Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Deuxième dévoiement

	Le but du jeu est d'établir un savant basculement, de la Vie à la Mort (la mort au masculin
comme il se doit,
der Tod), tristesse et joie, ascétisme et jouissance. Or passant quelque jour
par l'immense cimetière de Limoges, j'y fus frappé par une épitaphe poignante, sur plaque de
lave émaillée :
"A mon mari - A son œuvre" accompagné d'un autoportrait du défunt, à l'encre, assez bon, sans plus. D'autres portraits du
même ornaient trois dalles voisines, comme si les amis du défunt avaient poussé l'obligeance
jusqu'à se faire inhumer dans la même section. Mon dos fut alors secoué d'un frisson. Je fus
secondement frappé, mais plus subsidiairement, par la carte postale représentant "l'Hôtel de
Ville à Limoges", "construit à l'imitation de celui de Paris" ; ce qui serait risible, si je n'avais
pas assisté à un spectacle théâtral extraordinaire, où toute une troupe avait ressuscité le sombre
cabaret du Dernier des Hommes à St-Cyr-sur-Morin, la Zone crapuleuse des années 25, avec une
bonne volonté nostalgique indécrottablement pathétique. Venu à Limoges pour me dépayser
(à chacun son budget), je retrouvais le dépaysement au sein même du dépaysement. Eux non
plus n'aimaient ni leur ville ni leur époque.

Rue Constantin.JPG

Me revenait troisièmement ce tic frelaté  de vouloir passer pour ce que je ne suis pas, Polonais
à Budapest, à Carthagène d'Espagne Israélien. J'avais là des Limougeauds et Geaudes
exprimant leur pépie d'un Paris déjà mort impossible à ressusciter, celui d'une Joséphine
Baker, d'un Paul Poiret, d'un Paname aspirateur tous les arrière-grands-pères de leurs si vides
et vertes campagnes d'Ambazac ou de St-Yrieix ; d'un navrant à tordre les entrailles, d'une
ringardise engluée corps et biens dans les inextricables marécages du second et du premier
degrés. De tels spectacles assurément se nourrissaient, au petit bonheur des tournées, de Guéret
aux Causses, du Forez à Millau, nos personnages.
Nous n'avons pas encore décidé si Héléna Bost, bonne du curé, pute le week-end à
Bordeaux dans la rue H., doit s'enfuir en compagnie de l'essuyeuse de verres au fond du café
de La Teste (Gironde), formant l'un de ces si nombreux îlots féminins en cavale. Quant au
docteur Maatz, client occasionnel, il deviendrait si drôle, si bouffon dans ses tics d'oraisons,
là-haut sous les combles, qu'il s'en suiciderait. Mais les poutres sont trop basses.
Je calomnie mes personnages. X Les personnages masculins communiqueraient par téléphone et non par la Toile,
car
cela se passait en des temps très anciens. N'est-il pas préférable d'entendre une voix
humaine au bout du fil, sans voir son visage ? telle est du moins l'opinion commune.
Les féminins se déplaceront plus volontiers corporellement, car il faut, dans les romans
contemporains, que les femmes représentent le mouvement, après avoir symbolisé durant
des millénaires l'immobilité ("L'homme est le voyageur, la femme est le clocher", disait
à peu près le plus mauvais Musset).

Les commentaires sont fermés.