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C'est fou ce que je rêve...

   

Bicyclette et siège.JPG

Le cours que je viens de donner s'achève dans la confusion générale. J'en ignore la cause. Juste après, la journée de travail continue.Après un bref laps de temps, c'est une réunion de parents d'élèves qui se tient dans cette même salle. Ils se bousculent. Il en vient de plus en plus    - les murs y suffiront-ils ? Pourtant ce brouhaha ne semble pas dirigé contre moi particulièrement. Et ce qui met le comble au tumulte, c'est l'arrivée en classe, par la porte, d'un père à moto, tout pétaradant. Celui-là me fait signe, c'est à moi qu'il veut parler, mais à part. Nous nous sommes donc isolés dans la mesure du possible, c'est-à-dire à peine, et j'entends cet homme qui me dit : «Ma fille n'est pas ma fille. Je viens de l'apprendre. Ses parents sont » - il me cite deux hommes, ce qui ne laisse pas de surprendre, même s'il s'agit des directeurs d'établissements très cotés de la ville. Deux hommes ? Il veut dire sans doute que ces respectables individus ont partagé les faveurs de sa propre femme, de façon si rapprochée qu'il serait impossible de déterminer, pour l'instant, le père ?   Je ne sais rien de tout cela. Il ne me vient même pas à l'idée de contester cette procréation par deux hommes ensemble, soit par saisissement, soit parce que la pratique en est dévenue tellement banale qu'il ne vaille plus la peine de s'en étonner.
    Voici maintenant une famille de type flamand, chairs jambonneuses et embonpoint correspondant. Ceux-là ne veulent même pas m'adresser la parole : ils me repoussent vers l'arrière. De plus en plus gagne l'opinion de détruire le métier de professeur au profit de membres des familles, qui se relaieraient auprès des enfants comme cela se faisait naguère en Italie au Moyen Âge, ainsi que d'internet, promu premier pédagogue de la planète. Ainsi pourrions-nous retourner, grâce aux prodiges de la décroissance, aux temps bénis où la vie durait peu, mais où l'on avait l'impression (pour les puissants) de vivre ; à présent, ce sont toujours les puissants qui vivent, mais les dominés, remplis à ras bords d'espoirs déçus, sont devenus féroces et désespérés.  
    Voilà pourquoi je suis pour un retour à la barbarie et à la loi du plus fort, qui avait au moins le mérite d'être claire. La fille flamande est rose et blonde, et refuse de me reconnaître. Comme si je l'avais tripotée. Comme si je ne l'avais pas tripotée. Que voulez-vous comprendre à l'ambiguïté des souhaits : les jeunes filles souhaitent toutes les choses à la fois. Ce sont les reines du monde. Quant aux garçons, ils se débattent avec les conneries de ces demoiselles et leurs incessantes contradictions. Revoici le motocycliste qui me rabâche son histoire de filiation homosexuelle par les hommes ; il se répète, je me répète. Ne pourrait-il y avoir dans ce genre de réunions sur convocations un minimum d'organisation ?
    Nous avons l'impression d'être livrés aux lions du cirque, encore ces jeux-là chez les Romains étaient-ils soumis à une liturgie très stricte. Peut-être pleure-t-il, d'ailleurs, ce motocycliste. Mais comme il vient de l'extérieur, où se déclenchent en ce moment de gigantesques giboulées qui trépignent sur le sol cimenté de la cour, ses larmes ne sont peut-être que des gouttes d'averses...  Autour de moi, tous les assistants, soudain attendris, affichent des mines satisfaites. Mon Dieu, où suis-je ?

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