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  • Le meilleur et le pire

    LE SINGE VERT N° 94 UNGGOY LUNTIAN (tagalog)

    Rédacteur HARDT KOHN-LILIOM

    dergruneaffe.hautetfort.com, kohnlili.blogs.sudouest.fr

    Arrivée magique P.JPGsingevert.blogspot.com

    citation 1183.- Combien je justifierais, par ce pacte universel et sacré, de gens qu'on accuse de méchanceté, tandis que c'est soi qu'on devrait accuser de sottise !

    Denis DIDEROT ( Le neveu de Rameau)

    ICI RADIO VIEUX CON

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    Bordeaux m'est trop connue, déambulations molles, chaleurs touffues, humidités de fins d'automnes. Bordeaux momifie ma jeunesse et mon âge mûr, ma vie jusqu'à ma mort. Bordeaux se love autour de sa Chartreuse Nécropole, avec la tombe de Goya dont on n'a jamais retrouvé la tête). Eloge de Lyon

    Quant à Lyon, je n'y suis retourné qu'une fois, plus belle cité de France assurément devant Paris surfaite et sans âme - Paris n'est plus qu'un gigantesque, un puant hurlement de bagnoles ; d'où surgissent, inhumains, disproportionnés, glacés et bouffis, ces monuments inaccessibles posés là comme autant de diamants boursouflés ceints d'interminables prairies à vaches – avec tout autour, toujours, le bouillon de culture de milliers de pots d'échappement.

    Il n'y a plus à Paris la moindre parcelle d'âme, plus la moindre trace de souvenir d'ébauche d'atmosphère. Evoquer l'âme de Paris revient à encenser de vieilles nostalgies rancies. Sans oublier, chez l'habitant, la frime, la frime, la frime. Et comme dirait un lepéniste, trop de bagnoles, trop de bougnoules.

  • Sur la disparition des oracles

    C'est avec une grande humilité, une fois n'est pas coutume, que je voudrais présenter aujourd'hui un traité de Plutarque, Sur la disparition des oracles. Je n'y ai pas compris grand-chose, juste des lueurs à l'horizon. Ce traité fait lui-même partie des Dialogues pythiques, regroupés en un volume dans la collection Budé, bilingue, le grec à droite et le français à gauche. La Pythie, c'est la devineresse qui, à Delphes, juchée sur un trépied, respirait des vapeurs volcaniques et mâchait du laurier afin de prophétiser. Elle arrivait parfois munie d'un énorme sandwich, d'où l'expression « La Pythie vient en mangeant ». Mais à l'époque de Plutarque, ses oracles n'étaient plus guère consultés, une fois par mois. 

    Wikipédia m'apprend que les Empereurs de Rome étaient d'abord venus la consulter pour savoir s'il convenait d'entreprendre telle ou telle guerre par exemple, puis pour piller son sanctuaire, car elle recevait de nombreux cadeaux en or et en argent. De même, voyez-vous, les ex-voto suspendus aux murs de nos sanctuaires catholiques remercient la Vierge pour ses miracles : ces petites plaques de marbre, encore très nombreuses jusqu'à la dernière guerre, se sont à présent raréfiées jusqu'à zéro, et les miracles de Lourdes, du moins les certifiés, sont presque inexistants. Deux religions, à 1900 ans de distance, dépérissent dans l'indifférence : car c'est la foi qui produit les miracles, ensuite de quoi les miracles nourrissent la foi.

    Mais il faut d'abord croire, et avec ferveur. Plutarque était grand-prêtre. Il s'occupait donc de théologie, ce qui mène à la philosophie, laquelle renvoie à la théologie, en un jeu permanent de va-et-vient, si même il est rationnel de les distinguer l'une de l'autre. Car les deux traitent du mystère, de ce que nous ne pourrons jamais savoir à fond ni maîtriser. À Delphes, désormais en ruines sous le soleil écrasant des touristes, figurait gravé dans la pierre la fameuse devise « Connais-toi toi-même », « ghnôthi séautonn », qui devrait être la devise de tous, car elle engendre non pas l'égoïsme mais la modestie la plus complète : regardez-vous dans la glace, et vous verrez... Le fidèle pèlerin consultant pouvait apercevoir aussi un E, un epsilonn majuscule, dont l'interprétation est longuement soupesée par l'auteur Plutarque : en effet, prononcé tout seul, « é » signifie « si » - si quoi ?

    Ciel d'Ajaccio P.JPG

    Nous pourrions disserter là-dessus à l'infini, et toutes les idées du monde nous viendraient, ce qui serait très stimulant. Mais epsilonn est aussi la cinquième lettre de l'alphabet grec, comme le « e » de l'alphabet latin. Dans un texte, epsilonn tout seul représente le nombre 5. Pourquoi le nombre 5 figurait-il sur un fronton de temple ? La question est abordée non seulement dans le traité Sur l'epsilonn mais aussi dans La disparition des oracles. Les deux questions, comme toutes les questions philosophiques, ramènent en effet incessamment à l'interrogation primordiale : qu'est-ce que l'univers, comment est-il né, si toutefois il est né, à quoi sert-il, et finira-t-il, si toutefois il doit finir. Et notre science, nos fusées ou nos hypothèses sur l'ADN, nos démangeaisons de tripatouillages génétiques ou informatiques n'y pourront rien changer : certes, nous ne croyons plus que le bruit du tonnerre est produit par le choc des nuages, ni que la terre est plate et que l'océan tombe dans l'abîme tout autour du cercle terrestre comme une cuvette qui déborde.

    Mais les frontières de l'inconnu sont comme l'horizon ou le redressement économique : elles reculent à mesure qu'on avance, et je vous épargne les traits d'esprit qui nous sont venus dans la tête ou ailleurs. Le raisonnement des Antiques et des Médiévaux nous échappe le plus souvent, à moins de nous en être imprégnés comme un pan bagnat d'huile d'olive. Seuls de très grands spécialistes ou des personnes exceptionnellement souples peuvent y accéder. Platon, qui déjà me semble difficile, aborde la métaphysique, où nous pouvons encore nous retrouver : nous sommes des prisonniers dans une caverne, sans possibilité de nous retourner vers l'entrée, à cause de nos chaînes ; donc nous ne voyons que des ombres – cela, nous le comprenons.

    Mais sitôt que Platon, ou ses suiveurs, Plutarque, Plotin, accèdent aux raisonnements numériques et géométriques, en les mâtinant de métaphysique ou de simple physique transformationnelle et analogique, la plupart des péquins lâchent prise. Platon distingue donc cinq (nous y voici) principes formateurs de l'univers : l'être, l'identité et l'altérité, le mouvement et la stabilité. L'être, c'est le Un. Appelant à la rescousse nos faibles lumières mystiques, 2 serait la divinité prenant conscience d'elle-même, 3 la décision trinitaire de création, quatre le monde matériel, cinq, le Un contemplant de haut le Quatre, autrement dit, le créateur contemplant le monde qu'il a créé.

    Or, un point contemplant d'en haut le carré qui possède quatre côtés, c'est une pyramide. Platon ni Plutarque n'étaient chrétiens, ni ne croyaient en une trinité (cependant les religions antiques voyaient volontiers trois dieux ou déesses à la tête de la création). Donc nos beaux raisonnements plus ou moins pythagoriciens ne sont plus de mise, et nous devons reposer à côté de nous cette torche qui nous avait dissipé quelque peu les ténèbres. Platon part de la pyramide, constate qu'elle prend la forme d'une flamme, que son nom comprend le mot « pyr », ou « pur », le feu, qui purifie, et donne les feux d'artifice autrement dit la pyrotechnie – rappelons que les Pyrénées signifie « les montagnes de feu ».