règnerais, vêtu de branchages, beau et seul. Ce serait en Lozère, au mois d'août.

 

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Lobström s'imagine voyager Ses déplacements observent une échelle assez réduite, bien que la France offre une grande variété. Il roule à vélo, car il est jeune, aux environs de Reims, en forêt. Les villages se succèdent, pour la plus grande joie des touristes américains, car la France et sa campagne ont été crées pour les regards américains. Et notre cycliste français a faim : voici un restaurant rustique à point nommé. C'est un Périgourdin qui s'est installé là, en contresens complet avec cette région rémoise. Il sert de la soupe agrémentée de vin, que 'on appelle "chabrol" ; et dans cette contrée de champagne, il se permet d'écouler une mauvaise vinasse.

Alors, devant une assemblée de goinfres rougeauds et sans goût ni manières, le cycliste reverse son écuelle dans un énorme récipient commun, sous le nez d'un gros porc pétrocorien plus rubicond peut-être que les autres, qui se ressert dans ses restes mêmes et avale, à peine étonné. "Excusez-moi" lui dit Lobström, "de vous avoir en quelque sorte forcé la main". Le Pétrocorien, ou exilé de Périgueux, hoche la tête mais ne peut s'exprimer la bouche pleine. Le cycliste est calé ; il ne veut rien de plus. Sauf son vélo, qu'il retrouve à la rue suivante : un emprunt, passons. Deux kilomètres encore, et c'est une vraie grande ville, splendide, inondée, aux trottoirs étroits.

L'eau parvient à tiers de roue, il se trempe, mais il pédale - un obstacle : pied à terre - mais une femme vient vers lui par une porte de bureau : "Laissez !" - se baisse et tire de l'eu sale une vieille imprimante, inutilisable à présent. "Après le coin, ça se gâte !" - en effet : la rue donne, en tournant, sur le quai lui-même inondé bien sûr : le fleuve est à un mètre à peine. Deux chaises de jardin, en plastique blanc résistent au courant, qui trace à leurs pieds huit petit sillages. Quand l'eau sera redescendue, restera le cadre architectural, magnifique, très "XVIIIe s." Il reste quelques étapes à parcourir. Lobström à présent habite la Suède ; mais il se souvient de ces régions françaises, où habitait son père, du temps qu'il négociait le vin de Champagne.

Plus que cinq jours, et hop, Stockholm.

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