Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La broyeuse

Fedora grince, grinche, régente son gynécée ; la petite-fille desserre-t-elle tant soit peu les lèvres, Fedora la secoue, la tance et la morigène d'avoir été interrompue, avec des accents de harengère avignonnaise ; Lydie s'empresse-t-elle alors d'arborer un air soumis, la vieille lui reproche illico du ton le plus vinaigré sa soumission de faux-cul. Jamais pour cette enfant la moindre douceur, jamais la moindre rémisison dans la brimade. Je vois sous mes yeux l'innocence traînée à la folie - c'est que Lydie, voyez-vous, n'aurait pas dû naître : la maîtresse d'Olegario, c'était Fedora – et non pas sa fille - la fille grosse de l'amant de sa mère, mère porteuse de la grand-mère. Issue du mauvais ventre, surgie du mauvais corridor.

L'enfant exhibe sur injonction rogue le jeu de cartes offert l'an dernier : série « reptiles », dont un varan baveux, venimeux, pustuleux - « tu vois, tout neuf, intact ». Il n'a pas dû servir une seule fois, le jeu de cartes. Fedora refuse avec hauteur de manger en plein air aux mêmes tréteaux que les débiles, et tire à part nos propres tréteaux sur le gravier bruyant ; je proteste avec d'autant plus de véhémence que je n'oserai jamais intervenir contre la maltraitance de la petite. Je refuse de le céder à Môssieur l'Universitaire bruxellois, de la chambre voisine, qui, lui, se penche sur les déshérités si enrichissants : donc , notre table, je le proclame, restera collée à celle des dingues, et « la conversation n'en sera pas plus conne ». Fedora : « Bon, puisque tu le prends de haut ! » - c'est elle qui le prend de haut : prolos, fautes de vocabulo !

Je cède d'un coup. M'avisant soudain, et très pertinemment, que les croâssements hargneux de la Fedora imposeront infailliblement aux deux tablées une telle ambiance de mépris qu'il vaut mieux, même après qu'elle a cédé, obtempérer à retardement - du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours agi de même : braillements, hurlements, reculade. J'aurai hurlé pour rien : bonne devise pour ma tombe de faiblard. Ou alors, je gueule comme un putois, puis je reçois comme ça d'un coup par le travers une petite information bien flûtée qu'on ne m'avait pas dite – pour me ridiculiser ? ou bien « c'était « évident » ? - et tout, obligatoirement, retombe : l'insupportable inconvénient de l'instant d'avant devient bénin, l'idée révoltante s'avère inoffensive, bref, braillé pour rien, soumis tout de suite, doublement con.

Consul et proconsuls  B.JPG

Nous avons donc mangé en apartheid, foulant au pied les règles les plus élémentaires de la convivialité, dans le milieu gauchiste d'une Auberge signalée par le Guide du Routard : les sains d'esprit d'un côté, les fous de l'autre (les Bruxellois, ma foi, plus loin encore)

Les commentaires sont fermés.