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C'est l'histoire d'un pédé

C'EST L'HISTOIRE D'UN PÉDÉ Météo de biais P.JPG

Les pédés de l'époque étaient flamboyants. Ils jouissaient d'un prestige qui n'avait pour égal que leurs persécutions. Trois d'entre eux nous marquèrent à tout jamais. Lawrence d'abord, mi-anglais mi-basque, mais authentiquement français précieux. Kérane, british, lui, jusqu'aux ongles, toujours suivi d'une jeune femme blonde qui faisait tout ce qu'elle pouvait pour paraître lesbienne. Et Philippe-Michaël Noël, flamboyant comme son nom l'indique, méprisant les noms du vulgaire. Il était du dernier chic et de la dernière indécence d'être pédé. On ne disait pas « homo », qui fait « socialement correct ». En ce temps-là, tout pédé se devait de se faire emmerder dans la rue, molesté, rudoyer.

J'ai tenu deux-trois fois Lawrence sur mes genoux, et nous avons flirté, sans plus, au-dessus de la ceinture. Mais je ne le désirais pas : trop malingre, trop sauterelle. Et puis, c'était l'amant de ma femme. Plus tard j'ai répandu la légende que mon épouse s'était fait engrosser par la muflerie de « mon mec à moi » : nous aurions formé un « ménage à trois ». Il n'est rien de plus faux. Un soir Lawrence, de retour d'une boîte à tantes, m'engueula comme du poisson pourri : toute la soirée j'avais flirté avec un coiffeur, jusqu'au langue-en-bouche, ce que l'on appelait jadis des « baisers pigeonnants » ; nous étions à côté des chiottes, où les quatre gouines camionneuses se pelotaient comme des dingues.

Revenu chez nous, à quatre en comptant Arielle, mon coiffeur aimerait monter au troisième pour nous envoyer en l'air. Je demande la permission à ma femme, comme cela se faisait entre faux révolutionnaires. « Ce sera vite fait ! » Mon épouse ne voulut jamais y consentir, car pour elle, coucher avec un homme, c'était tromper. Mon Figaro monta au troisième en sanglotant très bruyamment. Et le lendemain matin, donc, notre Lawrence me reprocha vivement cette attitude de lâcheur. « Mais il ne pouvait pas repartir avec un autre homme ? - Ma foi non ! Comme il était entrepris par toi, personne n'a voulu vous déranger ! » Telle était la coutume, et je l'ignorais, ou plutôt je feignais de l'ignorer.

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