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L'an 1817

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    J'ai le trac. Une sorte de trac, ma constitution ne m'accordant que des émotions modérées. Tout de même, "Textes libres" laisse face à face avec le gigantise prétentieux de sa mission, écrire pour dans mille ans. Je me souviens de Bourbon, écrivant en latin "passeront la terrre, le soleil et les étoiles, mais je resterai". Bourbon Nicolas le Père mourut en 1550, Nicolas le Jeune fit partie de l'Académie Française. C'était en langue latine. Du Bellay seul échappe aux oubliettes. L'un de mes amis brouillés m'envoyait naguère des nécrologies, d'artistes, politiques et autres fantaisistes, tels Eddie Vartan, qui de leurs heures de gloire venaient de tomber au cercueil.
    Personne parfois ne savait plus qui ils étaient. Il existait en 1817 (Livre III des Misérables) une multitude de gens célèbres, bateleurs, comédiens, boutiquiers, qui s'agitaient joyeux sous le soleil, pleins de jeunesse et d'espoir comme les feuilles d'arbres, et comme elles tombées depuis. Seigneur, prends pitié de nos banalités, de nos vanités. Nous étions tous hier vissés à nos postes, où les Hanouna, Busnel et Dutripier, célébrités du jour, ébrouaient leurs sottises à tous vents. Et je les insultais, dans leur candeur, leur assurance de vendre à tous leurs meilleurs pommes de terre, entendez leurs production littéraires. Une fois de plus nous était offert le naïf spectacle des grandes gueules qui écrivent, haha, comme on respire, avec le souci de l'auauautre, sans la moindre profondeur, ni inquiétude, ni la moindre trace de vie intérieure.
    Nous avons bien râlé. Nous avons bien joui de l'opposition Godard-Truffeau, savourant une fois de plus la sauce amère du petit révolutionnaire qui reproche au bourgeois de faire des oeuvres bourgeoises, "avec les classes dans le train et le mouchard du patron juste à côté de lui". Tout à fait comme un inquisiteur, au beau milieu d'un exposé ou d'un récit, venait tout à coup jeter là Notre Seigneur Jésus-Christ, sans aucun rapport avec la choucroute. Ou quelque idéologie que ce soit. On est de goche, putaing cong, ou on ne l'est pas. Toujours la prétention raide de ceux qui ont raison parce qu'ils veulent, voyez-vous ça, sauver le monde, le faire passer d'une petite cage dans une cage moins petite.

Adieu aux Sanguinaires.JPG


    En vérité tout prosélytisme est une insulte à l'esprit, à la liberté même. "L'extrême droite n'a pas connu un tel niveau en Autriche depuis la fin de la Seconde guerre mondiale - mais ce n'est pas la même extrême droite, bande de gluants ! Oui, je fais comme Truffeau, je tiens la porte à celui qui me suit dans le couloir. Godard piégeait les enfants à la Socrate : "Mais quand la cloche sonne, elle t'ordonne de rentrer en classe - Ah oui." Sape bien les fondements, Godard, théoricien, livre-nous au désespoir d'avoir trop réfléchi, ne nous laisse aucune issue, afin de régner sur les masses, et de semer sur nos ruines tes semences aussi vénéneuses que les autres.
    Au diable ceux qui ont des idées, mais plus encore ceux qui veulent les appliquer, les mettre en pratique. Oui, je cherche mes mots, mes phrases. Oui je crois vous entendre autour de moi, m'approuvant, me répliquant. Chacune de nos pensées traîne après elle une nuée d'attentions, et le cul du jockey éclate dans la rupture du falzar, repos. "Je serais curieux" disait-il "de savoir qui tire les ficelles". Voilà bien longtemps que je ne distingue plus rien. La marionnette et la main se sont emmêlés dans les fils. Nous sommes responsables, la cause est entendue. Mais de quoi ? Je pense à Napoléon, aux sauteuses de haies toutes cuisses écartées, à cette solitude ailée...

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