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Tout commence avec Dalida

Signora Iolanda Cristina GIGLIOTTI, dites-moi – cinquante ans – visage marqué magique – la fin toute proche – accent macaroni moqué - « Arrêtez. Mes projets sont abondants. Je ne baisse pas la tête. Posez d'autres questions. - Quels sont vos rapports avec les plantes ? les fleurs, les arbres ? » (tout laisser ainsi en plan, à la disposition fébrile des survivants) – J'ai beaucoup de projets. Ma forme est excellente. Voyez mon fils, il le confirmera. Il s'appelle le Cordouan, comme le phare. » Voyons ce fils ! Il habite une sorte de ruine, genre « loft aménagé », peut-être un ancien phare mais de terre ferme, et je lui brûle la politesse, montant le premier. Il me suit. C'est un jeu. L'escalier en colimaçon monte de meurtrière en meurtrière, de plus en plus large, où passer la tête. J'ai devancé le Cordouan, peut-être m'a-t-il dit « Après vous », mais il me poursuit, tente de m'atteindre à coups de grands mollards qui ne m'atteignent pas mais retombent en grands parachutes à claires-voies : « Tu ne peux même pas atteindre les pigeons qui nous séparent ! » C'est entre lui et moi, le longs des murailles blanches, un mouvement continu de gros oiseaux à donner le tournis. Les crachats chutent comme autant de méduses qui se déchirent. Je suis arrivé avant le fils chéri, dans un petite pièce au sommet très bien aménagée, donnant de partout sur les terres et la mer qu'on aperçoit dans le lointain. Il arrive à son tour essoufflé, bien que ce soit sa propre demeure. À gauche part un couloir obscur en impasse. « À quoi cela sert-il ? - À rien me répond-il. Nous ne faisons pas l'amour. Mais dans ce cercle étroit loin de la terre et de l'Océan nous accomplissons une succession de frôlements précis et de caresses, inventant à mesure un rite éphémère. Nul n'en saura jamais rien. Nous promettons de nous écrire, pressentant que jamais plus nous ne serons ensemble. Ne serait-ce qu'à son air désabusé.

C'est un grand jeune homme blond pâle, adresse : « Sous le château d'eau ». Le courrier se dépose en bas, dans une archère aménagée. Alors seulement j'ai repris le car dans la direction opposée, de Vaux-sur-Seine à Conflans. La côte monte. Le conducteur n'est pas sûr de lui, finira bien par trouver des panneaux indicateurs. Pour l'instant, face à face dans le car, eux Tahitiens parlent d'un match. Leurs mentons sont très pointus, comme certains masques tropicaux. À l'arrêt voulu, Ferret et moi sommes descendus, avons couru vers une entrée dans le roc, se rétrécissant à mesure que s'enfonce vers le haut un escalier en spirale… Il recule, je recule devant lui, à cul-touche nez.

Sommes-nous bêtes d'avoir voulu nous coincer à l'intérieur de cette aiguille rocheuse. Ferret a disparu, le temps que je m'extirpe. Comment ai-je pu rejoindre l'hôtel, il me semble qu'un taxi m'a recueilli, à 20h 20 je suis arrivé chez moi en retard, et par ma foi, mon épouse Arielle me fait une telle gueule que je n'ai plus qu'à dormir à l'hôtel. Roulons. De nuit cette fois, et à vélo. Un moteur est installé dans mes pattes, involontairement je pousse sur les pédales, une accumulation de toxines peut tuer. Mais je franchis victorieusement un aiguillage en creux sur l'asphalte : ô tramways meurtriers… Place de la Bourse passe une longue ligne, part un embranchement vers l'intérieur des terres, loin de la Garonne…

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C'est une abondante blonde qui sort d'un angle, droit sur moi, et m'assaille en selle tous seins et toute affection dehors : chouette s'exclame-t-elle, je ne me trouvais pas de cavalier de danse, les autres ne se moqueront plus de moi. Parfait. Ne me reste plus qu'à rentrer chez moi, pour me débarrasser de mon vélo, et revenir à pied, tout propre et tout paré. Tout le monde, n'est-ce pas, en eût fait de même, et je ne sais rien de plus raisonnable. Et voyez comme vont les choses, ma blonde est retrouvée, elle s'est accoudée à un bar, à l'abri, en compagnie d'autres folasses, et me reconnaît. Nouvel assaut, cette fois philosophique : la merveilleuse entente entre deux êtres s'exprime bien davantage quand le sexe n'y tient pas de place. « Visitons plutôt le musée », me dit-elle.

En effet, cet infâme bouge en plein désert nocturne offre en arrière-salle l'avantage d'un musée picturo-sculpturel. Nous en ressortons gavés d'impressionnants chefs-d'œuvres, et je m'aperçois que mon écharpe, mon Dieu, ma belle écharpe à fleurs, est tombée sans doute au pied d'un tableau de maître. Attends-moi je reviens. Le gardien doit rouvrir la salle, et bougonne comme un chien, comme s'il n'était pas un simple domestique. Écharpe retrouvée ou non, et porte refermée derrière moi, il est impossible de retrouver la moindre blonde aux seins amoureux, ni même une de ses compagnes. C'est rageant de rater l'occasion. Mais un petit carnet traîne sur le zinc : les demoiselles ont laissé quelque chose : tous leurs numéros de téléphone, toutes leurs baises et leurs dentistes ! C'est une petite brune qui rentre, furibarde, pressée, m'arrache le carnet des mains et repart en trombe : adieu, liste d'adresses, où je ne figure pas ! « Permettez ? » - au dernier instant je rattrape ma maigre brune, inscris mon nom d'un stylo rapide, illisible, griffonné au bas de page, surpeuplée, la page ; la brune trépigne, je me rature, m'embrouille,patron ! patron ! est-ce que vous pouvez me lire ? Il s'en fout, « moi j'essuie les verres... », et me revoilà seul, à pied, la braguette pleine de rêves.

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