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La prindoure et le troubacesse

Quoi de plus convenu que l'histoire d'un troubadour moderne amoureux de sa souveraine, et qui le lui rend avec fraîcheur sincère ? Et cependant quel tact, quel toucher pianistique, avec juste ce qu'il faut de distance, de vérité, de réalisme, de poésie, jusque dans les précisions érotiques traitées avec une distinction sans mièvrerie à faire rosir les pudeurs, sans mièvrerie ni brutalité d'expression. A quoi sert cependant un tel livre direz-vous. La chose est bien aisée : à rien. Il ne délivre aucun message, il se situe dans la lignée des ouvrages « champagne », j'aurais bien dit des Sollers si Monsieur Bastide ne m'avait guère paru éprouver de sympathie à son égard. Il est vrai que Sollers n'est venu là que par suite d'une évolution, du politique au futile profond.

François-Régis Bastide fait ici un livre de luxe : un livre qui raconte une histoire, soit, d'amour – il aggrave son cas -, dans les hautes sphères – c'est irrécupérable. Tout dans l'élégance, le savoir-vivre, la sensualité : odeurs, couleurs, musique – le piano seul dans l'île ! ...et justesse des sentiments, des relations humaines : le sexagénaire et la reine de trente-cinq ans, dans un esprit de vraisemblance ahurissant. S'il fallait chercher des clés à ce roman, ne faudrait-il pas les chercher dans ce pesant avant-propos – mais tous les avant-propos sont pesants, démentant ainsi l'assertion selon laquelle nos éditeurs ne jugeraient que d'après les premières pages – avant-propos où il est question d'un mystérieux personnage peu recommandable, collant et compromettant, grâce auquel le héros obtient la nomination au poste d'ambassadeur en Villanovie, ce qui est à la fois une pénitence et une position aussi influente qu'apparemment occulte.

A lire de préférence au premier degré, en se laissant emporter par ce plaisir désormais si rare: le plaisir de lire, de se laisser dériver au gré d'une lecture, agréable, moins futile qu'elle n'en donne l'apparence, puisqu'elle témoigne de l'humain – vous savez, cette petite chose si essentielle qui disparaît dans les ordinateurs et les discours de Juppé-le-Métallique... Lecture de la p. 47 : « Il s'était « tapé un sauna » en m'attendant. Il était luisant comme un éclair au café; il répétait « rissolé ». Tel est le croquis du personnage peu recommandable du début du roman : quelqu'un de sans-gêne, ignorant les règles du savoir-vivre, brutalement sensuel et tourmenté, à la façon du gros lard du Taxi Mauve de Michel Déon. Personnage que les raffinés comme François-Régis Bastide n'aiment pas à voir roder autour d'eux. Lecture de la p. 94 : « Van S. ne comprenait pas bien. On m'interrogea, pour que je dise si c'était bien cela, si l'argot de Sa Majesté traduisait bien le mot allemand interminable. J'opinai, évidemment, en souriant et en osant féliciter la reine.

J'aimais bien cette expression, ajouta-t-Elle, quand j'étudiais à Paris. » Une femme donc qui mêle à sa majesté suffisamment de majesté déstabilisante pour devenir un beau morceau de charme... Lecture de la p. 141 : « Le jour où tous ces souverains, qui étaient tous frères, cousins, cousines, tiendraient le monde, l'ONU n'aurait qu'à fermer ses coûteuses et inutiles portes. Les souverains se téléphoneraient pour tout arranger. Tandis que l'ONU crevait d'un simulacre de démocratie, illustré par les votes imbéciles de diplomates castrés par leurs capitales. » Qui plus est pour terminer, vous en apprendrez beaucoup sur les subtilités du protocole diplomatique et les rouages de l'Europe, car un ambassadeur, ça travaille.

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Et ça écrit. Bien. Le livre s'appelle L'homme au désir d'amour lointain. Il est de François-Régis Bastide. Ciao.

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